La rentrée scolaire, l’Aïd et les élections : Des cadeaux pour s’emparer du « gâteau » !

Vous connaissez Panurge, ami de Pantagruel et l’un des personnages de  Rabelais : escroc, menteur, faux médecin, il a jeté un mouton d’un bateau et le reste du troupeau s’est jeté à la mer. Ça ne vous rappelle rien ? On connaissait les moutons de Panurge, mais depuis la Révolution, on a découvert les moutons d’Ennahdha, distribués, selon certains, pour gagner des voix lors des dernières élections !

Et si on en reparle aujourd’hui, c’est parce que l’Aïd El Kébir approche et que certains réitèrent leurs accusations contre ce parti. Voulant en avoir le cœur net, nous avons contacté M. Ajmi Lourimi, leader du mouvement Ennahdha qui a infirmé ces propos. « Nous pouvons offrir un mouton mais personne ne garantit que cette personne votera effectivement pour nous. Nous n’avons jamais eu recours à ce genre de pratiques. Il s’agit de certains détracteurs qui lancent ce genre d’accusations et de rumeurs. Le citoyen ne vote ni pour un lapin, ni pour un mouton, il vote pour un programme. Notre mouvement est pour la transparence, l’application de la loi, le respect de la loi électorale. ».

Si ce n’est pas de la langue de bois, ça y ressemble ! Quand on demande à Ajmi Lourimi si le mouvement prévoit quelques cadeaux pour cet Aïd, il répond « On n’est pas au courant, nous n’avons pour seul argument que notre programme. Notre défi est la lutte contre le chômage, la situation économique, sécuritaire et sociale. »

Ennahdha espère-t-il s’imposer dans les régions reculées, où l’illettrisme et la pauvreté battent des records ? Sans doute. En tous cas Ajmi Lourimi défend son parti avec véhémence. « L’électeur tunisien est aujourd’hui conscient et sait ce qu’il veut même dans les régions les plus reculées. Même celui qui ne sait pas lire connaît les partis de par leurs emblèmes. C’est nous qui ne savons rien d’eux, eux, ils savent tout ! »

Contradictions

Malgré ces dénégations, les réseaux sociaux grouillent d’informations ni vérifiées, ni même vérifiables, qui évoquent les moutons distribués par Ennahdha à l’occasion de l’Aïd. Nombreux annoncent que des familles défavorisés ont reçu des moutons à la veille de la première campagne électorale pour gagner le cœur et les votes des électeurs.

Sans confirmer cette pratique, l’ex chef du gouvernement, Hamadi Jebali, avait déclaré quelques jours avant l’Aïd 2012, sur les ondes d’une radio privée, que le parti ne devrait pas cette année procéder à la distribution de moutons au vu de la conjoncture économique. Sans confirmer directement que son parti a eu recours à cette méthode pour élargir son cercle d’ « amis », il a estimé simplement que la situation économique ne permet pas ce genre de dépenses. Quelques jours plus tard, c’est sur une chaîne télé privée que nous pouvions voir les habitants de Sidi Thabet refuser ces présents d’Ennahdha. Le parti aurait distribué 2kg de viande aux habitants à l’occasion du 2e jour de l’Aïd. Dénonçant les conditions de vie, le chômage et l’affaiblissement du pouvoir d’achat, certains habitants ont rejeté ces pratiques.

De son côté, le journal électronique « Tunisie Secret » a récemment annoncé dans un article qu’un pays du Golfe connu pour son soutient aux partis religieux a fait don de 7,5 millions d’euros à trois associations caritatives tunisiennes proches d’Ennahdha. 

« Il s’agit de Dr Mohamed Nejib Karoui, président de l’Association caritative de solidarité sociale, fils de Hamed Karoui, l’ex-premier ministre de Ben Ali et médecin de Hamadi Jebali. Le second est Mohsen Jendoubi, président de l’association Marhama, également proche d’Ennahdha et le troisième est Abdelmonêm Daïmi, président de la l’association Tunisia Charity, frère de Imed Daïmi, secrétaire général du Congrès pour la république. »

Les membres du pari Ennahdha s’en défendent avec virulence. « Toute notre campagne est basée sur des fonds nationaux. Nous n’avons aucun financement étranger. Il n’est pas sans rappeler que chaque élu du bloc nous verse au moins 5% de son salaire », affirme Ajmi Lourimi.

Des associations douteuses

Alors que les élections approchent à grands pas, plusieurs associations s’activent à une cadence également accélérée pour être au rendez-vous de cette échéance cruciale. La campagne d’inscription des électeurs étant clôturée, des dizaines d’associations, 140 pour être exact, se focalisent désormais sur le plafond des dépenses sachant que les seuils des financements, public et privé, font aujourd’hui l’objet d’un projet de décret qui sera publié prochainement.

Cette question demeure l’un des objectifs que s’est assignée « I Watch », une organisation engagée dans la lutte contre la corruption et qui a déjà entamé les préparatifs depuis 2012, en vue du lancement de son projet pilote de contrôle du financement de la campagne électorale.

Ce projet dont le coût est estimé à 140 millions de dinars et qui a déjà démarré le 11 août 2014, va concerner six partis politiques. « Il s’agit d’Afek Tounes, d’Ettakatol, d’Al Joumhouri, d’Ennahdha, du Front Populaire et de Nidaa Tounes », précise Yosr Mkaddem, chef de projet du contrôle du financement des campagnes électorales lors d’un point de presse tenu récemment.

Elle a souligné que plusieurs critères ont présidé au choix de ces formations politiques. « On s’est concentré sur les partis politiques qui ont participé aux élections 2011 et surtout ceux qui ont eu une grande influence dans la scène politique », a-t-elle dit, avant d’ajouter que « outre ces partis, on a retenu d’autres qui ont prouvé leurs rôles notamment au niveau de la stimulation des électeurs et des hommes d’affaires».

Yosr Mkaddem a par ailleurs indiqué que quarante observateurs relevant de l’organisation vont contrôler le financement des campagnes électorales de ces partis politiques, et ce, dans les circonscriptions de Tunis 1 et 2, Sfax 1 et 2, Sousse et Gafsa.

De son côté, Mouhab Awadi, président de l’organisation a déclaré qu’une charte d’honneur sera prochainement signée avec ces six partis. Aux termes de cette charte, ces partis seront invités à s’engager pour mettre en avant l’intérêt national tout en respectant la loi électorale. De même, ils seront appelés à respecter les décisions prises par l’ISIE, sans oublier l’importance d’éviter les financements venus de l’étranger.

Parmi les autres conditions fixées par cette charte, on cite également la non-exploitation des mosquées et des prêches pour influencer les citoyens. Ajoutons à cela l’interdiction d’utiliser les sources publiques à des fins électorales. La charte recommande, en outre, à ces partis de faciliter la tâche des observateurs mobilisés par l’organisation.

Rappelons enfin que Hamma Hammami, fidèle à ses orientations politiques, a récemment fustigé la polarisation d’hommes d’affaires par les partis politiques. En marge d’une rencontre avec plusieurs acteurs de professions libérales, notamment des avocats, des médecins, des ingénieurs, le porte-parole du Front populaire, a dénoncé la désignation d’hommes d’affaires par les partis politiques en tant que têtes de liste par appétence pour leur argent et leur statut social.

Selon lui, certains partis politiques, dont le mouvement Ennahdha, se sont illustrés en la matière en désignant l’homme d’affaires Mohamed Frikha à Sfax  ou encore Mehdi Ben Ayed à l’Ariana.

En conclusion, nous dirons qu’argent et politique n’ont jamais fait bon ménage et les dizaines de procès dans les pays démocratiques pour financement illégal des partis, sont là pour soutenir cette vérité première. Alors évitons à notre pays de tels excès, de tels procès qui finissent par mettre en doute la crédibilité de la classe politique dans son ensemble…

Yasser Maârouf

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