La retraite, un moment de calme, le repos du guerrier… Pour certains, c’est le début d’une nouvelle vie, pour d’autres, c’est la fin de la vie … Soixante ans, une âge raisonnable pour la retraite ? L’une des solutions proposées pour faire face à la crise de la Caisse de compensation est de pousser l’âge de la retraite à 62 ans puis à 65 ans … Et combien de temps pour se reposer ? Est-ce un passage obligatoire ?
Pas maintenant …
« La décision de porter l’âge de la retraite à 62 ans puis 65 ans ne sera prise qu’après concertation avec toutes les parties dans le cadre du contrat social » ne cesse de rappeler Ahmed Ammar Youmbai, le ministre des Affaires sociales.
Contactée par téléphone, une directrice au ministère nous explique qu’il s’agit de l’une des solutions proposées. L’autre solution est aussi d’augmenter les subventions du côté des employés ainsi que du côté de l’employeur.
Ce projet est en fait actuellement en discussion, cela concerne le ministère mais aussi l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, l’Union générale tunisienne du travail. Le gouvernement s’est engagé à ne pas prendre ce genre de décisions sans des tractations et des négociations au préalable.
Pour le patron de la Centrale ouvrière, cette mesure ne résoudra pas à elle seule les problèmes de la caisse sociale.
«Il faut éviter les solutions faciles qui peuvent engendrer des répercussion néfastes sur la société et les travailleurs» avait déclaré Houssine Abassi l’année dernière.
Les économistes, eux pensent que nous n’avons pas beaucoup d’options vu l’état actuel de notre Caisse de compensation.
«C’est une solution. Il y en a d’autres, mais je crois qu’à ce stade, on n’a pas le choix. Il faut combler le déficit de la caisse sociale. Une année de travail après la retraite, c’est 100 millions de dinars pour l’Etat et 2 ans, 200 millions annuellement» affirme Moez El Joudi, expert en économie.
Et les Tunisiens dans tout cela ?
Partir à la retraite n’est pas toujours facile à accepter.
Un ami journaliste nous a raconté une anecdote pour nous expliquer à quel point certaines personnes ont du mal à décrocher. Un technicien de la radio et télévision à l’époque est parti à la retraite, on lui avait dit au revoir, souhaité plein de belles choses et puis le lendemain, il s’est pointé et a commencé à se mêler du travail des autres techniciens, à vouloir les corriger et il a continué à venir tous les jours. Il ne pouvait pas admettre que quelqu’un d’autre puisse prendre sa place. Un beau jour, le directeur technique lui a interdit l’accès, car il gênait ses collègues. C’est quand même difficile de tomber aussi bas et d’être humilié de la sorte. C’est pour ça que notre ami Aznavour chantait « Il faut savoir quitter la table ». Ce technicien est en fait un parmi mille autres …
Dans d’autres établissements, beaucoup de responsables ont fait de graves dépression ou ont continué à se rendre sur les lieux de leur travail et ont « avili » leur image …
Il y en a aussi ceux qui se sont laissé aller parce qu’ils n’avaient plus rien à faire.
« C’est difficile de partir à la retraite sans avoir préparé au préalable une nouvelle vie, des activités ou sans s’être préparé au moins psychologiquement. Ce genre de cas est encore plus fréquent chez ceux dont le travail occupait une grande partie de leur temps et de leur vie ou ceux qui ont des responsabilités. Certains ont pris la mauvaise habitude de n’exister que par leur travail ou leur poste, alors bien entendu, quand ils partent à la retraite, ils ont l’impression qu’on les efface, qu’ils n’existent plus, s’ennuient, se laissent aller … Ils se sentent vieux, inutiles et ont une image d’eux même très réduite et très négative et cela se reflète sur leur comportement avec leur entourage. »
On peut toutefois éviter ce genre de crise parce qu’une retraite ça se prépare.
Un beau jardin, une résidence secondaire, un bateau ou même changer de ville, de pays, vivre pleinement son amour … et même, pourquoi pas, un nouveau projet.
Oui, il y en a qui ont préparé leur retraite, qui sont même parvenus à laisser de l’argent de côté pour des voyages ou enfin réaliser leurs rêves.
« La retraite, c’est une nouvelle vie … Tu sais, ma fille quand elle s’est mariée, je l’ai prévenue. Je lui ai dit ne compte pas sur moi pour garder les enfants tous les jours. Te dépanner de temps à autre oui, mais que tu comptes sur moi, sûrement pas. J’ai élevé quatre enfants, maintenant, j’ai le droit de me reposer. Au lendemain de la retraite, je suis allée avec mon mari à Florence … On a fait beaucoup de voyages et puis j’ai adhéré à des clubs. Je vais une fois par semaine à une soirée avec des amis, chaque fois dans une maison … Une fois tous les 3 mois, c’est chez moi », raconte Aida.
« Ma femme et moi avons acheté un terrain agricole. Nous sommes un couple mixte, ma femme est originaire du nord de la France. Mes enfants sont tous allés faire leurs études à l’étranger et nous avons décidé de nous installer à Nâasan où nous fabriquons du fromage, de l’huile d’olive et beaucoup d’autres choses. C’est un rêve d’être en perpétuel contact avec la nature. En plus, c’est un projet qui marche bien… » souligne Aymen.
On arrive aujourd’hui à donner un sens positif à la retraite et à sa vie après la retraite. Retraite est à l’origine un terme militaire qui désigne une marche rétrograde d’un corps de troupes qui se retire devant l’ennemi. Loin d’être fini la guerre, le combat continuera t-il jusqu’à l’âge de 62 ans … Aucune décision n’est encore prise pour le moment.
Yasmine Hajri