La société civile en ordre de marche

En remettant mardi 25 mars leurs lettres de mission aux nouveaux gouverneurs —pratiquement l’ensemble de ces hauts responsables soit 18 sur 24 — Mehdi Jomâa a en quelque sort «sifflé la fin de la récréation». Non pas pour lui-même ni pour ses ministres qui, depuis leur nomination n’ont pas eu le temps de flâner, occupés les uns à préparer la loi des Finances complémentaire pour 2014, les autres devant être en train — du moins on l’espère — de mettre de l’ordre dans leurs administrations respectives en préparant les changements nécessaires à tous les nivaux pour démettre de leurs postes tous les fonctionnaires qui ont été placés là pour les gouvernements précédents. Et, de plus, il faut dénicher et en nommer des remplaçants valables, imbus du nouvel esprit qui caractérise le “gouvernement Jomâa.”.

Non, je pense plutôt aux directives qui ont été données aux gouverneurs, représentants de l’État dans les régions, pour que le même travail de “mise à niveau” soit effectué dans tout le pays : changement si nécessaire des délégués, des Omdas, de dirigeants (directeurs) des administrations régionales et communales. Le chef du gouvernement a martelé : “il est temps de restaurer l’autorité de l’État” et cela s’applique à la sécurité des citoyens, dont s’occupent avec beaucoup de dévouement le ministère de l’Intérieur et l’Armée nationale, mais aussi au nettoyage des villes et villages en organisant une campagne nationale de propreté — surtout au moment où les chaleurs de l’été approchent en même temps que le tourisme qui semble trouver un regain de vitalité. — À cette campagne doivent être associés les citoyens, habitués depuis la Révolution au laxisme des autorités locales et la police municipale (états anarchiques, terrasses des cafés débordant sur la rue, construction de kiosques en tous genres, dès que la largeur des trottoirs le permet, mise en place et entretien de containers pour les ordures, etc.).

C’est au gouverneur aussi que revient de définir et de mettre en œuvre, avec l’appui de l’Administration centrale et la collaboration des citoyens directement concernés, les besoins de sa région en projets de développement, voire de la création d’entreprises pour relancer l’économie du pays, agonisante après trois années d’anarchie, de grèves et de sit-in avec routes coupées… Il est inutile de “voir trop grand”, de petites unités en rapport avec la spécificité de chaque région doivent permettre, en attendant un plan national, de faire baisser le chômage qui ouvre la porte au terrorisme : des PME et des PMI sont à court terme préférables à de méga-projets qui nécessitent plus de temps et d’argent…

À ce propos, il est temps de “couper les ailes” à cette chimère entretenue par populisme par les précédents gouvernements et qui consiste en la demande de construction de Facultés de médecine dans chaque région. Car l’existence de pareils bâtiments nécessiterait la création à leurs côtés d’hôpitaux universitaires pour y initier les étudiants à leur futur métier, un nombre élevé de professeurs dont la Tunisie ne dispose pas et d’une infrastructure trop coûteuse. Il s’agit là de promesses faites à la légère par des dirigeants qui n’ont eu pour but que de contenter l’égo des citoyens, jaloux de voir la région voisine mieux équipée que la leur. Or c’est un faux calcul, car il est préférable de multiplier le nombre de dispensaires à travers tout le territoire et de mettre à la disposition des hôpitaux régionaux le matériel de pointe (IRM, scanners, etc.), avec les spécialistes nécessaires à leur bon fonctionnement, pour éviter les déplacements des malades et de leurs familles dans la grande ville la plus proche afin d’y recevoir des soins plus “pointus”. Il est aussi indispensable de fournir aux pharmacies hospitalières les médicaments nécessaires que les malades indigents ne peuvent acheter dans les officines.

En cela, le report de la visite, prévue à la fin de ce mois en France, pour Mehdi Jomâa, Wided Bouchammaoui et d’autres ministres, va pouvoir laisser au gouvernement le temps nécessaire au démarrage de cette vaste campagne dans les régions. D’autant plus qu’avec le résultat prévu des élections municipales en France, le Président François Hollande va sans doute être obligé de procéder à un remaniement ministériel, peu propice à la visite d’une délégation étrangère.  

* Les partis se préparent : Rached Ghannouchi a accordé à La Presse, le 23 mars, une interview dans laquelle il s’est exprimé sur les élections prochaines, ses rapports avec Béji Gaïd Essebsi, la démission de Hamadi Jebali de son poste de SG du parti et les clivages qui paraissent mettre Ennahdha à l’épreuve. Il estime que les membres qui souhaitent quitter le parti n’ont aucun avenir politique. C’est le cas de Riadh Chaïbi, qui a créé un nouveau parti, “El Bina El watani”, que son fondateur présente comme un parti social, éloigné de l’islam politique, mais décidé à défendre les objectifs de la Révolution. Par ailleurs il n’a pas accepté le rapprochement entre Ennahdha et Nidaa Tounes. C’est aussi le cas d’Abdelhamid Troudi qui, lui, quitte Ennahdha pour rejoindre le parti Jabhet Al Islah, “salafiste, mais non violent, non antiféministe” dit-il. À la fin de la semaine dernière, le Cheikh a tenu à “donner une leçon de démocratie” aux autres partis, annonçant qu’Ennahdha a lancé  un référendum parmi ses adhérents pour décider si le prochain congrès du parti aura lieu avant les élections ou après. Les partis concernés apprécieront…

De son côté, le parti “Mouvement national”, de Touhami Abdouli, qui compterait 40.000 adhérents, a décidé de rejoindre Nidaa Tounes en devenant ainsi le cinquième membre après le départ d’Al Joumhouri.

Une nouvelle candidate à la présidence de la République, il s’agit de Badra Gaaloul, présidente du Centre international des études stratégiques, sécuritaires et militaires, qui a annoncé sa candidature sur Jawhara FM, avec un programme électoral “focalisé sur les activités sociales, qui seraient financées par les citoyens eux-mêmes (d’après Business News.)

* Houcine Abassi, dans un colloque  tenu le 29 mars à Sidi Bouzid, a annoncé la reprise des réunions du Quartet avec les partis politiques et la société civile, pour que l’ANC prépare le plus vite possible la loi électorale.

Il a rappelé la nécessité de réviser d’urgence les nominations partisanes, de dissoudre “ce qu’on appelle à tort les Ligues pour la protection de la Révolution” et à “libérer les mosquées des salafistes.”

Rappelons à cette occasion que la semaine écoulée a vu la condamnation d’Imed Deghij, dirigeant des LPR, à 14 mois de prison ferme pour “incitation à la haine”, tandis qu’à Kairouan, des incidents ont opposé les forces de l’ordre à des salafistes suite à l’arrestation dans une mosquée de la ville d’un imam salafiste qui avait voulu prêcher de force, refusant le nouvel imam nommé par l’Administration et apprécié par les fidèles.

Raouf Bahri

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