Durant le mois de Ramadan, tous les ingrédients de la flambée des prix se trouvent réunis pour ruiner le pouvoir d’achat, déjà chancelant, du citoyen.
L’inflation du coût de la vie, qui était déjà élevée et croissante durant les quatre premiers mois, dépassant les 7% et frisant même les 8%, pourrait atteindre 9 à 10% au cours des mois de mai et juin 2018.
Il faut dire que le citoyen est loin d’être innocent dans la problématique complexe de la surconsommation et de la flambée des prix.
En fait, nous vivons, à l’exception de certaines denrées de base dont les prix sont encadrés, dans une économie de liberté des prix, ce qui signifie que ces derniers sont la résultante de la confrontation entre l’offre et la demande en produits sur le marché.
Tout cela pour dire que lorsqu’il y a une forte demande, c’est-à-dire surconsommation, il y a inflation des prix, le consommateur étant en quelque sorte complice des commerçants dans le processus de l’inflation.
En effet, la frénésie de consommation alimentaire, déjà établie par les études de l’Institut national de la consommation avant le mois saint, va connaître durant le mois de Ramadan des records.
Selon l’étude préparée par l’INC et exposée par son DG Tarak Ben Jazia, durant le mois saint, la consommation de petits poissons (sbares) est multipliée par 7 et celle du lait par 5. La consommation des fruits, des œufs, du pain, des dattes et du thon, de son côté, double.
La consommation des viandes, toutes couleurs confondues, augmente de moitié. L’engouement pour les achats des produits alimentaires provoque un surstockage injustifié eu égard à l’approvisionnement régulier des marchés.
Le gaspillage est scandaleux, il porte sur 33% des plats cuisinés et non consommés, tandis que le cas du pain est significatif : 115.000 tonnes par an ne sont pas consommées, coût 100 MD !
Selon l’INC, les dépenses alimentaires du Tunisien augmentent de 30% durant ce mois.
Mais je pense qu’en réalité, c’est le double.
La rationalisation de ces dépenses s’impose, ce n’est pas un choix mais une obligation, car les excès engendrent souvent un endettement coûteux et pernicieux.
Il faut dire que durant ce mois-ci, les fraudeurs redoublent d’intensité dans leurs activités. Certains commerçants, dont l’appétit du profit illicite reste inassouvi, exploitent la bonne foi des consommateurs pour se remplir les poches en imposant des produits impropres à la consommation et à des prix prohibitifs.
Tandis que des spéculateurs sans scrupules détournent les produits des circuits commerciaux organisés et évitent les marchés de gros.
En outre, les excès de consommation du sucre et des graisses, engendrent des répercussions catastrophiques sur la santé de la population : diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires et gastrites nous guettent. Pourquoi en arriver là ?
Certes, une batterie de solutions et de moyens sont mis en place pour réduire sinon contenir cette flambée : une réussite tout à fait relative.
Le contrôle et la répression des fraudes sont nettement insuffisants et leur efficacité est contestée, même s’il y a une bonne volonté.
En effet, il y a seulement 160 équipes de contrôleurs pour toute la République, alors qu’il y a 400.000 points de vente. Cet effectif est nettement insuffisant, même si les agents concentrent leur activité sur les grandes agglomérations. En outre, ils ne travaillent pas les week-ends et en dehors des horaires administratifs, horaires durant lesquels se déroulent 70% des transactions commerciales.
L’effectif devrait être multiplié par quatre.
L’Organisation de défense du consommateur est dépourvue de moyens matériels et financiers, mais aussi de ressources humaines suffisantes pour entreprendre une actions efficace de protection des droits du consommateur avec intervention auprès des pouvoirs publics, de sensibilisation des consommateurs, d’organisation d’opérations d’analyses et d’essais comparatifs de certains produits de consommation de masse appartenant à des marques concurrentes.
Les pouvoirs publics ont supprimé la subvention accordée à l’ODC à titre d’organisation nationale, et le personnel réduit qui exerce encore avec Slim Saâdallah, ne perçoit pas de salaires depuis cinq mois.
Les points de vente du producteur au consommateur créés à l’occasion de Ramadan sont au nombre de 15, soit environ un point de vente pour deux gouvernorats. Ils ont un rôle symbolique et ce, pour plusieurs raisons.
En effet, ils ne disposent pas, à titre indicatif, de tous les produits agricoles nécessaires pour l’alimentation de la population.
Leur nombre est nettement insuffisant et leur implantation territoriale n’est pas toujours pertinente.
C’est dire que ces points de vente doivent devenir des surfaces de vente permanentes pour réguler les prix sur le marché.
En outre, les prix affichés n’ont pas été appréciés par tous les consommateurs.
Afin de calmer l’inflation, il faudrait encourager les producteurs à produire mieux et plus et les aider à transporter leurs productions aux marchés de gros pour « zapper » la spéculation.