Notre pays connaît depuis quelques mois une crise économique profonde. La croissance est faible et ne parvient pas à redémarrer. Les grands équilibres macroéconomiques maintenus sous contrôle jusque-là, sont en train de se détériorer fortement. Le chômage, particulièrement celui des diplômés, reste à des niveaux très élevés et ne parvient pas à décrocher de manière significative et durable. Par ailleurs, les revendications d’une grande égalité dans le développement régional et le développement des régions de l’intérieur sont restés jusque-là lettres mortes.
Les difficultés rencontrées par notre pays ne sont pas surprenantes. En effet, les écrits ainsi que les travaux de recherche sur les périodes de transition de l’autoritarisme vers la démocratie ont montré que ces moments ne sont pas de longs fleuves tranquilles. A ce propos, il faut souligner le développement d’une importante littérature avec des spécialistes, des chercheurs connus et des écoles de pensée sur les expériences de transition démocratique. Cette littérature a été nourrie par la multiplication des expériences de transition démocratique depuis le milieu des années 70 avec la fin des régimes dictatoriaux en Grèce, au Portugal et en Espagne. On a connu ensuite la seconde vague de transitions démocratiques avec la chute des dictatures militaires en Amérique latine et l’avènement des démocraties en Argentine, au Brésil et plus tard au Chili.
Ensuite, nous avons connu la troisième vague de transition démocratique avec la chute du mur de Berlin et l’inscription des pays de l’ancien bloc socialiste dans le mouvement de démocratisation. La quatrième vague de transition démocratique s’est produite en Afrique avec les conférences nationales qui ont accéléré la chute des régimes autoritaires et ouvert la voie à la démocratisation du continent.
La multiplication de ces expériences ont fait l’objet de beaucoup d’études et de travaux d’analyse. Cette accumulation de travaux a donné lieu à une nouvelle discipline théorique qui s’appelle la transition avec ses maitres à penser, ses chapelles, ses méthodes d’analyse et ses travaux. Il n’est pas dans notre intention dans cette chronique de rentrer dans une présentation de ces différents courants de pensée. Mais nous souhaitons mentionner deux des principaux résultats des travaux sur la transitologie.
Le premier résultat, c’est que la transition démocratique a des effets positifs sur la croissance et le développement économique. En effet, les principes de la transparence et les règles de l’Etat de droit vont limiter la corruption et favoriser la concurrence et la compétition qui vont contribuer à une meilleure répartition des facteurs de production et de la productivité. L’ensemble de ces transformations vont aider la croissance et le développement.
Le second résultat concerne le processus de transition démocratique. Ces travaux montrent que le succès n’est pas automatique et que, sur une période de près de 60 ans, près du tiers de ces expériences ont été un échec. Plusieurs raisons expliquent ces échecs, dont l’éclatement de conflits armés, la faillite de l’Etat, la forte mobilisation sociale et par fois l’attitude des pays voisins ou l’absence d’une vision ou d’un programme de transformation économique. Tous ces facteurs peuvent contribuer à la faillite des expériences de transition démocratique.
Pour revenir à notre pays, les travaux de la transitologie montrent que nos difficultés ne sont pas une exception. Certes, nous avons réussi à éviter les dérives des autres pays du printemps arabe, mais, nous avons encore d’importants défis à lever. Plus que jamais, la réussite de notre expérience démocratique exige la définition d’un programme ambitieux dont l’objectif est de soutenir les institutions démocratiques, favoriser la transformation économique et la mise en place d’un nouveau modèle de développement économique et assurer une plus grande inclusion sociale.