La Tunisie a célébré, mardi 10 juin 2025, à la Cité des Sciences de Tunis, la 7ème Journée Internationale de la Sécurité Sanitaire des Aliments sous le thème : « La science en action ».
Cette journée, organisée par l’Instance Nationale de la Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (INSSPA) en partenariat avec l’Agence Nationale d’Évaluation des Risques (ANER), s’est imposée comme une plateforme d’échange scientifique et institutionnel à fort enjeu pour l’avenir alimentaire du pays dans un contexte où les crises alimentaires, les risques de contamination et les maladies non transmissibles sont au cœur des préoccupations sanitaires mondiales.
Une ouverture sous le signe de la coopération internationale
La cérémonie d’ouverture a donné le ton de cette journée à haute valeur symbolique et stratégique. Le Ministre de la Santé, Mustapha Ferjani, accompagné de l’Ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, ainsi que des représentants des bureaux tunisiens de l’OMS, de la FAO et de l’OMSA, a rappelé que la sécurité sanitaire des aliments est un enjeu global, nécessitant une synergie entre institutions nationales et partenaires internationaux.
Dans son allocution, le ministre a mis l’accent sur la nécessité d’une vigilance renforcée tout au long de la chaîne alimentaire. « Chaque étape, de la production à la consommation, doit faire l’objet d’un suivi attentif », a-t-il affirmé. Il a également appelé à une alimentation saine, durable et locale, soulignant les dangers des produits ultra transformés et du commerce parallèle.
Première séance : comprendre, évaluer et prévenir les risques
La première table ronde de la journée a été consacrée à l’analyse des risques en matière de sécurité sanitaire. Dr. Ing. Mohamed Rabhi, Directeur Général de l’INSSPA, a ouvert les discussions en mettant en lumière les défis complexes auxquels les autorités sanitaires sont confrontées : la multiplicité des sources de contamination, l’évolution rapide des modes de consommation, et le manque de coordination entre les acteurs de terrain.
Dr. Zohra Jammeli, directrice générale de l’ANER, a souligné que l’évaluation des risques est la pierre angulaire de toute politique sanitaire efficace. Elle a plaidé pour la mise en place d’indicateurs fiables et d’outils de collecte de données modernes afin d’orienter les décisions stratégiques.
L’expert en sécurité sanitaire des aliments, Dr. Ing. Nizar Ben Selem, a pour sa part insisté sur le rôle crucial de la communication : « Il ne suffit pas de détecter un risque, encore faut-il le rendre compréhensible aux citoyens sans créer d’alarme injustifiée. » Enfin, Mohamed Chokri Rejjeb, Directeur Général de l’INC, a partagé des expériences de gestion de crise, soulignant l’importance de la préparation, de la coordination interinstitutionnelle, et de la réactivité en cas de contamination alimentaire.
Deuxième séance : l’innovation scientifique à l’honneur
La deuxième partie du programme s’est tournée vers l’avenir, avec une réflexion approfondie sur le rôle des sciences et des technologies dans la sécurisation de l’alimentation. Elyes Ben Ameur, directeur de GS1 Tunisie, a présenté les outils de traçabilité numérique qui permettent aujourd’hui de suivre un produit alimentaire du champ à l’assiette.
Dr. Moez Jeridi, expert en SSA, a insisté sur la veille réglementaire et normative, évoquant des plateformes intelligentes qui permettent d’anticiper les évolutions juridiques et sanitaires, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.
De son côté, Dr. Ing. Amira Anene, de la Direction des Laboratoires de l’INSSPA, a illustré comment l’innovation analytique, notamment l’usage de capteurs, de méthodes rapides de détection et d’algorithmes prédictifs, améliore la réactivité des laboratoires et des décideurs.
Au micro de Réalités Online, Dr. Mohamed Rabhi a rappelé que les sciences modernes – intelligence artificielle, big data, applications mobiles – deviennent aujourd’hui les meilleurs alliés de la prévention. « Nous entrons dans une ère où les algorithmes peuvent alerter avant même que le risque ne se matérialise », a-t-il affirmé.
960 cas de toxi-infections alimentaires en 2024 : un constat alarmant
Les échanges ont également été alimentés par un bilan préoccupant : plus de 960 cas de toxi-infections alimentaires ont été recensés sur le territoire tunisien en 2024, selon les chiffres communiqués par Dr. Mohamed Rabhi. Pas moins de 60 foyers de contamination alimentaire ont été identifiés. Ces données illustrent la vulnérabilité du système alimentaire, en particulier face au relâchement des contrôles ou au manque de sensibilisation.
Rabhi a insisté sur le fait que la sécurité sanitaire est une responsabilité partagée. « Ce n’est pas uniquement l’affaire des autorités. Les consommateurs, les commerçants, les vétérinaires, les transporteurs… chacun a un rôle à jouer. » Il a également souligné les efforts déployés lors des périodes à risque comme l’Aïd, où des lignes d’appel direct entre vétérinaires et citoyens ont été mises en place pour éduquer aux bonnes pratiques de découpe, de conservation et de stockage de la viande.
Cette 7ème Journée Internationale de la Sécurité Sanitaire des Aliments a démontré que la science, alliée à la coopération multisectorielle, constitue le meilleur rempart contre les menaces sanitaires alimentaires. En promouvant des pratiques rigoureuses, en investissant dans l’innovation et en éduquant les citoyens, la Tunisie affirme sa volonté de garantir une alimentation sûre et saine pour tous.