“La Tunisie doit sortir du «business as usuel» pour pouvoir changer de cap”, affirme Elyès Fakhfakh, (Ettakatol)

Le processus démocratique entame une étape politique cruciale avec la tenue du troisième double scrutin, depuis les événements de 2011. Les cinq prochaines années devront être celles du parachèvement du processus démocratique avec la mise en place des instances constitutionnelles qui n’ont pas encore vu le jour, en particulier et de manière urgente la Cour constitutionnelle. Le prochain quinquennat est également chargé de défis  économiques et sociaux majeurs que les prochains dirigeants à la tête de l’Exécutif et du Législatif sont appelés à relever avec l’efficacité et la rapidité requises.
Réalités Online a voulu  apporter sa contribution aux débats politiques en donnant la parole à quelques-uns parmi les candidats conviés à répondre aux mêmes six questions.  Ci-après les réponses de Elyès Fakhfakh, candidat d’Ettakatol.

Vous président de la République, quel sera le premier grand dossier que vous ouvrirez dans chacun des domaines qui relèvent de vos compétences (la sécurité et les Affaires étrangères) ?
Il existe plusieurs questions d’importance cruciale pour le pays et qui méritent d’être traitées en priorité. La question de la sécurité de la nation est l’obligation primordiale de celui qui est le symbole de la nation, le garant de son unité et le chef de ses armées. La Tunisie  entretient d’excellentes relations avec son voisinage immédiat, sur la base de la préservation des intérêts mutuels, du respect et de la non-ingérence. La Tunisie  joue également un rôle important dans la stabilité et la sécurité de notre région. Cette attitude sera renforcée, consolidée et davantage investie par notre diplomatie proactive, ainsi que par la volonté de préserver notre région et lui garantir les conditions de paix, de sécurité et de prospérité. Le grand défi sécuritaire demeure la prévention et la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Il s’agit d’un défi globalisé, il s’agit également d’un  défi partagé avec notre voisinage. La gestion de ce défi nécessite une politique nationale centrée sur la prévention, l’anticipation et la rapidité de la réactivité de nos forces de sécurité dans le cadre d’une approche stratégique globale et concertée impliquant l’Etat, mais également la responsabilité citoyenne de la population. D’où notre priorité pour l’unification, l’harmonisation et le renforcement de la capacité de notre dispositif de renseignement.
La gestion nécessite également davantage de coopération et de concertation avec nos partenaires internationaux et en particulier avec notre voisinage immédiat, ainsi que notre  capacité à profiter des initiatives onusiennes de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.

Vous serez le président de tous les Tunisiens. Pensez-vous être le chef d’Etat qui pourra mener la Tunisie vers la réconciliation nationale  et l’aider ainsi à prendre son essor ?
La Tunisie est plurielle, sa richesse est dans sa pluralité. Mon rôle en tant que chef d’Etat est de rester le garant de l’unité nationale, tout en préservant cette pluralité et cette diversité, sources d’épanouissement individuel et collectif. Cette unité peut être menacée par plusieurs facteurs : un régionalisme irresponsable, des tensions idéologiques extrêmes, des appels à la haine ou à l’exclusion,  des comportements racistes ou xénophobes, la fragilisation du tissu social, etc. En tant que président de tous les Tunisiens, j’ai une obligation de préserver l’unité nationale, de promouvoir les valeurs de tolérance et de respect de la dignité humaine consignées dans la Constitution et d’œuvrer pour la réconciliation nationale.
En effet, la Tunisie a connu comme d’autres pays un passé tumultueux avec des abus considérables et des blessures sont encore vivaces. La Révolution a été un grand moment de libération et d’émancipation  et  le processus de justice transitionnelle a permis de gérer une partie de ce passé problématique dans la perspective d’un avenir meilleur. La Tunisie dispose actuellement d’une Constitution qui représente les règles auxquelles tous les citoyens sont obligés de s’aligner, de s’identifier et à travers elle de résoudre leurs différends ainsi que les conflits potentiels. Je poursuivrai avec l’aide du gouvernement le processus de réconciliation nationale par des initiatives concertées impliquant la société civile.

La scène politique est en proie à un climat délétère qui menace la démocratie. Etes-vous pour une moralisation de la vie politique ? Si oui, seriez-vous disposé à présenter une initiative législative pour faire adopter une charte d’éthique politique ?
La Tunisie avance d’un pas lent mais assuré vers sa transformation politique  démocratique. Elle est observée par le monde entier qui ne cesse de louer le génie national qui guide l’esprit de ces transformations et qui a le mérite d’éviter à notre pays de tomber dans le chaos ou dans la violence. Le chemin est encore long, mais nous sommes surveillés de près par le peuple qui, loin d’être un acteur passif, joue de plus en plus un rôle citoyen avec des exigences de plus en plus exprimées en faveur de la moralisation de la vie politique. Nous ne pouvons pas construire de démocratie sans démocrates. En tant que démocrate convaincu, je m’engage solennellement sur le dossier de la moralisation politique à travers plusieurs initiatives notamment législatives qui visent à injecter plus de noblesse dans l’Etat et à asseoir notre modèle politique sur des bases éthiques solides, capables de rendre nos institutions plus efficaces pour lutter contre la corruption, la mauvaise gouvernance ou le non-respect de la dignité humaine.

La prochaine étape est hautement économique. Avez-vous une vision claire de ce qui doit être entrepris pour instaurer une  diplomatie économique  performante ?
Pour moi, la Tunisie doit sortir le plus tôt serait le mieux, du « business as usuel », ce que j’ai appelé  le « Changement de logiciel », ce qui devrait constituer un véritable changement de cap afin d’aboutir à un modèle de développement adapté au pays, au contexte et à la mesure de notre ambition  nationale. Les défis économiques de la Tunisie nécessitent un candidat ayant un background économique, une solide expérience à l’international et une maîtrise des défis liés aux grands chantiers de transformation économique : les enjeux géostratégiques dans  un monde multipolaire, la digitalisation, la 4e révolution industrielle, la transition énergétique et la transition démographique. C’est à travers cette lucidité et la maîtrise de cette complexité que nous allons défendre notre vision stratégique pour un espace économique maghrébin, la montée en gamme de notre industrie et son positionnement stratégique, l’investissement massif dans le savoir et dans l’infrastructure et la connectivité, le développement de catalyseurs moteurs nationaux et  le développement d’une capacité renforcée de négociation avec les partenaires internationaux.
Nous avons déjà annoncé une partie des initiatives  à prendre et notamment l’incorporation du ministère de la Coopération internationale dans celui des Affaires étrangères ainsi que le lancement d’un ambitieux  “plan d’investissements futurs 2030”.

Propos recueillis par Y.A

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