«La Tunisie post-élections et les enjeux régionaux»: Promesses et défis d’une démocratie naissante

La XVIIIe session du forum international de « Réalités » tenue, les 23 et 24 avril 2015 à Hammamet, n’a pas dérogé à la règle tant par la confrontation des analyses, le croisement d’idées, la profondeur des réflexions suscitées que par la qualité et la diversité des intervenants et des personnalités qui participent et suivent cet événement.

La présente édition,  qui a eu à examiner le thème crucial «La Tunisie post-élection et les enjeux régionaux», a été de bon cru. Elle a offert l’occasion à des hommes politiques d’expérience, des universitaires et des experts de tous bords d’affiner leurs analyses sur une thématique de grande actualité et un cas qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Pour Me Sami Mahbouli, qui a dirigé avec beaucoup de doigté la séance d’ouverture, «  le cas Tunisie mérite qu’on y réfléchisse, car en réussissant sa transition politique, elle n’est pas pour autant tirée d’affaire ».   Le forum de « Réalités » offre ainsi l’occasion de mieux cerner l’environnement chargé de risques et de réfléchir  sur ces derniers pour mieux les identifier et parvenir à les exorciser.

Pour M. Taïeb Zahar, Président  du forum international de « Réalités », qui a ouvert les travaux de cette session, « la Tunisie est actuellement à  la croisée des chemins et passe par un moment crucial ». Cette phase renseigne bien sur la gravité des menaces terroristes qui la guettent et l’énormité des défis politiques, économiques et sociaux qu’elle est appelée à relever dans un environnement régional incertain et international hésitant. 

Il a indiqué que le pays est en train de payer un lourd tribut dans sa guerre contre le terrorisme, nécessitant de revoir les priorités en mobilisant plus de moyens et de ressources, autrefois consacrés au développement, à l’acquisition d’équipements et d’armes pour renforcer la sécurité de nos frontières.

En effet, la Tunisie qui a réussi sa transition vers la démocratie, a plus que jamais besoin d’un accompagnement actif de la part de ses partenaires pour consolider son fragile processus démocratique et dépasser ce cap difficile. Au regard de la complexité de la conjoncture, de la persistance des pressions exercées sur ses ressources budgétaires, le pays risque de connaître une longue période d’instabilité qui influera inévitablement sur son processus démocratique et, également, sur ses performances économiques et sa paix sociale. Pour cette raison, estime Taïeb Zahar, « relever l’ensemble de ces défis constitue un enjeu majeur pour l’expérience démocratique tunisienne, encore fragile et requiert une forte volonté politique de la part de nos partenaires et, surtout, une stratégie claire qui permettra à ce processus de prendre corps ».

Pas de solutions toutes faites

Pour, M. Gerd Emile Lieser, représentant de la Fondation Friedrich EBERT, parrain du forum, « cet espace permet de jeter des éclairages utiles et des débats de fond sur des questions nationales, régionales et internationales majeures ». Il a relevé la pertinence du thème retenu pour l’actuelle session qui montre combien la réussite de la Tunisie est-elle un enjeu majeur pour toute la région, estimant que la réussite du processus de transition place le pays sur le long chemin de l’ancrage de la culture démocratique.

M. Senen Florensa, président de l’IEMED (Institut européen de la Méditerranée), a rendu un hommage aux acquis réalisés par la Tunisie dans son processus exceptionnel de transition vers la démocratie rendu possible notamment grâce à l’apport dynamique de la société civile. «  Cette exception tunisienne, est maintenant attaquée par les terroristes », a-t-il estimé, d’où la nécessité d’offrir une réponse politique globale à cette menace, de consolider cette expérience et d’entamer des réformes profondes pour impulser  une croissance soutenue et globale.

Pour M. Hubert Védrine, homme politique français et grand connaisseur des réalités internationales,  tout processus de démocratisation est par essence compliqué et diffère d’un pays à l’autre. Pour lui, « il n’existe pas de solutions toutes faites, je ne connais pas un processus démocratique qui n’a pas été difficile ».

Pari nécessaire et stratégique

Le statu quo et les verrouillages qui ont longtemps prévalu dans la plupart des pays arabes ont conduit à des catastrophes. Pour le cas de la Tunisie, M. Védrine dit qu’il est « impressionné par la capacité de ce peuple jeune, éduqué, moderne et capable de renverser un régime qu’il ne voulait plus et la résistance de l’Etat qui tient bon, ce qui est chose rare ». L’ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand  a loué la maturité démocratique des Tunisiens qui s’est matérialisée au départ par l’accession d’un parti islamiste au pouvoir, l’élaboration d’une Constitution consensuelle, l’organisation d’élections libres,  estimant que « c’est remarquable et ce n’est pas évident ».  Et de poursuivre, que «  s’il y a quelque chose qui doit se faire, c’est en Tunisie »

Au sujet de la menace terroriste, il a estimé qu’un équilibre doit s’installer  au Moyen Orient pour sortir de ces épouvantables guerres par des islamistes terroristes qui veulent plier le monde à leur conception de l’Islam. L’attentat de janvier 2015 à Paris, précise M. Védrine, a permis de prendre en considération un postulat, « si on n’assume pas le fait  d’un conflit frontal avec l’islamisme, on se retrouvera dans un clash avec l’Islam ». Pour lui, cette guerre mondiale contre ce terrorisme sera de longue haleine, elle ne sera résorbée que dans la durée.

Au plan politique, l’intégration dans le gouvernement d’une force qui a échoué, mais qui représente 30% du corps électoral, est nécessaire, stratégique et « un pari ». Un pari qui a obligé un parti islamiste, qui est loin d’être démocratique dans son idéologie, à s’inscrire dans le jeu politique démocratique. L’influence de cette expérience sera énorme, ce qui est en train d’être tenté en Tunisie accroîtra la capacité de bâtir une Tunisie moderne et revêtira  une dimension régionale et aura une influence sur le processus de démocratisation dans les pays arabes. Cette expérience, indique Hubert Védrine « va peser sur l’Islam politique, qui se scindera en plusieurs courants ou va se durcir davantage ». Incontestablement, l’islamo-démocratie, estime M. Védrine, « sera un processus long, parfois lourd à supporter »,  mais c’est un processus qui est scruté notamment en Europe, avec espoir et méfiance

Au sujet du processus démocratique tunisien, l’ancien ministre français des Affaires étrangères salue les étapes prodigieuses franchies sur la base de compromis remarquables mentionnant la nécessité absolue d’engager des réformes pour « rendre le pays plus productif et plus compétitif ». Cela demande de trouver des pistes pour sortir des situations de rente, en mettant l’accent sur la justice et l’équité et en convaincant la population de travailler plus, de créer des emplois réels, non subventionnés.

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