La Tunisie, terre d’implantation d’Al Qaida

Tout en alertant contre le développement du péril terroriste en Tunisie et dans toute la région maghrébine, le chercheur Alaya Allani estime qu’il est peu probable d’organiser des attentats à la bombe en Tunisie, du moins pour le moment. Il incite, toutefois, à doter les forces de sécurité des moyens logistiques nécessaires afin de faire face à ce phénomène transnational.

 

L’utilisation de bombes à Djebel Chaambi par les terroristes dénote un changement dans les procédés utilisés par les groupes terroristes. Cela annonce-t-il la possibilité de mettre des bombes dans des zones urbaines plus tard?

La découverte d’explosifs à Djebel Chaambi démontre que les terroristes sont passés du stade  où la Tunisie était, pour eux, une « terre de passage » à une « terre d’installation provisoire pour le djihad ». L’usage des mines antipersonnel aide les terroristes, à savoir si les forces de sécurité sont proches de leur emplacement, ce qui leur donne la possibilité de fuir. Certains rapports sécuritaires évoquent la possibilité pour eux de se réfugier chez les habitants des villages avoisinants, ce qui nécessite l’intensification des efforts des services de renseignements. Quant à l’hypothèse de l’utilisation d’explosifs dans les zones urbaines, elle est peu probable pour le moment, vu les poursuites engagées contre les djihadistes dans la montagne Chaambi et le renforcement de la surveillance autour des villages frontaliers. Si cela devrait se produire, il est probable que des explosions aient lieu avant les élections pour empêcher leur déroulement.

Cependant, on doit redouter une coordination entre les terroristes et des individus opérant dans le domaine de la contrebande sur les frontières, dont l’activité a été entravée à cause des saisies importantes de leurs marchandises. Il ne faut pas oublier, non plus, les implications du repli des terroristes d’Al Qaida qui opèrent au Mali. Ces derniers se seraient réfugiés en Libye. Et nous savons déjà, selon des rapports sécuritaires,  que l’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique) a, depuis longtemps l’intention de créer un triangle djihadiste en Tunisie, Libye et Algérie. 

La découverte des affaires appartenant à des individus d’origine algérienne, à Chaambi, démontre les connexions entre les membres de l’AQMI dans le Maghreb.                                                                                                                                                                                            

 

Beaucoup d’agents de la Garde nationale interrogés à la suite des événements de Kasserine ont déclaré ne pas avoir reçu d’instructions pour tirer sur les terroristes, tout en considérant qu’il n’y a pas réellement une volonté politique de faire face au terrorisme, qu’en pensez-vous? 

Je pense qu’une enquête doit être ouverte, sur la base des déclarations de certains agents de sécurité concernant l’absence d’instructions pour tirer sur les terroristes. Même si le ministère de l’Intérieur a nié ce fait, cela n’empêche qu’il y ait des failles au niveau de la procédure d’intervention au moment du danger qu’il faut analyser et dépasser  rapidement. Il est aussi nécessaire d’équiper les unités et leur donner les moyens logistiques nécessaires  afin de minimiser les dégâts. 

 

Les affaires laissées par les djihadistes à la montagne, démontrent qu’ils sont réellement en train de préparer des opérations terroristes  sur le sol tunisien et que la Tunisie n’est plus une terre de passage mais de djihad, doit-on craindre le pire, désormais?

Ce qui a été découvert comme armes, instruments de guerre et lettres révèle que ces groupes terroristes ont l’intention de faire des attentats sur le sol tunisien et algérien, en profitant des tensions politiques en Tunisie et l’état de santé critique de Bouteflika. L’activité intensive des groupes terroristes dans la région maghrébine n’est pas nouvelle  mais, elle est inhabituelle en Tunisie, considérée, jusque-là, comme « zone de passage ». L’augmentation du nombre des cellules dormantes d’Al Qaida, notamment après la guerre au Mali et les poursuites engagées contre des membres de la mouvance salafiste djihadiste, outre les déclarations de combattants revenus de Syrie, confirment la transformation de la Tunisie en une terre d’implantation pour Al Qaida. De toutes les manières, cette situation ne peut être que provisoire, car nous n’avons pas d’infrastructures pour permettre aux djihadistes de s’installer durablement. La géographie du pays ne le permet pas, et puis, il y a une veille sécuritaire. L’important, est de définir une nouvelle stratégie pour traiter le phénomène du terrorisme. La constitutionnalisation de la police républicaine est une urgence pour  éloigner la question sécuritaire des tensions politiques. J’estime que la neutralisation des ministères de souveraineté doit continuer même après les prochaines élections. 

 

Il y a un manque flagrant de moyens chez l’armée et la Garde nationale pour faire face aux terroristes, possèdant ont des appareils et des armes sophistiqués. Pourquoi, selon vous, l’État ne fait-il pas le nécessaire pour les équiper et améliorer leurs conditions de travail ?

Le manque de moyens est dû en partie au faible budget réservé au domaine sécuritaire, vu que le terrorisme n’était pas aussi important en Tunisie. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que durant les trois mois suivant la Révolution, plusieurs équipements ont été volés ou détruits dans les postes de police.

Dernièrement, un conseil ministériel restreint a eu lieu et a pris plusieurs décisions dont l’amélioration des conditions matérielles des agents de sécurité et la mise à leur disposition de moyens logistiques développés. Mais pour lutter contre le terrorisme, il faut organiser un congrès national dans ce sens, auquel doivent participer toutes les mouvances politiques  et la société civile, y compris la mouvance salafiste qui refuse le terrorisme. Le congrès doit aboutir à une déclaration engageant tous les participants  et définissant clairement le sens du « terrorisme » et les moyens pour lui faire face.

Ce congrès ne devrait-il pas être élargi à l’échelle maghrébine vu que le phénomène terroriste concerne toute la région ?

Effectivement ! J’ai d’ailleurs été sollicité par des chercheurs maghrébins afin d’organiser un congrès et l’étendre à la région avec une déclaration finale. La lutte contre ce phénomène nécessite une stratégie nationale et régionale.

Propos recueillis par H.Z.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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