Relevé ce matin sur un quotidien de la place : “Le ministère de l’Industrie met en garde contre une possible fermeture du Groupe chimique tunisien et de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) si les sit-in, les mouvements de protestation et les troubles sociaux continuent dans le bassin minier de Gafsa”. Depuis la Révolution, le mécontentement de la population du sud-ouest contre ces deux mastodontes est permanent.
Les concours de recrutement n’ont pas réussi à calmer cette situation, due en grande partie à des problèmes de régionalisme, d’où les différentes formes de blocage du travail. C’est ainsi que pour la période 2011-2012, on relève une perte de 2 milliards de dollars. Or, on sait que le secteur des phosphates et engrais représente 3% du PIB et 10% des exportations du pays.
Pour essayer de mettre fin à ces perturbations, le nouveau ministre de l’Intérieur a pris, depuis le début avril, des mesures très strictes et des patrouilles mixtes de la police et de la GN, à la demande de la CPG, accompagnent les bus de transport des ouvriers sur leurs lieux de travail. Je pense que si des mesures semblables sont prises pour protéger la circulation des trains et des camions transportant le phosphate, le travail devrait reprendre à un rythme normal, d’autant plus que le nombre d’ouvriers est passé de 9000 en 2010 à 23000 actuellement.
“Les djihadistes tunisiens ont la cote… Ils s’exportent bien et ont le bras long”. Ainsi débute, sur un quotidien de la place en ce 23 avril, un article intitulé : ”Les djihadistes tunisiens sévissent aussi en Somalie, d’après les services de renseignements occidentaux”. Je ne sais pas si le journaliste est bien conscient que le verbe “sévir” n’est pas précisément une louange, mais on sent qu’il s’inquiète du sort de ces combattants — en Somalie, en Syrie ou ailleurs — tandis qu’il paraît critiquer l’attitude du ministère de l’Intérieur qui serait “Pas de nouvelles, aucun recensement officiel et… demain il fera jour”. Et que pourrait répondre cette administration ? Est-ce elle qui les a envoyés ? Malgré tout, il y a eu, d’après l’article, une réponse officielle : “On ignore tout de ce dossier, du moins pour le moment, et on est surtout sur le qui-vive au sujet de la question globale de la lutte contre le terrorisme en Tunisie”. Et effectivement c’est cela le dossier, en traitement au ministère de l’Intérieur, qui doit être traité avant tout ! C’est son rôle et son souci, c’est aussi le nôtre (de souci), nous les citoyens qui vivons dans ce pays et qui nous inquiète plus que le sort des djihadistes qui sont allés au combat — et pas pour défendre leur patrie, nullement menacée, mais leurs idées ! Personnellement, ce qui me touche vraiment, c’est le désarroi de ces mères que l’on voit à la télé, leurs cris et leurs larmes, c’est le courage de cette mère et de cette épouse parties en Turquie pour “récupérer” leur fils et mari à l’aéroport d’Istanbul au moment-même où il allait s’envoler vers la Syrie (N°1422 de Réalités), c’est la douleur de ce jeune, vu hier soir sur un plateau TV, racontant que sa sœur et son bébé ont été emmenés “au djihad” par un mari djihadiste et qui court dans toutes les administrations pour une “intervention” (de qui ?) après un coup de fil de sa sœur qui croyait qu’ils allaient partir travailler en Turquie !
Depuis le 9 septembre 2001, jour où le commandant afghan Ahmed Shah Massoud, un patriote non islamiste qui défendait son pays contre l’envahisseur, a été lâchement assassiné par deux Tunisiens, jusqu’à ce 23 avril 2013 où la télé vient d’annoncer l’arrestation au Canada d’un Tunisien accusé d’avoir préparé un attentat contre un train de voyageurs, combien de nos compatriotes ont ainsi combattu, combien ont été tués en participant à des actes de terrorisme ? Et c’est pour cela que le ministère de l’Intérieur “est sur le qui-vive” — et nous aussi — en pensant au retour éventuel de ces djihadistes au pays. Car on a encore à l’esprit les crimes du djihadiste français Mohamed Merah, qui, le 22 mars 2012, de retour du Pakistan et d’Afghanistan, a assassiné à Toulouse sept personnes, trois jeunes militaires français d’origine algérienne comme lui et quatre juifs (un adulte et trois écoliers) français eux aussi. On se souvient aussi de tant de soldats US rentrés du Viêt-Nam ou d’Irak complètement détraqués par des années de combats féroces, pour qui la vie d’autrui n’avait plus aucun valeur et qui ont commis des crimes en série en rentrant dans leur pays, voyant des ennemis partout. Tous ces “soldats perdus” ont — et auront — besoin à leur retour de tout l’amour de leur famille, de travail et de soins médicaux suivis.
De même pour la proposition de l’ambassadeur du Qatar à Tunis, qui a proposé 20.000 postes de travail dans son pays à des chômeurs tunisiens, nous lui répondons qu’il ne nous convient pas d’exporter nos jeunes pour un travail éventuel, mais que nous préférons que le Qatar installe des entreprises sur le sol tunisien pour offrir du travail à nos compatriotes. Ce serait profitable pour les deux pays.
Raouf Bahri