Trois mois après les élections législatives et présidentielles, la Tunisie demeure plongée dans l’expectative, le doute et le provisoire. Avec les risques terroristes rémanents, les mouvements sociaux en perpétuelle effervescence et les difficultés économiques qui ne cessent de gagner en complexité, le pays n’arrive pas à trouver les bons repères pour répartir du bon pied et, surtout, avoir la bonne vision pour engager des réformes urgentes afin que l’aversion des opérateurs au risque s’estompe et leur confiance se rétablisse.
Au lieu de prendre en considération l’évidence qui dit « Quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit se préoccuper que de la meilleure manière d’aller de l’avant », chez nous, on préfère tourner ces postulats en dérision. On préfère se complaire dans le jeu périlleux de tout vouloir chambouler,en faisant peu de cas des intérêts d’un pays à bout de souffle et qui, de surcroît, peine à réunir toutes les familles politiques, économiques et sociales autour d’un projet qui lui offre l’opportunité d’avancer. La crise qui est en train de secouer fortement les relations des Centrales syndicale et patronale est symptomatique du malaise et du blocage profonds qui se poursuivent et dont le pays risque de payer très fort les effets néfastes.
Le malaise entre l’UTICA et l’UGTT risque de se transformer en dialogue de sourds, voire en combat de taureaux, où chacun serait tenté de faire une démonstration de sa puissance. Après la première vague de grèves enregistrée dans le secteur public, le pays risque, cette fois-ci, de connaître une autre escalade sur le front social qui pourrait mettre à rude épreuve les entreprises du secteur privé. Dans ce jeu dangereux, l’UGTT recourra vraisemblablement à son arme la plus redoutable, les grèves, pour avoir gain de cause et l’UTICA se rendant, enfin, compte de la nécessité pour elle de hausser le ton pour marquer sa présence dans l’espace public, ne se plierait plus facilement comme par le passé.
L’absence d’une volonté sincère d’engager un dialogue sérieux et la poursuite d’un discours haineux et accusateur, entre les deux organisations nationales, n’annonce rien de bon. Cela est d’autant plus inquiétant qu’au moment où le pays a plus que jamais besoin de paix sociale, de stabilité, d’engagement clair de toutes ses forces vives pour soutenir son développement, les deux organisations, les plus puissantes du pays, se sont laissé entraîner dans ce jeu périlleux de surenchères stériles et d’échange d’accusations assassin !
A qui profite cette crise, cette obstination des deux parties à chercher l’escalade et d’envenimer le climat social ? Le pays n’en tirera aucun profit. Même, si la facture qu’on est en train de payer est très lourde, l’on ne sent pas une prise de conscience, de part et d’autre, pour épargner le pays de nouvelles secousses violentes.
Pourtant, le sens de responsabilité commande à l’UGTT tout comme à l’UTICA, de s’asseoir autour d’une même table pour discuter des questions qui dérangent et qui indisposent, dans un esprit d’ouverture et de construction, non en versant dans des querelles qui ne peuvent que creuser davantage les désaccords et les divergences.
A l’évidence, les problèmes du pouvoir d’achat, des relations professionnelles, des salaires, de la productivité, de la relance de l’investissement et de la promotion de l’emploi sont des sujets très sérieux qui ne peuvent être solutionnés par des campagnes de dénigrement par voie de presse. L’intelligence oblige les deux partenaires à enterrer la hache de guerre pour engager un dialogue, serein et stratégique, qui cernerait l’ensemble de ces problématiques et qui permettrait aux deux parties d’unir leurs forces pour la construction d’un modèle qui permettra au pays de dépasser ce cap difficile. Une telle hypothèse, tout en exigeant une haute conscience, demande un haut sens de pragmatisme et une ferme résolution, des deux partenaires sociaux, à faire une nette distinction entre ce qui est essentiel et ce qui est superflu, entre ce qui concourt à la réalisation des priorités nationales et ce qui hypothèque l’avenir du pays. En voyant chacun la réalité en face, chacun saura la voie qu’il est censé suivre, une voie qui réfute l’amalgame et les faux combats.