Finalement le Conseil d’administration du FMI a suivi les recommandations de la mission qui a séjourné en Tunisie il y a quelques semaines et a donné son accord pour débourser la seconde tranche dans le cadre de l’accord quadriennal au titre du Mécanisme élargi de crédit lors de sa réunion du 12 juin dernier. Il s’agit d’une décision importante après plusieurs mois de tergiversations et d’attente teintée d’inquiétude et d’anxiété de la part des autorités, tellement la crise des finances publiques était profonde.
Cet accord et le décaissement des 314 millions de $ devraient aider les autorités à réduire l’ampleur de la crise des finances publiques. Par ailleurs, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, l’accord avec le FMI permettra le décaissement de l’appui d’autres institutions multilatérales, notamment la Banque mondiale avec un appui de 500 millions de dollars et l’Union européenne de 400 millions d’euros ainsi que l’appui des autres institutions comme la BAD et l’AFD. L’ensemble de ces décaissements et de ces appuis devraient nous permettre, en principe, de boucler le budget de l’année en cours et mettre le gouvernement à l’abri de grandes turbulences.
Est-ce pour autant la fin de nos troubles ? En d’autres termes, cet accord nous permet-il de voir le bout du tunnel ? Nous pensons que la route du salut est encore longue et sinueuse, et le gouvernement a encore quelques nuits blanches en perspective même si cet accord nous permet d’avoir quelques semaines de répit. Mais, il ne s’agit pas de semaines et de jours de tout repos. Loin de là ! La prochaine visite et la date de la nouvelle Review mission du FMI ont été fixées pour le mois d’octobre prochain et les engagements pris par les autorités tunisiennes laissent présager une visite complexe et difficile.
Le premier défi qui attend le gouvernement et la première étape de cette nouvelle course d’obstacles ont déjà commencé avec le lancement des préparatifs pour la nouvelle loi de Finances 2018. Et là, l’exercice sera des plus difficiles à mettre en place. Les termes de l’équation sont restés inchangés et nos finances publiques continuent à souffrir d’un gap important entre les recettes et les dépenses. Il s’agit d’un gap qui a varié entre 7 et 8 milliards de dinars par an et qui nous pousse à recourir à l’endettement pour le combler. Pire pour la prochaine année ce gap sera renforcé de près de deux milliards de dinars supplémentaires qui correspondent aux 900 millions de dinars de la taxe exceptionnelle imposée sur les entreprises et qui ne sera pas renouvelé au cours du nouvel exercice, auxquels s’ajoutent les 500 millions de dinars pour la CNRPS afin de régler les retraites et les augmentations salariales pour l’année 2018. Pour trouver des solutions à cette équation difficile, le gouvernement doit faire preuve d’une grande inventivité afin de sortir des sentiers battus et trouver de nouvelles recettes fiscales qui évitent l’augmentation de la pression fiscale et s’inscrivent dans une dynamique d’une plus grande justice et équité. Cet exercice sera d’une grande complexité et la résolution de l’équation des finances publiques au cours de l’année 2018 ne sera pas simple.
Le second défi concerne la relance de la croissance et de l’investissement. Certes, nous avons enregistré au cours du début de l’année en cours une légère reprise de la croissance économique qui nous a permis d’espérer atteindre une croissance autour de 2% pour l’année 2017. Il s’agira bien évidemment, même si elle reste faible, d’une évolution positive qui nous permet d’échapper à deux années de vaches maigres avec une croissance inférieure à 1%. Mais, le maintien de ce niveau de croissance suppose une relance de l’investissement dont la dynamique reste encore faible. Le maintien de cette reprise, aussi fragile soit elle, exige également la poursuite des politiques monétaires et de change actives qui viendraient soutenir la relance budgétaire avec un niveau d’investissements publics qui sera maintenu à 6 milliards de dinars au cours de l’année à venir.
Le troisième défi qu’il faut lever concerne les réformes économiques. Nous l’avons souvent écrit, notre pays a besoin de mettre en place d’importantes réformes économiques afin de renforcer l’efficacité de nos institutions et leur capacité à appuyer notre développement. Or, le programme ambitieux de réformes défini par les différents gouvernements souffre d’un grand déficit d’exécution et d’action. Qu’il s’agisse des réformes du secteur bancaire et financier, du système des subventions, de la grande réforme de l’Administration, de la réforme fiscale ou bien d’autres réformes, force est de constater que nous n’avons cessé d’accumuler les retards, mettant à mal notre réputation et la patience de nos partenaires. Il s’agit d’un défi qu’il faut relever avec détermination et surtout beaucoup de courage politique.
Le quatrième défi est relatif à la question sociale et à ses crises à répétition, particulièrement dans les régions de l’intérieur qui, en dépit des promesses de tous les gouvernements, continuent à subir le poids de la marginalisation et de l’exclusion. Cette crise sociale est à l’origine de mobilisations qui mettent à mal l’appareil de production comme c’était le cas à Tataouine et affectent la confiance des acteurs économiques, et plus particulièrement celle des investisseurs. Là également nous avons besoin d’une réponse globale capable de redonner espoir et confiance à ces régions et à leurs jeunes.
L’accord avec le FMI et la décision de son Conseil de décaisser la seconde tranche de son appui après d’âpres négociations sont des développements positifs dans la mesure où ils nous ont permis de faire face à nos besoins de trésorerie pour l’année en cours. Mais, un important travail nous attend et nous devons faire preuve de vision, de détermination et d’action afin de relancer la croissance et d’entamer la véritable transition économique qui est le fondement de notre transition démocratique.