L’Administration : frein au développement ou facteur de croissance ?

Par Ridha Lahmar

L’administration tunisienne jouit d’une excellente réputation en matière de gestion des projets de développement auprès des bailleurs de fonds internationaux. Elle a accumulé une expérience administrative et financière et un savoir-faire technique au fil des annéesqui lui permet de concevoir et de veiller au suivi et la réalisation correcte des grands projets. 

Il faut dire aussi que l’Administration se fait aider par des bureaux d’études tunisiens de grande envergure qui recèlent des compétences techniques certaines et qui se sont imposées à l’international.

Par le passé, l’Administration a fait ses preuves en matière d’engagement nationaliste et d’impulsion du processus de développement du pays. Certes de nos jours, les grands commis de l’État d’autrefois et la race des directeurs généraux qui faisaient la pluie et le beau temps ne sont plus là, mais nous avons encore dans différents ministères, notamment ceux dits techniques, comme l’Agriculture, l’Équipement, l’Habitat, l’Industrie et l’Énergie… des références de premier plan.

Il faut dire aussi que notre Administration est pléthorique : plus de 520.000 employés, ce qui explique les lenteurs et les lourdeurs bureaucratiques. En effet, la multiplicité des administrations engendre un nombre élevé de consultations, de commissions, de rapports et de correspondances d’où des pertes de temps considérables.

Il y a lieu de remarquer que le pouvoir de l’Administration se dilue et s’effrite au fur et à mesure que les institutions se multiplient avec diverses cotutelles. Tout cela réduit l’efficacité de la gestion des affaires publiques et limite l’impulsion à insuffler aux projets de développement.

Toujours est-il qu’une partie de l’Administration semble aujourd’hui démobilisée, démotivée, peu empressée à boucler ses dossiers, prenant peu sinon pas du tout d’initiative.

Elle fait preuve d’absentéisme, de manque de ponctualité, elle semble avoir perdu confiance en elle-même, en ses possibilités et en ses moyens d’action. Il y a un relâchement certain et, c’est le moins que l’on puisse dire, un manque d’enthousiasme et une baisse de forme. Il y a des doutes et des craintes, dues peut-être à l’instabilité des ministres et/ou à leur appartenance politique.

Il faudrait trouver un moyen et des méthodes pour remettre l’Administration au travail et la faire fonctionner à plein.

Car les conséquences de cette léthargie sont très graves sur l’économie et la société tunisiennes : l’Administration doit être au service des citoyens et des entreprises tunisiennes ce qui implique un certain dynamisme de la part des cadres administratifs pour promouvoir les projets et faciliter le déroulement des chantiers.

C’est ainsi qu’il n’a pas été constaté de zèle particulier de la part des agents de contrôle des prix pour sévir contre les fraudeurs : commerçants, contrebandiers et spéculateurs sur les marchés. Les cadres techniques de certains ministères comme l’Agriculture et l’Équipement n’ont pas fait preuve d’un empressement notable pour réaliser les projets de développement dans les régions en 2011 et 2012 : routes, ponts, pistes agricoles, barrages, raccordements d’eau…

Prenons deux exemples parlants : malgré les régularisations des rémunérations des agents des services d’hygiène des municipalités, l’enlèvement des ordures ménagères laisse beaucoup à désirer. Certes il s’agit des collectivités locales, mais elles ont un caractère public.

Les fonctionnaires municipaux ont oublié en 2011 et 2012 de demander aux habitants de venir payer la taxe municipale. Ce sont là des erreurs stratégiques sinon des “oublis coupables.”

 

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Quels sont les vrais chiffres ?

Parmi les ratios fondamentaux qui permettent d’apprécier la situation économique et financière du pays, figurent en bonne place le taux de croissance du PIB ainsi que le taux de déficit du budget de l’État.

En ce qui concerne l’année 2012, les responsables des ministères concernés ont annoncé le taux de 3,6% pour la croissance économique et celui de 5,9% pour le déficit budgétaire. Or, si le taux de croissance du PIB semble rassurant sans être performant compte tenu des retombées de la Révolution et des perturbations sociales qui continuent à secouer les régions et à entraver le bon fonctionnement des entreprises, le déficit du budget est plutôt inquiétant sans être catastrophique.

Or, il semble, selon les révélations de l’expert financier Ezzedine Saïdane, connu pour la pertinence de ses analyses faites sur les ondes d’une radio privée, que les chiffres cités par les autorités financières dans la lettre adressée au FMI pour demander la mise à disposition d’un crédit à titre préventif d’un montant de 2,7 milliards de dinars seraient autrement moins rassurants. Il s’agirait des données suivantes. 

La croissance économique serait de 2,2% seulement, tandis que le déficit budgétaire serait de 9,1%, ce qui est beaucoup.

 

Quels sont les chiffres réels ?

Il y aurait là un problème de transparence et de cohérence grave de conséquences.

Ajoutez à cela le fait que le budget d’investissement de 7 milliards de dinars n’a été consommé qu’à concurrence de 75%, ce qui constitue un doute sur la capacité de l’Administration sinon du gouvernement à promouvoir le développement.

Le FMI est réputé pour être un “pompier” que l’on appelle en dernier recours, une fois que l’on a épuisé les autres solutions, celles qui sont négociables et qui n’hypothèquent pas l’avenir. Or, depuis que les trois agences de notation n’ont pas cessé de dégrader l’appréciation de notre pays, nous ne pouvons plus emprunter sur le marché financier international privé à des conditions raisonnables. Certes, les USA et le Japon se sont portés garants pour deux crédits antérieurs, mais cela risque de ne plus se reproduire, car notre processus de transition démocratique ne comporte pas de calendrier crédible pour les futures échéances politiques cruciales. Quand il n’y a pas de visibilité ni à court, ni à moyen terme, la confiance n’est plus au rendez-vous et les investisseurs se rétractent, à plus forte raison lorsque les chiffres changent.

 

Les besoins en financement pour 2013 

Les besoins réels de notre pays pour promouvoir une politique de développement efficace et durable seraient, selon un expert économique, de l’ordre de 7 milliards de dinars. Ces concours financiers seraient, soit sous forme de dons et aides, soit sous forme de crédits à long terme selon des conditions bonifiées.

En effet, les objectifs de notre pays sont très ambitieux, que ce soit au niveau du budget de fonctionnement qui comporte essentiellement les traitements et rémunérations des fonctionnaires dont le nombre est croissant, mais aussi les subventions d’équilibre des sociétés et entreprises nationales dont les bilans sont déficitaires : SNCFT, Transtu, Office des céréales, de l’huile, sociétés régionales de transport, STEG, SONEDE. Il y a également le budget de la Caisse générale de compensation qui dépasse 4 milliards de dinars, ainsi que le budget du développement qui comporte les projets de développement régional, mais aussi les grands projets à caractère national comme le programme de construction de routes, et de centrales électriques… c’est dans ce cadre que la Tunisie a demandé et obtenu un prêt de 500 MD de la BAD et demandé un crédit de 500 MD de la Banque mondiale, actuellement en cours d’examen…  

 

Programmes de formation spécifiques pour les IDE

Avant la fin de l’année 2012, le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi s’est engagé à réaliser un ambitieux programme de formation et spécifiquement destiné à accompagner quatre investisseurs étrangers de grande envergure dans la réalisation de leurs projets de développement à travers le pays en 2013.

Il faut dire que ces investissements sont de l’ordre de 6 M d’euros et sont susceptibles de créer près de 10.000 emplois directs et indirects.

Il s’agit des projets suivants : construction d’une cimenterie à Siliana, capacité de recrutement : 700 salariés, projet de dessalement d’eau de mer par le recours à l’énergie solaire et divers projets agricoles (périmètres irrigués) dans le sud tunisien susceptibles de créer 6000 emplois, un projet d’édification d’un vaste village touristique à Djerba pouvant créer 2000 emplois, un projet d’implantation d’énergie renouvelable à Gabès pouvant créer 700 emplois.

 

Kairouan : un potentiel de tourisme culturel inexploité

La ville de Kairouan recèle tous les ingrédients nécessaires pour être un pôle touristique culturel focalisé sur la richesse de son patrimoine arabo-musulman et la diversité des monuments et vestiges, moyennant quelques améliorations et compléments.

Ce qui importe le plus tout d’abord, c’est la forte volonté politique et le consensus de tous les intervenants autour du même objectif, notamment les ministères de la Culture et du Tourisme.

Il est urgent d’assurer la remise en état des bassins des Aghlabides qui constituent, avec la grande mosquée Okba, des atouts majeurs. Construits dans les années 860 sur une superficie de 11.000 m2, les bassins sont dans un très mauvais état. L’Institut du patrimoine devrait disposer des fonds nécessaires pour la restauration de ce monument exceptionnel. Autour de ces bassins, on pourrait implanter des installations et des équipements pour accueillir les visiteurs dignement dans le cadre d’un parc archéologique à concevoir avec la collaboration de l’Unesco. La ville mérite un grand musée d’Art musulman, la mise en valeur de sa vieille ville, la restauration des palais et des grandes demeures à caractère historique.

Plusieurs autres monuments et sites méritent d’être pris en compte dans la Médina et les souks doivent faire partie d’un circuit touristique avec des maisons d’hôtes correctement équipées pour recevoir les touristes   

 

Don français destiné à quatre projets

Une convention a été signée récemment, entre les deux gouvernements français et tunisien, relative à l’octroi d’un don évalué à 3,5 millions de dinars.

Il s’agit d’un engagement français en faveur des énergies renouvelables : financement de projets publics novateurs dans le secteur de l’énergie solaire.

Les projets sont en cours de mise en œuvre dans les régions défavorisées.

Fournir, installer et mettre en marche des générateurs solaires photovoltaïques à concentration pour le pompage de l’eau et l’irrigation en zone aride dans les gouvernorats de Kebili : 1300 agriculteurs pourraient bénéficier de cet apport.

Pour Gabès, ce sera une centrale photovoltaïque alimentant une station d’épuration.

Pour l’ENIT, ce sera un démonstrateur de 50 kW pour les technologies photovoltaïques à concentration, avec une solution de stockage et de lissage de la production.

Enfin une centrale solaire thermodynamique à miroirs de Fernel de 3 MW destinée à la STEG. Le développement de l’énergie solaire en Tunisie, dont le potentiel est considérable, mais peu exploité, figure parmi les priorités de la Tunisie. 

Ridha Lahmar

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