L’adoption au forceps de la loi électorale

Le 23 octobre 2011, pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, les urnes se sont exprimées démocratiquement. Puis, la joie de cet exploit historique a laissé la place à la découverte de plusieurs dépassements financiers lors de la compagne électorale. Suite aux investigations, lancées par les juges de la cour des comptes et la Banque centrale, certains partis politiques et associations sont impliqués dans cette affaire. Un cadre juridique devrait voir le jour pour fixer les modalités des prochaines élections et interdire le recours aux financements prohibés.

Les consultations sur la réforme de la loi électorale se sont enchainées, plusieurs députés absents lors des plénières, d’autres présentent encore des amendements. En dépit de l’adoption de plusieurs articles, l’examen de la nouvelle loi électorale a été bouleversé durant des jours. Non-respect du règlement intérieur, multiples retards, accrochage entre députés et une méthode de travail mal étudiée… Multiples étaient les raisons qui ont fragilisé le passage aux décisions consensuelles.

Hier, la loi électorale a été enfin adoptée, lors de la séance plénière, avec 132 voix favorables, 9 abstentions et 11 voix défavorables. Membre de la commission des consensus au sein de l’Assemblée nationale constituante, Habib Khedher a annoncé l’accord, il y a quelques jours. L’exclusion des ex-RCDistes, le seuil électoral, la question de la parité et la représentativité des jeunes constituaient les principaux points de divergences.

L’examen de la loi électorale progressait mais non sans heurts. L’article 128 relatif à l’accompagnement des électeurs analphabètes dans l’isoloir a été abandonné. Le projet loi concernant la condition du seuil électoral, considérée comme préjudiciable pour les petits partis, a été rejeté. D’autres articles ont été fusionnés (93 et 95). L’article 23, qui vise à instaurer des listes paritaires homme-femme, lors des élections législatives, a été retenu dans les listes et non pas en ce qui concerne les têtes de liste. Il était l’un des derniers textes adoptés après une période de blocage. La parité n’avait pas fait le débat que sur les réseaux sociaux.

Au sein de l’Assemblée Constituante, Brahim Kassas n’a pas hésité à s’exprimer concernant ce sujet. «La place de la femme se retrouve à la maison pour s’occuper de ses enfants et pour laver les pieds de son mari… Au lit, elle ne peut tourner son dos qu’avec l’autorisation de son époux» a-t-il proféré avant de tenter d’agresser son collègue Mehdi Ben Gharbia.

Au cœur des désaccords, l’article 18, concernant les conditions d’éligibilité pour les élections législatives, a été rejeté. Samir Ben Amor, Habib Khedher, Azed Badi et plusieurs autres députés ont soumis un amendement afin de modifier la dernière forme d’expulsion, remplaçant des «cas d’incapacité prévus pour la présente loi» par des cas d’incapacité prévus «par la loi». Obtenant 93 voix favorables, l’amendement a été rejeté.

Lors du vote de l’article 167 du code électoral, une seconde tentative pour l’exclusion des «fidèles» de l’ancien régime, a échoué avec 108 voix pour alors qu’il fallait récolter 109 voix. La position de Rached Ghannouchi, refusant catégoriquement la loi d’immunisation de la Révolution, avait influencé ses partisans.

Le président provisoire Moncef Marzouki a plaidé pour la tenue des élections dans les plus brefs délais. Tunisien de naissance, musulman et âgés d’au moins 35 ans, chaque candidat à la présidentielle doit, s’il est binational, abandonner sa seconde nationalité une fois élu.

Concernant les élections législatives, l’obtention de la nationalité tunisienne depuis au moins 10 ans et un seuil d’âge d’au moins 23 ans révolus constituent les conditions d’éligibilité. Cependant, toute personne ayant assumé une fonction de premier rang ne seraient pas aptes de se porter candidate dans la même circonscription où elles ont exercé pendant au moins un an avant les élections. Avec l’adoption de l’article 33 les membres de l’Assemblée constituante ne pourront plus accumuler les fonctions «que ce soit de manière définitive ou temporaire et avec ou sans rémunération». Ainsi, les députés ne pourront plus faire partie du gouvernement mis en place.

Un électeur n’obtient le droit de vote qu’en assurant plusieurs critères selon l’article 54. Citoyen tunisien âgé de 18 et un jour au minimum, muni d’un casier judiciaire ne contenant pas une peine complémentaire prévue dans le code pénal.

Les forces de l’ordre et les militaires ne peuvent participer aux élections. L’exclusion de ces derniers a fait l’objet de plusieurs critiques appelant à l’égalité entre tous les citoyens afin de permettre aux membres du corps sécuritaire de participer au vote.

                                                                                                                                                                              Meher Hajbi

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