L’adoption de la loi de Finances, et après ?

La loi de Finances 2019 a été adoptée dans les délais mais dans des conditions, pour le moins qu’on puisse dire, étonnantes, ce qui laisse prévoir des recours dans les prochains jours. Les décisions de dernière minute du gouvernement d’introduire un certain nombre de changements ont suscité d’importantes controverses et une confusion poussant certains députés à taxer le gouvernement de vouloir servir les intérêts de certains groupes. Cette dernière plénière avec le désordre et le chaos qui y ont régné, vient nous rappeler des principes simples dans la préparation des lois de Finances, notamment l’ouverture et la participation qui permettent d’associer tous les protagonistes et les acteurs politiques et sociaux et d’éviter par conséquent tous les débordements.
Le processus de définition et d’adoption de la loi de Finances devrait se terminer au plus tard le 31 décembre, afin que le gouvernement puisse entamer son exécution au premier jour de l’année. Après sa finalisation, la nouvelle loi ouvrira trois grands chantiers auxquels le gouvernement doit s’atteler.
Le premier concerne la réalisation de l’équilibre financier projeté par cette loi de Finances. Pour cela, il faut d’abord tout mettre en œuvre pour réaliser les recettes prévues dans le projet. A ce niveau, la tâche ne sera pas facile et des efforts importants doivent être déployés au niveau du recouvrement pour parvenir aux prévisions de recettes fiscales et non fiscales. Au niveau des recettes, il faut également souligner l’importance du volume d’emprunts prévu par le gouvernement pour parvenir à l’équilibre du budget projeté par le gouvernement. Ce montant est de l’ordre de 10 milliards de dinars et il est composé d’émissions de titres sur le marché interne, de recours aux institutions internationales et de sorties sur les marchés internationaux de capitaux. Là également, la tâche ne sera pas facile et constituera un défi de taille. Pour ce qui est du marché interne, il faut mentionner que le recours accru aux BTA et leur émission vont renforcer la crise de liquidité que connaît le marché financier. En ce qui concerne le recours aux institutions internationales, il faut mentionner les difficultés que nous rencontrons depuis plusieurs mois avec le FMI, qui risquent de devenir encore plus complexes lors des prochains mois. L’importance de ces négociations n’est pas seulement liée au soutien de cette institution mais au fait qu’elle conditionne l’appui des autres institutions internationales à notre pays. Enfin, et pour ce qui est de nos sorties sur les marchés internationaux, la dernière opération a montré également la grande difficulté dans la mesure où les conditions rendent nos prévisions de levée de fonds complexes et difficiles à réaliser. Donc, la réalisation des prévisions financières de la loi de Finances et particulièrement le volet recettes, ne sera pas une mince affaire et constituera un défi majeur pour notre pays au cours des prochains mois.
Le second chantier de cette période post-adoption de la loi de Finances concerne la relance de la croissance et de l’investissement qui constitue probablement le plus important défi de notre pays dans cette phase de transition. Certes, cette loi de Finances a formulé quelques propositions dans ce sens. Elle a également maintenu un budget d’investissement assez ambitieux qui se monte à six milliards de dinars. Toute la question est de savoir si nous sommes en mesure d’atteindre l’objectif de croissance fixé par cette loi. Et à cette première interrogation s’ajoute une seconde qui est de savoir si nous sommes en mesure de changer la structure de cette croissance et de sortir de celle qui a dominé au cours des dernières années et qui était portée par le secteur agricole et le tourisme, contrairement au modèle de développement en place dès le début des années 1970 qui a construit notre développement sur la diversification de notre tissu économique et le développement des activités manufacturières. Ces questions sont d’une grande importance et demanderont des efforts importants de la part des pouvoirs publics afin de relancer notre machine économique.
Le troisième chantier est celui de nos grands équilibres externes qui n’ont cessé de se détériorer au cours des deux dernières années pour atteindre des valeurs que nous n’avons jamais connues par le passé. Certes, une grande partie de ce déséquilibre est liée à notre facture énergétique qui a connu une dérive sans précédent du fait de l’accroissement des cours de l’or noir sur les marchés internationaux. Mais, ce déséquilibre s’explique aussi par les grandes difficultés de la reprise de nos exportations. Là également, il s’agit d’un grand chantier que le gouvernement doit prendre à bras-le-corps au cours de l’année à venir et qui sera d’une grande importance pour notre économie. Car ne l’oublions pas, de la réduction de ce déficit et de l’amélioration de nos réserves en devises dépendra la tenue de notre monnaie nationale malmenée au cours des derniers mois face aux grandes monnaies étrangères, notamment l’euro et le dollar. La stabilité du dinar permettra de réduire l’inflation importée et sera d’un grand apport à une véritable réduction de la hausse des prix que nous observons depuis quelques mois.
Notre économie connaît une crise économique sans précédent et peine à assurer sa transition économique et sa sortie du modèle économique hérité des années 1970. Toute la question est de savoir si la loi de Finances votée il y a quelques jours et la politique budgétaire du gouvernement seront en mesure d’ouvrir de nouvelles perspectives pour notre économie et de favoriser la transition économique de notre pays. n 

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