Il faut reconnaître que certaines industries manufacturières sont en difficultés comme le textile-habillement et le cuir et chaussures qui connaissent une crise aiguë, tandis que l’exploitation des phosphates est totalement sinistrée.
La consommation des ménages a atteint ses limites et ne peut plus constituer un moteur de croissance à cause de la détérioration du pouvoir d’achat des ménages et de l’inflation galopante qui règne sans partage dans le pays avec la perte d’autorité de l’Etat.
De leur côté, les exportations ont du mal à trouver un rythme d’expansion élevé. Il ne reste plus que l’agroalimentaire. Cependant, il faut avouer que notre pays a délaissé et négligé l’investissement dans l’agriculture en favorisant l’industrie et le tourisme depuis des décennies, même si nous avons réalisé l’autosuffisance pour certains produits comme le lait et dérivés. Ce qui fait que notre pays ne dispose pas en ce moment d’un moteur de croissance susceptible de jouer le rôle de levier ou de locomotive pour impulser le développement du pays.
Alors que les avantages compétitifs de l’agriculture ne manquent pas : attachement de la population à la terre, création massive d’emplois dans les cultures intensives, potentiel d’exportations rémunératrices, proximité de l’UE, produits du terroir de qualité.
L’investissement dans l’agriculture connaît une progression sensible depuis un an, comme en témoignent les statistiques de l’APIA, sans pour autant atteindre encore la vitesse de croisière.
Il y a là un signe avant-coureur d’un renouveau d’intérêt pour l’agriculture de la part des investisseurs, d’autant plus qu’il y a une flambée des prix de vente des produits agricoles.
Il y a des obstacles structurels qui méritent des mesures énergiques, des solutions durables et d’autres plutôt conjoncturels, moins difficiles à dépasser.
Il faut dire qu’il y a un préalable fondamental qui manque pour la promotion du secteur agroalimentaire à moyen et long termes, c’est un accord entre la profession, à savoir l’UTAP, et le ministère de l’Agriculture, sur les objectifs et les moyens d’action pour réaliser une véritable stratégie de développement du secteur.
En effet, il semble qu’il y ait une mésentente à ce propos qui doit être dissipée au plus tôt après des négociations pour mettre fin aux malentendus et assouplir les positions.
Il manque une politique rigoureuse de soutien de la part de l’Etat vis-à-vis des agriculteurs sous forme de bonifications réelles en ce qui concerne le prix et la disponibilité des engrais et des semeuses sélectionnés, du carburant, de l’eau d’irrigation.
Un des obstacles majeurs à la montée en puissance de l’agriculture dans son rôle de moteur de croissance, réside dans le réchauffement climatique et la pénurie croissante et sensible des ressources hydrauliques.
C’est ainsi que les restrictions d’eau, programmées par le ministère de l’Agriculture l’été dernier sur certains périmètres publics irrigués dans le gouvernorat de Jendouba, ont provoqué des dégâts fort regrettables dans les récoltes.
En effet, l’irrigation constitue un puissant facteur de valeur ajoutée aussi bien pour les cultures fruitières que maraîchères, d’où la nécessité de renforcer notre infrastructure hydraulique : outre les barrages, il faut des sondages profonds.
La fixation rigide par l’Administration des prix de cession aux industriels, sans concertation avec l’UTAP de certains produits, comme le lait frais ou la tomate de saison, constitue une pomme de discorde à cause de la flambée des coûts de production à la charge des paysans.
Cela risque de démanteler toute une filière et de faire disparaître des secteurs aussi importants que l’élevage laitier ou l’industrie du double concentré de tomate. Des solutions consensuelles arbitrées par l’Administration s’imposent entre paysans et industriels.
Il est impératif de réorganiser les circuits de commercialisation des produits agricoles pour valoriser le rôle du producteur et ne pas se faire exploiter par une poignée d’intermédiaires qui « soulagent » les producteurs agricoles de leurs récoltes à vil prix pour maîtriser les prix sur le marché aux dépens des consommateurs et des producteurs à la fois, en faisant d’une pierre deux coups.
Les producteurs doivent s’associer pour mettre sur pied leurs propres structures de commercialisation.
L’édification d’un nouveau marché de gros de commercialisation des produits agricoles ultra-moderne d’envergure nationale, conforme aux normes européennes de qualité de calibrage, de conditionnement et de traçabilité, s’impose pour donner une impulsion réelle à l’exportation.
Le crédit agricole est le parent pauvre du système bancaire tunisien, car seulement 15% des agriculteurs accèdent au crédit bancaire, ce qui est peu de chose si l’on veut développer la production, promouvoir encore plus les exportations, tout en garantissant la sécurité alimentaire du pays et créer des emplois permanents en masse.
L’endettement excessif des petits paysans (principal inférieur à 4000 DT) mérite une solution définitive sous forme d’amnistie effective pour libérer l’énergie d’investir des agriculteurs et alléger leurs charges afin qu’ils se consacrent totalement à la production.
L’UTAP a besoin d’être dépoussiérée, elle n’a pas évolué depuis des décennies, car elle continue à jouer un rôle revendicatif uniquement, sans assumer la responsabilité qui lui incombe, à savoir impulser au monde rural une nouvelle stratégie de développement. Il s’agit de pousser les producteurs à organiser eux-mêmes la création et la gestion des structures qui commercialisent et/ou transforment leurs produits pour une meilleure valeur ajoutée.
42