Les performances récentes et actuelles de l’agriculture tunisienne et du secteur de l’agroalimentaire à l’export, autorisent à envisager l’agriculture comme un deuxième moteur de croissance aux côtés du tourisme dans quelques années, dans la mesure où plusieurs obstacles et points faibles qui handicapent actuellement le secteur trouvent des solutions pour être contournés.
Les négociations en cours sur l’adhésion éventuelle de notre pays à l’Aleca sont une opportunité pour la promotion de l’agriculture tunisienne dans le cadre de la mise à niveau du secteur pour éviter son éclatement, sinon sa profonde perturbation et au contraire, en valoriser les produits sur tous les plans : économique, financier et social.
Huile d’olive, dattes et productions fruitières par le volume des récoltes, la qualité des produits et le montant des exportations, ont permis au secteur agricole de faire un bond de 11% au cours du premier trimestre 2018.
Notre pays a plusieurs atouts majeurs qu’il importe de valoriser au mieux de leurs potentialités. D’abord, une grande diversité de produits du terroir qui recèlent des saveurs très appréciées par les consommateurs : raisin muscat de Rafraf, deglet Ennour, oranges maltaises du Cap Bon, fraises de Testour, melon de Béjà, tomates de Haouaria, piment de Nabeul…
Ensuite, il y a un savoir-faire ancestral remarquable en matière de techniques culturales introduites par les Andalous, pour tout ce qui est cultures fruitières et maraîchères irriguées.
Enfin, nous disposons de 250.000 ha de périmètres irrigués entre publics et privés, répartis à travers l’ensemble du territoire, et bénéficiant de climats différents et de sols variés.
Il y a là un potentiel de production considérable qui mérite d’être rationalisé et orienté vers des cultures lucratives, des produits bio, à forte valeur ajoutée et à rendement élevé.
Mais aussi, faire l’objet d’une valorisation ultérieure : calibrage, conditionnement, traçabilité orientés aussi bien vers l’export que vers le marché local.
Le problème consiste, vu les limites de la mobilisation de nos ressources hydrauliques, à rationaliser notre consommation en eau par la rénovation de notre réseau de distribution et le recours aux technologies d’économie d’eau.
Cependant, les points faibles de notre agriculture sont multiples : nous sommes un pays où dominent la petite propriété et la micro-exploitation, ce qui est un obstacle à la modernisation des techniques agricoles et à la rentabilité des investissements.
Les ¾ des exploitants agricoles sont âgés de plus de 60 ans, ce qui est un handicap vis-à-vis du progrès technique.
Le résultat, c’est que les charges sont très élevées dans nos exploitations agricoles à cause des méthodes vétustes de production et de la faible productivité, d’où les prix élevés des produits.
Bien que les études d’impact n’aient pas encore été achevées, les risques de la mise en application du futur accord relatif à l’Aleca sur l’agriculture tunisienne, sont réels et flagrants. Imaginez des centaines de containeurs de fruits, légumes et autres produits agricoles, tels que céréales, légumineuses qui envahissent du jour au lendemain le marché tunisien sans payer de droits de douane, ni de taxes diverses, quel sort sera dévolu aux produits tunisiens ? Confrontés à une concurrence déloyale des produits européens, les produits tunisiens seront dédaignés et marginalisés par les consommateurs car les produits européens sont beaucoup plus compétitifs, grâce à la politique agricole commune qui a subventionné à coup de milliards d’euros durant des décennies, la mise à niveau de l’agriculture européenne.
Notre pays devrait saisir l’opportunité de la négociation de l’accord relatif à l’instauration de l’Aleca avec l’Union européenne pour “exiger” des autorités de Bruxelles le financement de la mise à niveau de l’agriculture tunisienne dans le but de valoriser au mieux les produits agricoles tunisiens et les habiliter au maximum pour l’export.
Deux obstacles majeurs doivent être éliminés, à savoir la faible pénétration du crédit bancaire dans l’agriculture et le faible taux de couverture de l’assurance des récoltes contre les catastrophes naturelles : grêle, inondations et sécheresse.
En effet, 8% seulement des exploitations accèdent au crédit bancaire, ce qui est nettement insuffisant pour favoriser la promotion de l’investissement dans le secteur.
Le taux devrait atteindre progressivement 30 à 40%, 12% seulement des agriculteurs bénéficient de la couverture des assurances : une source de catastrophes pour les paysans. Il faudrait abaisser le coût de l’assurance pour étendre la couverture.
Des solutions doivent être trouvées pour développer les deux taux de pénétration.
L’agriculture biologique devrait monter en puissance de façon sensible, compte tenu du succès remporté par les produits bio sur les marchés européens, ainsi que le niveau élevé des prix lors de la commercialisation.
Afin de faire de l’agriculture un pôle de croissance, une stratégie de développement appropriée de l’agriculture tunisienne doit être mise en œuvre dans ce sens par les pouvoirs publics en parfaite coordination avec l’UTAP et le SYNAGRI.
Cette stratégie doit faire des choix, être ouverte sur la mondialisation des échanges, sans perdre de vue ni les intérêts de nos producteurs ni ceux des consommateurs.
Les réformes doivent comporter également l’appropriation par les producteurs de leurs propres moyens de commercialisation et de transformation des produits agricoles.