L’Agence nationale de Maîtrise de l’Energie (AMNE) a rappelé les enjeux fondamentaux de la décarbonation pour les entreprises tunisiennes, lors d’une journée d’information organisée ce lundi 20 mai à Tunis. Dans un contexte international marqué par des objectifs climatiques dessinés via les accords de Paris, transposés dans la loi nationale en 2016, la Tunisie s’est engagée sur la voie de l’écologie.
Dans sa stratégie nationale bas carbone (SNBC), elle s’est dotée de trois ambitions opérationnelles d’ici 2030 : réduire l’intensité carbone de son économie de 45%, réduire la demande d’énergie primaire de 30%, et augmenter à 35% la part d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, aujourd’hui dominé largement par le gaz naturel, source d’énergie primaire ayant un fort impact carbone. « Notre dépendance aux énergies fossiles, et notamment au gaz naturel, qui représente 95% de notre production d’électricité et que nous importons à 50% d’Algérie, nous rend vulnérable aux fluctuations des prix à l’échelle internationale », alerté en ce sens Aymen Souii, ingénieur en chef à la direction de l’efficacité énergétique dans l’Industrie (DEEI).
Aymen Souii, ingénieur en chef à la direction de l’efficacité énergétique dans l’Industrie (DEEI)
Au-delà de cette question, les entreprises tunisiennes vont, d’ici le 1er janvier 2026, se confronter au Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), un mécanisme européen pensé pour prendre en compte les émissions des produits importés, dans le cadre du green deal imaginé au niveau de l’Union Européenne (UE).
La nécessaire adaptation face au MACF
Proposé en 2021 et adopté en 2022, le MACF impose un prix du carbone aux produits importés par l’UE, dans les secteurs suivants : ciment, acier et fer, aluminium, engrais et électricité. La taxe imposée dépend alors de deux facteurs : le prix du carbone, fluctuant sur le marché et les quotas d’émission du produit. Sur ce point, les entreprises tunisiennes peuvent être amenées à voir leurs produits taxés durement, à cause d’un mix énergétique dominé par le gaz naturel. Un coup de frein potentiel pour les exportations de la Tunisie, qui se font à 75% vers l’UE. « Le MACF constitue un danger pour nos industries, mais également une opportunité, si on se prépare de la bonne manière », a tempéré Noureddine Hajjaj, expert chez Carbone green footprint consulting.
Une préparation encore loin d’être à la hauteur, car, selon lui, seulement 30% des entreprises tunisiennes sont déjà dotées d’outils de comptabilité carbone, nécessaire pour déterminer le montant de la taxe lors de l’exportation de leurs produits. C’est pourquoi l’ANME a décidé d’accompagner les sociétés nationales, d’abord par l’intermédiaire d’un guide de décarbonation. Puis par le lancement, en septembre 2024, de l’application Décarbo Act, accessible à toute entreprise sur la base de présentation de son matricule fiscal.
Noureddine Hajjaj, expert chez Carbone green footprint consulting
« L’avantage, c’est que l’application propose des calculs prenant en compte le mix énergétique tunisien », a ajouté Noureddine Hajjaj. Pour l’instant, l’application permet de connaître le bilan carbone relatif à un produit sur la base du Scope 2, à savoir la prise en compte des émissions indirectes causées par la consommation d’énergie de l’entreprise. L’ambition est de développer encore la plateforme pour atteindre un niveau de précision dit Scope 3, bien plus difficile à appréhender puisqu’il implique dans son calcul de nombreux paramètres ne dépendant pas directement de l’entreprise (déplacements professionnels, utilisation de certains produits, etc.). Le signe d’une volonté de l’AMNE de préparer au mieux les entreprises tunisiennes à l’enjeu du MACF.