De notre envoyé spécial à Erbil, Mohamed Ali Ben Sghaïer
Dimanche 1er juin 2014. Un bon nombre de voyageurs, dont une délégation officielle présidée par Mme Salwa Sghaïer, pdg de TUNISAIR, étaient présents au terminal 2 de l’Aéroport Tunis Carthage pour inaugurer la nouvelle ligne Tunis –Erbil, capitale du Kurdistan irakien.
Il était presque 13 h lorsqu’une voix très douce invitait les voyageurs à destination d’Erbil à se diriger vers l’Airbus A 320 Ibn Aljazzar. Prévu pour 13 h 15, le vol a accusé un retard de quelques minutes. Normal, car il a fallu prévoir des mesures supplémentaires pour que le voyage se déroule dans de bonnes conditions. Il faut dire que les exigences de TUNISAIR en matière de sécurité sont très strictes et se font même au détriment de la ponctualité. La compagnie nationale a même pris un certain nombre de décisions pour corriger les défaillances en matière de gestion des retards de vols. La sécurité est la première des priorités pour notre transporteur national.
Une ambiance chaleureuse et conviviale régnait entre les membres de la délégation composée des représentants du secteur du transport aérien, d’hommes d’affaires et de journalistes. Les hôtesses et les stewards de TUNISAIR ont contribué par leur modestie, leur bienveillance et leur gentillesse à l’instauration d’un climat de sérénité et de quiétude. Tous les ingrédients sont réunis pour un vol réussi.
Le tourisme… un atout majeur
Dès notre arrivée à l’aéroport d’Erbil, un accueil chaleureux a été réservé à la délégation tunisienne par les responsables kurdes. Une cérémonie officielle a été organisée, en l’honneur des participant à ce vol inaugural reliant Tunis et Erbil, après plus de vingt-trois ans d’interruption et à laquelle ont été conviés des hauts responsables kurdes dont le ministre, chef du département des Relations extérieures du Kurdistan irakien, Falah Mustafa. Le responsable irakien a exprimé son contentement de ce partenariat entre le deux pays, qui «vient renforcer la politique d’ouverture adoptée par la région autonome du Kurdistan après des années d’isolement et de frustration». Faut-il rappeler qu’Erbil, l’un des trois gouvernorats qui composent la région autonome de Kurdistan dont Dohouk et Souleymania, représente un pôle touristique, commercial et économique de premier plan. D’ailleurs, le Comité arabe du tourisme a décrété la ville kurde, dont l’histoire remonte à plus de 4000 ans, capitale du tourisme arabe en 2014. Avec son imposante citadelle au cœur de la ville bâtie sous une forme circulaire autour de la Kalâa, ses multiples hôtels neufs et luxueux, ses bâtiments à l’architecture moderne ainsi que ses grands centres commerciaux (malls), Erbil, appelée aussi Hewlêr (en kurde), jouit aujourd’hui d’un statut privilégié en matière de tourisme. L’aéroport d’Erbil est desservi par plusieurs compagnies internationales. Le trafic aérien enregistre dans cet aéroport gigantesque et moderne, qui réalise une moyenne de 117 vols par semaine, une croissance régulière. Durant trois ans seulement (2010-2013) le trafic a progressé de plus de 78%, ce qui explique l’intérêt accordé à cette région par la majorité des compagnies aériennes, notamment celles du Golfe.
TUNISAIR, consciente de l’importance d’instaurer un partenariat stratégique dans le domaine du tourisme entre les deux pays, a pris la décision, après des réunions tenues entre ses responsables et leurs homologues du gouvernement de la région du Kurdistan irakien, de développer la fluidité des flux touristiques entre les deux pays, et ce à travers la réouverture d’une ligne directe reliant les deux destinations. Pour ce faire, TUNISAIR a mandaté la société kurde Fly Miran pour représenter ses intérêts dans la région en signant un accord de partenariat à Tunis le 23 avril 2014. Fly Miran, présidée par M. Laound Cheikh Mimondi, s’engagera selon cet accord à assurer le remplissage de pas moins de 60 sièges sur chaque vol. Cet accord permettra certainement à TUNISAIR de garantir la rentabilité et l’équilibre commercial de cette ligne.
Les agences de voyage relèvent le défi
En l’absence d’une desserte directe entre notre pays et Bilad Al-Rafidaïn, de nombreux touristes irakiens fidèles à la destination tunisienne étaient jusque-là obligés de faire escale dans d’autres pays. Aujourd’hui, pour animer cette desserte et développer le nombre de voyageurs vers les deux pays et en attendant la réouverture prochaine de la ligne Tunis-Baghdad, annulée depuis la guerre d’Irak en 1991, la balle est, selon l’ambassadeur tunisien en Irak M. Samir Jmaï, dans le camp des hommes d’affaires et des responsables des agences de voyages. « Après l’ouverture de cette ligne, les investisseurs et les agences de voyage n’ont plus d’alibi pour ne pas développer les échanges économiques et touristiques entre la Tunisie et l’Irak», estime-t-il.
De son côté, Mohamed Ali Toumi, président de la Fédération tunisienne des agences de voyages et du tourisme (FTAV) a exprimé, lors de la conférence de presse organisée le 2 juin à Erbil, que la Tunisie qui compte plus de 700 agences de voyage et plus de 800 unités hôtelières, dont plus de 300 unités sont classées, est toujours ouvertes aux touristes kurdes. Selon M. Toumi, la Tunisie reste toujours une destination sûre, prête toujours à accueillir ses hôtes dans de bonnes conditions. «Les fondamentalistes n’ont aucune place en Tunisie », insiste le président de la FTAV, accompagné de six responsables d’agences de voyage venus pour rencontrer leurs homologues kurdes en marge de ce vol inaugural. Contacté par Réalités, un responsable d’une agence de voyages nous a assuré que le marché kurde est un marché très porteur. Ce dernier représente un défi majeur à relever pour les agences de voyages tunisiennes. Cet enthousiasme d’échanges touristiques est partagé, puisque selon Mme Salwa Sghaïer, la PDG de TUNISAIR, de nombreux tours opérateurs installés dans la région du Kurdistan irakien, notamment à Erbil, ont montré une grande volonté pour organiser des excursions en Tunisie. Pour certains intervenants dans le domaine du tourisme, l’initiative de TUNISAIR participera à renforcer le tourisme interarabe qui reste, malheureusement, en deçà des attentes malgré les potentialités dont disposent les pays concernés en matière de produits et d’infrastructures touristiques. La FTAV, en est consciente, puisque M. Mohamed Ali Toumi nous a confié que tout un programme est en train d’être préparé pour trouver d’autres marchés alternatifs (arabes et asiatiques) pour surmonter la dépendance au marché européen.
Un partenariat gagnant-gagnant
Outre les intervenants dans le domaine du tourisme, des hommes d’affaires et des responsables de groupes industriels tunisiens ont fait part de l’événement. M. Abdellatif Hmam, PDG du centre de promotion des exportations (Cepex), partenaire de TUNISAIR dans ce vol inaugural (avec l’ONTT et la Chambre de commerce et d’industrie de Tunis), a exprimé qu’ «il y a de réelles opportunités d’investissement dans la région du Kurdistan irakien». D’ailleurs cinquante hommes d’affaires tunisiens ont participé au forum d’affaires tuniso-kurde organisé par le CEPEX. Des rencontres B to B ainsi que des rencontres d’affaires avec des entrepreneurs, des importateurs et des exportateurs kurdes ont eu lieu en marge de ce vol. Une autre rencontre, dans les locaux de la chambre de commerce de Solaymania, a eu également lieu entre les hommes d’affaires des deux pays. L’objectif principal était de conclure des marchés avantageux et fructueux dans un pays qui connaît un boom économique marquant. En se dotant d’une manne pétrolière énorme (45 milliards de barils de réserve), la région autonome du Kurdistan irakien a une perspective de croissance de 10% sur les cinq prochaines années. Les besoins de la région sont énormes, notamment en matière d’infrastructures, d’eau, d’électricité, de transports, de santé, d’éducation, de tourisme, etc. La région compte investir plus de 172 millions de dollars par an dans le développement. 2300 entreprises étrangères y sont implantées. Les Tunisiens gardent toutes leurs chances pour conquérir un marché aussi important et potentiel. Du côté kurde, la Tunisie représente pour les investisseurs un lieu propice pour investir et conclure des accords de partenariat. Selon M. Hmam, quarante hommes d’affaires kurdes envisagent se rendre en Tunisie pour examiner des opportunités d’échanges et d’investissement dans notre pays.
La nouvelle desserte Tunis-Erbil permettra, certes, l’ouverture d’énormes perspectives d’avenir devant la Tunisie et la région autonome du Kurdistan irakien pour renforcer les échanges économiques et commerciaux. Toutefois un handicap majeur reste à surmonter pour faciliter davantage la liberté de circulation entre les deux pays. Il s’agit, bien évidemment, du problème de visa qui représente une question cruciale pour garantir la réussite de cette initiative audacieuse.
Les responsables des deux pays qui ont assisté à l’événement ont promis de résoudre le problème dans des délais très courts. En attendant, les procédures de l’octroi du visa seront révisées pour faciliter le transport entre la Tunisie et l’Irak.
M.A.B.S