Après une année 2017 particulièrement mouvementée et des incertitudes sur les plans politique, économique et social, où déceptions et désillusions se sont entremêlées, peut-on espérer une réelle éclaircie en 2018 et un apaisement des tensions et des frictions qui n’ont cessé de mettre à nu l’incompétence de notre classe politique en 2017 ?
Au regard de la tournure, rapide et imprévisible, des événements qui ont émaillé, tout au long de l’année 2017, un processus de transition démocratique grippé suscitant chaque jour un peu plus de questionnements lancinants, provoquant le blocage de l’action réformiste, l’exacerbation des difficultés économiques et des tensions sociales, tout indique que 2018 sera un véritable test de vérité pour la jeune démocratie tunisienne. Un test sur son aptitude à résister à de grands défis et à réinventer un autre discours, d’autres moyens d’actions et de nouvelles pistes à même de favoriser le compromis et une stabilité dont le pays a besoin pour rebondir et retrouver les chemins de la confiance, de la croissance et de la concorde.
Face à la gravité des défis qui nous attendent, l’on ne peut qu’afficher un optimisme mesuré, espérant un sursaut d’orgueil de toutes les forces vives du pays, qui ont longtemps confondu démocratie, liberté et droits légitimes avec anarchie, laxisme et revendications sauvages.
Manifestement, le plus dur sera de construire un climat de confiance et d’orienter tous les efforts vers tout ce qui concourt à faire renaître l’espoir chez les Tunisiens. En effet, ces derniers ont perdu au fil du temps leurs illusions dans leur classe politique et toute la crainte serait de voir ce sentiment s’approfondir davantage et la désaffection des jeunes, notamment dans le processus de participation à la vie publique, se renforcer.
Sept années après la Révolution, les lueurs d’espoir qui surgissent parfois furtivement, finissent rapidement par s’éteindre. Un épais nuage persiste rendant toute visibilité incertaine et toute perspective d’avenir peu claire. Par l’insouciance des uns et l’aveuglement des autres, l’incompétence qui domine le fonctionnement de nos institutions et l’hésitation qui a pris la place à la capacité d’assumer les décisions devant être prises, le pays ne cesse de cumuler les retards et d’accuser les coups qui viennent de l’incurie d’une classe dirigeante complètement décalée et peu apte aux postes de responsabilité.
Le gouvernement d’union nationale, pourtant né de contractions longues et douloureuses, apparaît actuellement fragile et abandonné par ceux-là mêmes qui lui ont donné confiance. Un gouvernement que les partis veulent asservir et rendre otage de leurs caprices, de leurs calculs et de leur appétence insatiable à contrôler des institutions du pays. Un gouvernement lâché, et dont l’action est, sinon bloquée par les forces sociales qui refusent toutes les réformes dont ils sont les initiateurs, du moins obérée par la reconfiguration des alliances politiques et le dérapage de l’ARP, devenue une arène pour les surenchères stériles et un pugilat indigne entre des élus qui n’affichent leur présence que devant les caméras, non sur le terrain.
Un gouvernement, également, qui, en raison de sa composition partisane hétéroclite, souffre cruellement de l’absence de compétences capables de conduire le changement et de convaincre l’opinion publique.
Malgré les actions courageuses qu’il a entamées en 2017 en matière de lutte contre la corruption, le Youssef Chahed, dont la nouvelle Troïka cherche la tête à tout prix, peine à donner à l’action de son équipe efficience et cohérence. Outre les défaillances en matière de pilotage, le gouvernement ne possède pas de feuille de route claire et n’arrive pas à engager les réformes essentielles avec courage et responsabilité. A défaut d’un soutien politique affirmé des partis signataires de l’accord de Carthage, ce gouvernement s’est mis dans les bras de l’UGTT qui influence, plus que jamais, tout le jeu économique et social et fait la loi.
Au moment où le système de sécurité sociale court à sa faillite, le gouvernement attend avec fatalisme un hypothétique accord de la Centrale ouvrière pour augmenter de deux ans l’âge de la retraite. Au moment où il est obligé de dire la vérité aux Tunisiens et de faire valoir la nécessité de consentir des sacrifices pour sauver le pays d’une banqueroute certaine, le gouvernement a laissé la voie libre à l’UGTT pour annoncer le gel des prix des produits essentiels, la non privatisation de certaines entreprises publiques et l’engagement en 2018 de nouvelles négociations sociales.
Face à la perversion de la vie politique qui se décline à travers une coalition au pouvoir qui part en vrille, aux menaces qui pèsent sur les acquis de la Révolution par l’émergence d’alliances douteuses et la prolifération de l’affairisme, à l’assombrissement des perspectives économiques et les risques récurrents d’instabilité politique et sociale, ce sont les réponses qui restent aux abonnés absents.
Manifestement, Youssef Chahed a fini par comprendre qu’à l’origine du malaise, qui ne cesse de grandir et du flou qui ne fait que s’épaissir, existe une défaillance au niveau de la communication gouvernementale. En effet, la voix du gouvernement à propos de toutes les problématiques ne parvient pas à convaincre ni à éclairer. Ce n’est pas certainement en cherchant à toucher le plus grand nombre des Tunisiens à travers les réseaux sociaux, que Youssef Chahed réussira à se faire mieux entendre ou à influencer plus l’opinion publique. Il faut reconnaître que là où les partis de l’opposition ont réussi et leur discours a pu influencer, là où les gouvernements successifs ont échoué lamentablement, y compris lorsqu’il s’agit de défendre des choix stratégiques incontournables pour remettre le pays sur les bons rails.