L’après-Gaza : Quelle union arabe ?

Après Gaza, le monde arabe ne sera plus le même. L’opinion sera inconsolable et les pays en plus grande rupture. La division entre le camp de l’Arabie saoudite d’un côté, et celui de l’Iran de l’autre, qui soutient la résistance palestinienne, sera plus marquée et les tensions plus vives. Israël en sera le seul bénéficiaire et il sera alors trop tard pour regretter et faire marche arrière.

Au moment où la famine sévit au Nord de Gaza et menace les deux millions de Gazaouis ciblés volontairement par un blocus alimentaire inédit, les dirigeants du monde parlent de l’après-Gaza. Pour eux, Gaza n’existe déjà plus et les deux millions et demi de Gazaouis sont morts et enterrés, si ce n’est sous les décombres et dans des fosses communes, ils le seront dans les dédales de l’histoire que va écrire le vainqueur de cette guerre, accusé de génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza.
L’ambiance dans le monde arabe n’est pas au beau fixe. Ce n’est pas nouveau, dirions-nous. Oui, mais elle est électrique, pour ne pas dire explosive. Ce n’est pas inédit, devrions-nous aussi admettre. Pourtant, si. La situation n’a jamais été aussi inquiétante que depuis l’attaque de Hamas le 7 octobre 2023 contre les territoires palestiniens occupés par Israël aux abords de la bande de Gaza. Une attaque que le Hamas a menée, dit-il, en réaction aux exactions interminables des autorités israéliennes contre les civils palestiniens et la mosquée Al Aqsa. Cette fois, les divergences arabes ont dépassé le niveau des Etats et des gouvernements, -elles étaient jadis plus discrètes dans un contexte de muselage des médias-, les peuples s’en sont mêlés, sur les réseaux sociaux, surtout, où injures, caricatures hostiles et fake news circulent sans discontinuer et enflamment la Toile. Aucun pays n’est épargné.
Les tensions et les divisions entre pro-résistance palestinienne et anti sont à leur paroxysme après près de cinq mois de guerre sioniste totale et sauvage contre les Gazaouis. Ces tensions ont atteint un niveau tel que les voix et les positions officielles qui défendent l’action commune arabe et l’unité des pays peuples arabo-musulmans se font de moins en moins entendre, étouffées par de nouvelles thèses « séparatistes » qui prônent le « chacun pour soi et Dieu pour tous » et appliquent la devise chère aux Américains, « celui qui n’est pas avec moi est contre moi ». Les arguments de ces derniers stigmatisent le camp des défenseurs de Gaza critiquant le mouvement islamiste Hamas d’avoir lancé « la bataille » du 7 octobre 2023 sans avoir les moyens de son succès et de protection de la population gazaouie. Pourtant, sur le champ de bataille, les quelques milliers de combattants des factions palestiniennes armées ont prouvé le contraire. Ils ont démontré qu’ils sont capables d’accomplir l’inimaginable, l’impensable, l’inattendu : tenir tête pendant plusieurs mois, sous un blocus total, à une armée de renommée mondiale quant à elle soutenue militairement sans limite par l’Occident, Etats-Unis en tête, en mal d’éthique et de scrupules et lui infliger de lourdes pertes humaines et matérielles malgré sa supériorité technologique, logistique et humaine. Si Hamas avait bénéficié d’un quelconque soutien des pays arabes (suspension de la normalisation, de l’approvisionnement en gaz et pétrole, rappel des ambassadeurs arabes en poste en Israël, boycott des échanges commerciaux…), et si l’armée israélienne s’était conduite avec honneur en respectant l’éthique de la guerre, les armes se seraient tues depuis longtemps déjà, des dizaines de milliers de vies palestiniennes auraient été épargnées et Gaza n’aurait pas été rasée. Mais les dirigeants arabes ont pris une autre décision, très critiquée, celle de ne pas épauler la résistance palestinienne et de ne pas nuire à l’entité sioniste, qu’une grande partie de l’opinion arabe ne comprend pas et ne pardonne pas. Car pour l’opinion arabe, l’enjeu n’est pas politique, ce n’est pas l’avenir politique de Hamas qui compte. L’enjeu de Gaza est stratégique, historique et juste. Il s’agit de la résurgence de la cause palestinienne après qu’elle eut été enterrée vivante dans les dédales de l’oubli et, au fil du déroulement des combats, de l’espoir d’aboutir à la fin du colonialisme sioniste qui aura duré 76 ans, et à la création d’un vrai Etat palestinien libre et souverain. Force est de constater que c’est Hamas qui est derrière la naissance de cet espoir. Nul ne peut le nier et malgré toutes les réserves et les critiques que peuvent avoir certains régimes arabes contre le mouvement islamiste, les peuples arabes croient désormais que la libération de la Palestine n’est pas impossible.
L’entité sioniste gouvernée par l’extrême droite commet un génocide à Gaza, que ses alliés l’admettent ou pas et que la CIJ le décrète ou pas, et s’apprête à faire fuir le million et demi de Gazaouis, encore vivants et entassés à Rafah, hors de leurs terres vers le Sina égyptien. Sous les yeux d’un monde impuissant, complice ou indifférent, et sans que les gouvernants arabes réussissent, osent ou veuillent stopper une deuxième « Nakba » dans l’histoire de la Palestine. Gaza disparaîtra alors, mais elle emportera avec elle l’honneur des Arabes et la conscience du monde.
Le dernier espoir reste la CIJ car du côté des instances onusiennes, le Conseil de sécurité en l’occurrence, circulez, y a rien à voir. Le système de l’ONU s’est avéré être un outil de répression contre les plus faibles, ceux qui ne sont pas soutenus par les Etats-Unis, ceux qui ne lui obéissent pas à la lettre et au doigt. Les pays arabes regroupés en une seule délégation ont tenté à maintes reprises de faire adopter un cessez-le-feu humanitaire au Conseil de sécurité, sans succès. A l’ONU, ils n’ont pas de poids. Or, c’est en agissant hors des instances onusiennes, aux niveaux national et régional, qu’ils peuvent peser et devenir importants. Mais ils ne l’ont pas fait. Ils ne veulent pas. Ce pourquoi une partie de l’opinion arabe en colère parle de trahison à l’égard de la cause palestinienne.
Après Gaza, le monde arabe ne sera plus le même. L’opinion sera inconsolable et les pays en plus grande rupture. La division entre le camp de l’Arabie saoudite d’un côté, et celui de l’Iran de l’autre, qui soutient la résistance palestinienne, sera plus marquée et les tensions plus vives. Israël en sera le seul bénéficiaire et il sera alors trop tard pour regretter et faire marche arrière.

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