En dépit des réformes engagées depuis 1967 pour donner un rôle agissant à l’armée tunisienne,, celle-ci n’est toujours pas une véritable armée de métier, elle ne l’est qu’en partie, pourquoi ?
Ce qui s’est fait jusqu’à présent pour réformer les structures même de l’armée n’est certainement pas empreint d’un manque de volonté pour la transformer en armée de métier, mais il s’agit bien plus d’un manque de courage de la part du politique à engager pleinement cette réforme. En effet, depuis l’époque de Ben Ali on brandissait le spectre de la lutte antiterroriste tout en renforçant le rôle du ministère de l’Intérieur aux dépens de celui de la Défense. Ben Ali, avec un esprit étroit et soucieux avant tout de se procurer des fonds internationaux, n’avait aucune vision stratégique pour l’armée nationale. Tout au contraire et depuis les affaires de Baraket Essahel et de Medjez el Bab, il a tout fait afin d’oublier son passé militaire, occultant sciemment les conseils d’experts et redoutant surtout un rôle plus agissant de l’armée.
Aussi, faut-il mentionner que pour transformer une armée traditionnelle en armée de métier, une véritable révolution dans les esprits doit s’opérer. On en revient toujours à l’ancienne querelle entre les véritables militaires, formés pour la plupart dans les académies et recrutés en bas âge et ceux issus du monde civil considérés comme des intrus et ne connaissant rien de la vie militaire. Cette distinction entre ceux qui ont fait les grandes écoles militaires et ceux venant du monde civil et nouvellement recrutés est dépassé
dans les pays développés, car ce qui compte avant tout c’est la compétence et la capacité d’innovation de chacun. Bien au contraire, dans les grandes académies militaires ce sont les enseignants qui viennent du civil qui donnent des cours dans tous les domaines. L’ouverture à la recherche scientifique et une véritable coopération avec les grandes écoles et universités manquent terriblement, quoi que l’on dise. À cet obstacle psychologique qui est perceptible pour celui qui a approché cette réalité, on y ajoute le coût considérable de la transformation des structures vieillottes de l’armée afin de lui donner véritablement les moyens de ses ambitions. Ainsi, laboratoires, équipements ainsi que de véritables moyens techniques, technologiques et financiers ne peuvent pas être déployés actuellement. Car la priorité est donnée à l’équipement défensif afin que l’armée soit à la pointe de la lutte contre le danger terroriste et des défis régionaux et continentaux. Il existe certes de nombreuses recrues dans l’armée tunisienne, selon des métiers donnés ou des formations précises, mais cela n’a pas engagé une réelle transformation de notre armée en armée de métier.
Certes et depuis quelques années, les académies militaires ne recrutent plus les bacheliers et généralement la formation des recrues se fait à l’armée, exception faite de quelques métiers liés à la médecine ou à l’ingéniorat. Ce changement que nous pouvons qualifier de profond — le recrutement par l’armée après une formation — est dicté par des impératifs budgétaires et une véritable recherche d’un recrutement de qualité. Ainsi, les candidats qui vont se présenter et il existe un engouement envers l’armée qui assure en quelque sorte une sécurité de l’emploi et est respectée par les citoyens, sont choisis pour leurs métiers et leurs aptitudes physiques et intellectuelles à intégrer ce corps qui exige d’énormes sacrifices.
L’orientation de la Tunisie vers une armée de métier est une nécessité, absolue pour faire face aux défis à la fois sécuritaires et de développement économique dont la Tunisie a énormément besoin aujourd’hui
F.C.