L’austérité a-t-elle un avenir ?

Le débat sur les politiques économiques dans le monde est en train de prendre de nouvelles tournures après les élections françaises et grecques et les dernières réunions du G8. Jusque-là ce débat était marqué par une opposition forte entre d’un côté une Amérique pragmatique et rattachée à la croissance comme moyen de rétablir les grands équilibres macroéconomiques et une Europe sous influence allemande et plutôt favorable à une forte cure d’austérité et de consolidation budgétaire comme une condition indispensable pour un nouveau départ de la machine économique. Or, les lignes dans ce débat commencent à évoluer il faut dire que les résultats des dernières élections en France et en Grèce avec le rejet des partis qui défendent les politiques d’austérité pourraient constituer un changement dans les priorités économiques au niveau global.

Il faut dire que les pays européens ont fait un choix depuis quelques années pour le rétablissement des comptes publics et l’Allemagne en a fait une condition pour venir en aide aux pays qui connaissent de graves crises de dettes souveraines comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou l’Italie et l’Espagne. Cette priorité est devenue un engagement avec la signature des pays de la zone Euro en mars 2012 d’un «traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance» ou ce qu’on appelle communément «le pacte budgétaire». Ce nouvel engagement renforce les contraintes des politiques budgétaires et apporte des règles strictes en limitant le déficit structurel du budget, c’est-à-dire le déficit lorsque le PIB est à son niveau potentiel dans une conjoncture normale, à 0,5% du PIB. Par ailleurs, ce nouveau pacte invite les pays membres de la zone Euro à inscrire ces nouvelles règles dans leur constitution, afin d’éviter que les pouvoirs publics les transgressent. Enfin, ce nouveau pacte a décidé d’imposer des sanctions importantes et de manière automatique pour les pays qui ne respectent pas ces nouvelles règles.

L’adoption de ce pacte a suscité beaucoup de critiques de la part des responsables politiques et des experts. Ainsi, par exemple, François Hollande qui était à l’époque un candidat aux élections présidentielles, a annoncé son intention de revoir et renégocier ce pacte budgétaire. Une suggestion qui a reçu une cinglante fin de non-recevoir de la part des responsables politiques allemands et considérée par le Président français en exercice, comme un signe d’un manque de responsabilité. N’empêche la victoire de François Hollande et les difficultés électorales de tous les pouvoirs sortants en Europe ont montré le rejet des politiques d’austérité en Europe. Par ailleurs, des études techniques ont été menées par les experts et les instituts économiques en Europe ont montré que ce pacte de stabilité ne ferait que renforcer la récession dans laquelle commence à s’installer l’Europe sans pour autant résoudre le problème des dettes publiques. Car faut-il le rappeler, la récession économique ne ferait que renforcer la crise de la dette et son poids dans le PIB et recule par conséquent sa résolution. 

Il faut dire que les politiques de stabilisation menées en Europe ont été à l’origine d’une forte détérioration de la situation économique depuis le début de l’année 2012 ou le PIB n’a augmenté que faiblement avec un taux qui se situe autour de 0,1%. Ce résultat contraste avec celui enregistré au premier trimestre de l’année 2011 où la croissance s’est située autour de 2,4%. Cette récession est encore plus marquée dans des pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Italie. L’impact des politiques d’austérité sur le chômage a été important et la moyenne du taux de chômage dans les pays de la zone Euro se situe autour de 11% avec des pics qui dépassent 20% en Grèce et en Espagne, 15% au Portugal et en Irlande et 8% au Danemark.

La détérioration de la situation économique dans la plupart des pays européens et le renforcement de la récession et du chômage ont été à l’origine d’une forte remise en cause des politiques d’austérité et d’un retour de la croissance au cœur du débat politique en Europe. Un retour qui a été bien accueilli outre-Atlantique où l’administration démocrate essayait de convaincre l’Europe depuis 2008 que la croissance est le plus grand allié du retour aux équilibres budgétaires. Pour les responsables américains la détérioration à court terme du déficit budgétaire ne devrait pas nous inquiéter dans la mesure où c’est la condition à une relance de la croissance et à une réduction à moyen terme des déficits. Barack Obama a saisi le dernier sommet du G8 pour rappeler ses convictions et appeler ses collègues à faire plus d’efforts pour relancer la croissance et l’emploi.

Ainsi, le débat global sur les politiques économiques a fait un grand pas et les politiques d’austérité apparaissent de plus en plus des choix d’arrière-garde. Un consensus encore plus marqué qu’il y a quelques mois est en train de se construire sur la nécessité de faire de la relance, de la croissance et de l’emploi le cœur des politiques économiques. Un débat qui n’est pas loin de rappeler les années 1930 et la formation progressive des politiques de sortie de crise. Mais, le débat sur la croissance globale ne doit pas occulter les aspects structurels de cette crise et la nécessité de mettre en place les réformes nécessaires afin de construire les conditions d’une relance durable.  

 

Par Hakim Ben Hammouda

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