L’austérité plutôt que la récession

Tandis que les députés de la nation sont plus préoccupés par l’amélioration de leurs rémunérations sans perdre de vue les dissensions politico-politiennes, le pays s’enfonce lentement mais surement dans la récession économique avec son corollaire de détresse sociale.

En effet malgré leur densité, leur diversité et l’engouement qu’ils suscitent auprès de toutes les couches sociales, les festivals de l’été ont provoqué des excès de dépenses : les lendemains des fêtes ont un goût amer.
De son côté le gouvernement, qui a certes marqué des points en matière de lutte anti-terroriste après avoir commis des défaillances qui ont engendré deux attentats catastrophiques et par suite provoqué la crise du tourisme, fait preuve de manque de fermeté, de tatonnements et hésite à mettre en œuvre les réformes structurelles économiques et financière qui s’imposent pour relancer de façon cohérente la machine économique.
Il semble que le gouvernement n’a pas le cran nécessaire pour concevoir et mettre en place un programme mobilisateur de grands projets de développement.
À l’exception, il faut le dire de la réforme des banques publiques qui se met péniblement et lentement en place. En effet il a toujours cédé devant les revendications salariales et sociales de toutes les catégories de fonctionnaires sous la pression de l’UGTT.
Il a été incapable de proposer à l’ARP un code d’incitation aux investissements susceptible de motiver les promoteurs tunisiens et de rassurer les investisseurs étrangers inquiets à propos de l’instabilité politique et sécuritaire mais aussi dérangés par la versatilité de la législation fiscale.
Près de huit mois après son intronisation, le gouvernement n’a pas encore proposé un schéma de développement pour le pays.
Le plan de développement quinquennal 2016-2020 promis en est encore à la phase d’orientation.
Ce qui fait que l’ARP risque d’adopter le Budget 2016 sans tenir compte des projets inclus dans le plan de développement.
La réforme fiscale, pourtant jugée urgente et légitime, prête depuis deux ans n’a pas été mise en œuvre car elle lèse les intérêts d’une clientèle électorale jugée précieuse dans la perspective des futures élections municipales et régionales.
Il a fallu six mois pour résoudre provisoirement la crise du bassin phosphatier de Gafsa, ce qui n’est pas considéré comme une performance à mettre à l’actif du gouvernement.
Aucune tentative efficace de maîtrise du flot dévastateur des importations qui portent aussi bien sur le nécessaire que sur le futile et l’inutile, à savoir les produits de luxe.
Pas de mesures draconiennes pour lutter contre la contrebande et le commerce parallèle qui ruinent le tissu économique formel.
Il y a toujours eu dans notre pays une ambition exacerbée de consommation et un goût inassouvi pour le luxe tapageur : l’Etat et l’Administration, les entreprises économiques mais aussi les ménages vivent au dessus de leurs moyens : logements fastueux, voitures luxueuses, fêtes et vacances coûteuses, surconsommation. Cela frisait le supportable lorsqu’il y avait un taux moyen de croissance du PIB, de l’ordre de 5,5% sur le long terme avant le 14 janvier 2011, mais il devient aujourd’hui impossible à assurer alors que nous entrons de plain-pied dans la récession. Le train de vie tapageur engendre un surendettement impossible à assumer dans une conjoncture de récession.
Une stratégie d’austérité s’impose de toute urgence avec gel des salaires et des prix car elle a trop tardé, pour mettre un frein à la dérive nationale. Cette austérité doit être partagée par le gouvernement et l’Administration qui doivent donner l’exemple, les entreprises économiques et la population avec toutes ses catégories sociales de façon solidaire.
Parallèlement à cela les réformes structurelles doivent être rapidement mises en œuvre pour produire leurs premiers effets positifs dans deux ou trois ans.
La réforme fiscale peut et doit procurer des recettes conséquentes au profit du budget de l’Etat.
La paix sociale, partie intégrante de ce plan de redressement, implique que toutes les catégories socio-professionnelles mettent un frein à leurs revendications pendant quelques années en attendant le retour de la croissance.
Lorsque la communauté nationale n’a pas généré de « prospérité à partager », il faut se rendre à l’évidence : « il n’y a plus que la pauvreté à se répartir ».
Serrons-nous les coudes et la ceinture et mettons-nous tous sérieusement au travail pour générer de nouveau la prospérité.
A ce moment là il y aura de nouveau un « gâteau à partager » de façon égalitaire.

Réalités magazine 1550

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