L’autre guerre: Quelle fête pour la femme parmi ces nombreuses têtes si mal faites ?

En marge de la bataille sécuritaire, la violence abattue sur les femmes prospère encore de plus belle à l’ère postrévolutionnaire.

Une fois dégagé, le despote non éclairé, l’éthos théocratique, antiféministe à souhait, redouble de férocité. La chape de plomb soulevée par un peuple indigné laisse fuser le bon grain et l’ivraie. Depuis le 14 janvier la démultiplication des agressions, les touristes assassinés ou les soldats décapités occupent les devants de la scène mais cachent, bien peu, cette cuisine misogyne. D’où proviennent les ravages de cette anomalie sauvage ?
La surpopulation relative, la crise économique, la chienlit politique, le marasme culturel et l’insécurisation clignent tous à la fois, vers une dramaturgie plus approfondie.
Ce quarteron de phénomènes sociaux baigne dans la dissolution du sens éthique au moins tout au long des trois dernières générations. Elles ne sont pas d’essence ou de nature différente mais elles réagissent, à leur façon, devant la dégradation de la situation.
Une relation à double sens unit les conduites morales aux conditions matérielles.
Surtout pour la catégorie chômeuse et acculée à la déviance frauduleuse, l’impératif de la subsistance inculque les dispositions subjectives où l’absence de norme occupe l’espace évacué par la norme. L’autre n’est plus le réceptacle de l’indifférence, il brille par sa pure et simple absence. A l’étage des relations humaines, devenues inhumaines, cette conception du monde social dresse un écran séparateur des classes d’âge.
Pour le gamin, son chemin va de soi, pour l’aîné rien n’est plus régulé. Quand l’ennui procure la seule compagnie avec la poche vide et le visage livide alors tout devient permis. L’idée fixe, obsessionnelle, jusqu’au vertige, gravite au cœur d’une même interrogation.
Comment soutirer l’argent des gens ? Ce genre de souci permanent induit le télescopage de la politique masculine avec la contre-stratégie féminine.

L’alliance pour la survivance
A 17 ans, K venu de cité Ettahrir, va l’après-midi, au café « la Rosa » où il excelle dans l’art de repérer une alliée. Avec amabilité il aborde la jeune fille solitaire et lui tient ce langage dénué de bavardage : « j’ai l’adresse de monsieur N et le numéro de son portable. C’est un riche médecin et il vit seul. Si tu es d’accord, après nous partageons ».
L’initiée à la vie telle qu’elle est n’a besoin d’aucun dessin pour aller cueillir les cerises de la terre promise.
Le partage organisé entre les désargentés met à contribution le pécule accumulé par les fortunés plus âgés. Dans ce cas de figure, le troc imposé à la gamine soumet l’indigence à l’opulence.
Par ce biais, l’apprentissage de la prostitution et du proxénétisme a partie liée avec la pauvreté.
A l’échelle de l’espace habité, la juxtaposition de zones périphériques et de quartier, huppés donne à voir la projection, sur le sol, de l’inégalité.
Cela sans aller jusqu’aux régions marginalisées.

Mariage pour le mariage
Mais le tort infligé à la féminité emprunte mille et une autres voies fréquentées par les profils plus ou moins émancipés.
Encore vives et actives les vieilles catégories de pensée ne cessent de récidiver. Le 9 août H. A. hydraulicien et souvent mon coéquipier vient me remettre l’invitation à son mariage fixé pour la fin du mois du côté de Zarzis.
Entre autres souvenirs et avis, l’ami me dit ceci : « Pour le choix de ma future femme j’ai posé à ma communauté quatre conditions. D’abord elle doit être du Sud. Ensuite je ne peux pas m’entendre avec elle si elle n’est pas pratiquante. Je demande aussi un bon niveau universitaire. Et elle doit être belle ».
Au vu de pareille représentation de la relation voulue, la correspondance au canevas précède, anticipe et conditionne le contrat.
Pour l’autre manière de voir, tout commence avec l’échange des regards ici, à Tokyo, à Bombay, à Pékin ou à Paris, Ainsi débute la modernité ouverte sur l’universalité là où finit l’ancienne société.
Dans les années soixante dix, Hamma Chatouane, patriarche à la Ksiba de Bizerte me disait : « Voir la photographie de la future mariée avant la nuit des noces est malsain ». De ce hijeb symbolique, le djihad sexuel et l’excision rituelle ne sont guère bien lointains. Pourtant et à chaque seconde paraît la position de l’homme assis entre deux mondes. La violence imposée aux femmes, ravage l’Orient et l’Occident.
Elle opère de manière furieuse ou insidieuse. L’injure ou les blessures colonisent le champ visible mais le drame bruisse, déjà, au niveau des subjectivités coincées entre le code et le codifié, le contrat et le contenu vivant de la relation. Les deux conceptions des alliances matrimoniales dont il fut question, l’une coutumière et l’autre novatrice, appartiennent à deux systèmes culturels incommensurables. Mais la mondialisation rend leur confrontation incontournable.

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