En matière de phosphates, nous avons perdu un temps très précieux et des opportunités dorénavant introuvables. Et pour cause, la crise du Bassin minier de Gafsa ayant éclaté, si l’on peut dire, au mouvais moment, lorsque le prix de la tonne de phosphate marchand se négociait autour de 110 dollars sur le marché mondial. Une manne ! Malheureusement pour nous, le dénouement, on l’espère du moins, intervient lorsque le prix s’est effondré à 60 dollars la tonne.
Mais c’est encore très rentable si ce n’était la lourdeur des charges. Entre-temps, le Groupe chimique et la TIFERT, filiale commune créée avec un partenaire illustre et d’avenir, l’Inde, ont payé les pots cassés : production qui oscille entre 30 et 50% de la capacité installée, interruptions des approvisionnements en phosphates, perturbations sociales et techniques multiples.
Tout cela se solde par des manques à gagner et des déficits financiers mais aussi des pertes durables en termes de clientèle et d’image.
En outre, le STPP, fabriqué par ALKIMIA, une filiale du groupe, à partir des phosphates et matières premières essentielles des industriels du détergent, a été dépassé par la technologie avec la découverte d’un substitut moins coûteux et tout aussi efficace. D’où la perte pour les produits chimiques issus de la transformation des phosphates : c’est ainsi que Henkel ne s’approvisionne plus chez ALKIMIA mais importe pour ses usines de Sfax la matière première nécessaire pour fabriquer ses fameux détergents.
Parallèlement à cela, la compétitivité de la CPG (y compris le Groupe chimique), n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était en 2010, outre le cumul des déficits financiers : passer de 8000 salariés en 2010 à 28.000 en 2017 avec des perspectives de recrutement de 7000 autres promis par le gouvernement, ce n’est pas de la bonne gouvernance enseignée dans les grandes écoles.
On croit marcher sur la tête : c’est la faute des hommes politiques irresponsables, alors que la production s’est effondrée de 50% entre-temps et que les outils de production, engins de carrière, laveries, matériel de transport, usines de transformation, faute de maintenance appropriée et de rénovation, se sont dégradés, ont vieilli et sont même devenus obsolètes au bout de sept ans.
Ça, c’est le passé sur lequel il faudrait tirer un trait. Pensons maintenant à l’avenir et voyons comment on peut relancer l’exploitation optimale de ce précieux minerai à Gafsa et ailleurs, pour créer de la prospérité et procurer des emplois aux jeunes.
Il convient tout d’abord de calmer les esprits et de réconcilier les protestataires avec les disponibilités de la CPG en matière d’emploi et de recrutement tout en respectant le droit d’accéder aux lieux de travail.
L’Etat doit bien sûr tenir ses engagements en ce qui concerne la mise en place de nouveaux projets ainsi que le financement de petits projets de développement promus par les jeunes de la région. Un gros effort doit être fait par l’Etat pour attirer les investisseurs privés, ce qui va améliorer le marché de l’emploi dans la région.
Il est indispensable de mettre au travail les sociétés dites de protection de l’environnement avec définition de programmes de travail et d’objectifs à atteindre.
Il faut se rendre à l’évidence, il y a un grand avenir pour les phosphates à Gafsa malgré tout. En effet, les réserves de phosphates dans le Bassin minier de Gafsa sont évaluées par les ingénieurs géologues à 1,7 milliard de tonnes : il y a donc de quoi exploiter durant des siècles le précieux produit. Seules comptent la capacité d’exploitation de la compagnie et bien sûr la capacité d’absorption du marché national et ce que nous laissent vendre des concurrents plus habiles que nous sur le marché mondial.
La CPG ne peut supporter à elle seule les flux incessants des protestations sociales et des revendications de recrutement de la part de tous les jeunes de la région, ce qui empêche le processus de production et de transport de ses produits d’aboutir.
C’est le gouvernement qui doit assumer la responsabilité de la promotion du développement de la région, même si la CPG a le devoir d’y contribuer financièrement.
Son rôle consiste à mieux s’organiser, se concentrer sur son cœur de métier et atteindre une production de 20 millions de tonnes à l’horizon 2030.
Pour cela, il faut investir dans des outils de production plus performants, construire de nouvelles laveries et surtout approvisionner régulièrement les usines qui transforment le phosphate en produits chimiques car il y a un grand avenir dans les phosphates à Gafsa, mais aussi ailleurs en Tunisie.
Il y a des phosphates du côté de Tozeur où le gisement découvert recèle des réserves de l’ordre de 500 millions de tonnes. De quoi rentabiliser les investissements lourds durant des décennies.
Du côté du Kef, à Sra Ouertane, les réserves du gisement sont évaluées à 2,5 milliards de tonnes.
A Meknassi où le gisement est de 20 MT, les infrastructures et les investissements se mettent en place et l’exploitation commencera en 2019-2020.
De son côté, la SNCFT a passé commande pour des centaines de wagons et des dizaines de locomotives spécialisées dans le transport des phosphates pour assurer une qualité de service.
Plusieurs enseignements doivent être tirés de la crise qui secoue le Bassin minier depuis sept ans. Il ne s’agit pas de reprendre les mêmes données pour refaire les mêmes erreurs ailleurs.
Avant tout, il faut respecter l’environnement et mettre en place des infrastructures fiables et des équipements appropriés pour ne pas polluer le sol, les eaux souterraines et l’atmosphère et par là même, rendre toute activité agricole et toute vie saine impossibles, comme c’est le cas dans le Golfe de Gabès et le Bassin minier de Gafsa.
Ensuite, l’Etat doit investir 20% des revenus du phosphate dans le développement de la région avec création d’emplois et instaurer les conditions de la discrimination positive en accordant aux investisseurs privés des avantages particuliers. Mais aussi, il ne doit pas négliger les équipements socio-collectifs comme l’éducation, la santé et la culture.
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