Ceux qui sont morts au musée du Bardo sont autant victimes du terrorisme que d’une accumulation ahurissante de dysfonctionnements et de négligences à tous les niveaux. Je suis persuadé qu’avec un minimum de conscience et de sérieux professionnels, il aurait été possible d’éviter une catastrophe dont la facture n’est pas prête d’être payée. Quand on sait que, depuis plus deux années, notre pays est sous une menace terroriste qui a emporté la vie de dizaines de soldats et de policiers, on ne s’imagine pas, un seul instant, que l’on puisse entrer dans le plus important musée du pays comme dans un moulin. Comment se fait-il que la sécurité d’un site aussi sensible soit moins bien assurée que celle de complexes commerciaux tels que le Zéphyr ou Carrefour ? Pas de portique détecteur de métaux, pas de vigiles, pas de policiers en faction au moment de l’attentat, en somme, une invitation à tous les terroristes du pays pour accourir y exercer leurs talents. Fallait-il que les responsables sécuritaires soient des génies ou de grands manitous pour ne pas saisir qu’un lieu, comme le musée du Bardo, fréquenté annuellement par des centaines de milliers de touristes est une cible potentielle ? A quoi bon être doté d’une direction de la sécurité touristique si l’on n’est pas capable d’avoir la moindre capacité de prévention et d’anticipation. A quelle occupation récréative s’adonne les centaines de cadres de cette direction et combien coûtent-t-ils aux contribuables pour se la couler douce ? Face à ce déferlement d’incompétence, le Chef du gouvernement a commencé à réagir en limogeant des cadres du ministère de l’Intérieur. C’est un bon début mais on attend davantage et notamment que des poursuites judiciaires soient engagées par le Parquet contre tous les responsables de ce fiasco sécuritaire affligeant. Toutes les familles brisées par cette conjuration de l’incompétence doivent être assurées que justice sera faite et que tous ceux qui ont manqué à leurs obligations seront sévèrement punis. Si un pont dont la réalisation s’est faite sous la supervision du ministère de l’Equipement s’effondre et tue des dizaines d’automobilistes personne ne trouverait choquant que des cadres dudit ministère soient poursuivis pénalement. Il n’y aucune espèce de raison que ce principe de responsabilité ne s’applique pas aux cadres du ministère de l’Intérieur. A cet égard, j’espère que les syndicats des forces de l’ordre ne chercheront pas -cette fois-ci- à entraver le cours de la Justice et nous épargnerons leurs jérémiades corporatistes. Un certain sens de l’équité nous amène à penser que les forces de l’ordre ne sont pas les casino online seules à blâmer dans cette tragédie nationale. Que je sache, le musée du Bardo est pourvu d’un directeur et de nombreux cadres. Ne leur est-il jamais venu à l’esprit que la sécurité de leur établissement laisse à désirer ? Ont-ils sollicité, par écrit ou verbalement, de leur tutelle et du ministère de l’Intérieur un renforcement des mesures de sécurité des biens et des personnes dont ils ont la charge ? Si tel n’était pas le cas, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne rendent pas compte de leur impéritie et de leur négligence au même titre que les responsables sécuritaires. J’ai la faiblesse de croire que la « Nakba » du Bardo est révélatrice de l’état de délabrement de notre administration publique et du manque de motivation de la pléthore de fonctionnaires que nos impôts nourrissent. La crise de l’autorité et la disparition de la notion de hiérarchie consécutives à la farce révolutionnaire n’ont fait qu’accentuer cet état de délitement général. Mettre un terme au laisser-aller général et remettre un tant soit peu d’ordre dans ce désordre ne seront pas chose aisée surtout si l’on persiste à sacrifier au populisme et à se plier aux caprices des syndicats. Qu’on se le dise : les terroristes ne reculeront pas devant quelques grandes manifestations citoyennes mais devant un Etat fort qui ne tolère de ses cadres ni une désinvolture coupable ni une légèreté criminelle.
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