Parmi tous les « nouveaux » tourismes qui nous sont proposés, comment se fait-il qu’un circuit de nos Grandes Mosquées n’ait jamais été présenté ? Pourtant en Europe, les cathédrales de Paris, Chartres, Reims ou Strasbourg, la « Sainte Chapelle » à Paris, sont des hauts lieux du tourisme international.
Nous sommes persuadés que nos Grandes Mosquées sont, au moins, aussi intéressantes pour nos amis étrangers et même pour nos enfants.
La mosquée Zitouna
Depuis la terrasse d’un marchand de tapis, entre autres choses, renommé, on la découvre, émergeant du damier des toits de la médina de Tunis.
Fondée en 732 par le Gouverneur omeyyade Oubeyd Allah Ibn El Habhab, elle a été entièrement reconstruite un siècle plus tard par les Aghlabides puis remaniée, restaurée et embellie sans cesse par la suite. Les Ottomans, notamment, ont fait construire une double galerie à sept arcs surélevés du côté Est. Ils ont aussi restauré la décoration de la salle de prière. L’architecte Ibn Ghalib a dirigé la construction du portique dominant le Souk El Fekka.
L’élégant minaret carré, orné de panneaux d’entrelacs losangés, de petites baies et de merlons, supporte un pyramidion et un lanternon. Il domine une magnifique coupole côtelée reposant sur un massif octogonal.
Après avoir traversé la vaste cour dallée, inondée de soleil, le visiteur pénètre dans la pénombre de ce lieu sacré qui invite au recueillement et à la dévotion : « Nous sommes tous les enfants d’Ibrahim ! ». La leçon d’architecture peut comprendre les arcs plein-cintres outrepassés reposant sur une véritable forêt de colonnes antiques par l’intermédiaire d’impostes décorées de motifs géométriques finement ciselés dans le stuc. Le mihrab est aussi décoré de très beaux motifs sculptés dans le plâtre.
On pourrait rester fort longtemps à Tunis et y admirer de très beaux monuments : la Mosquée El Ksar, celle de la Kasbah, celle de Sidi Mehrez, les mosquées ottomanes de Hammouda Pacha ou celle de Sidi Youssef.
La grande mosquée de Testour
L’arrivée des Andalous en Tunisie au XVIIe siècle a profondément marqué le Nord du pays. Testour, fondée sur le site de Tichilla antique, a été dotée par les Morisques d’une grande mosquée aussi somptueuse, avec sa toiture de tuiles « rondes », son minaret carré construit en moellons, encadrés de chaînages de briques – de Testour ! – que curieuse avec son cadran solaire, son horloge aux chiffres « inversés », la décoration de son mihrab s’ouvrant par un arc plein-cintre surmonté d’un fronton triangulaire supportant des acrotères en forme d’obélisques ! Tout ici rappelle la renaissance espagnole ! Laissons les nombreuses autres mosquées de Testour : il y en avait cent à une époque et allons plus loin vers le centre géographique et spirituel du pays.
La grande mosquée
de Kairouan
Elle est considérée comme le plus ancien et le plus prestigieux sanctuaire de l’Occident musulman. Elle a servi de modèle à la plupart des mosquées du pays jusqu’à l’arrivée des Ottomans.
Le premier oratoire a été fondé en 670 par Oqba Ibn Nafaâ, avant la chute de Carthage byzantine. Il a été complètement rénové en 703 par Hassen Ibn Nooman. Puis, la mosquée a été agrandie et rénovée. Mais son aspect actuel date du prince aghlabide Ziyadat Allah Ier qui l’a fait reconstruire complètement en 836. Elle a toujours été au centre des soins des dirigeants tunisiens.
On y resterait des journées. L’immense cour ceinte de galeries qui offrent une suite d’arcs plein-cintres outrepassés soutenus par des colonnes et des chapiteaux antiques est remarquable. Qui ne s’est pas arrêté pour admirer les sculptures des magnifiques portes en bois ? Qui, en se retournant, n’a pas admiré et photographié le majestueux minaret à trois étages superposés ? Qui ne s’est pas immobilisé dès les premiers pas, pétrifié par la majesté de la salle de prière de tradition omeyyade et qui s’inspire de la Mosquée du Prophète à Médine : 17 nefs en 8 travées !
Allez lentement observer les carreaux qui ornent le mur du mihrab. Certains, suivant l’angle de vue et la direction de la lumière, offrent des couleurs et des dessins différents ! Le minbar est un joyau de l’art ifriquiyen. Nous devons continuer.
La grande mosquée de Sousse
Située dans le bas de la médina, près du port, proche du ribat, la Grande Mosquée de Sousse faisait certainement partie des monuments défensifs de la ville.
Fondée peut-être en 851, par l’émir aghlabide Abou Abbas Mohamed, ses murs de pierres de taille couronnés de merlons et cantonnés aux angles Est par deux grosses tours rondes lui donne l’allure d’une forteresse.
Son minaret, court et massif, à l’angle Nord-Est, trahit une mission militaire, originelle. La cour est bordée de portiques voûtés, reposant sur des piliers trapus. Certaines travées de la salle de prière, les premières, datent de l’époque aghlabide. Celles du fond, couvertes de voûtes d’arêtes, ont été ajoutées au Xe siècle.
Tant pis pour le programme mais on ne peut pas ne pas traverser la place et ne pas aller voir Ksar Ribat, l’un des plus vénérables monuments de l’Islam maghrébin.
La grande mosquée de Mahdia
Austère mais élégante avec ses hauts murs nus de grès blanc. Elle a été construite par les fatimides en 921. Le sanctuaire, intégré dans les défenses de la ville a subi de graves dommages lors de l’évacuation de la cité par les espagnols en 1555.
Le porche monumental, très élégant, malgré la sobriété de sa décoration était, paraît-il, réservé aux entrées et aux sorties du « Mahdi ». La salle de prière primitive a été agrandie. L’importance de la nef axiale n’est marquée que par la coupole précédant le mihrab. Cet agencement est une originalité fatimide. Il y a trois « mihrab » : deux flanquant l’entrée de la salle de prière et une niche creusée dans le mur occidental qui semble dater des Normands. Le Grand Mihrab du Xe siècle est un demi cylindre orné de cannelures coiffées de coquilles supportant une demi coupole côtelée. Des tours abritant des citernes sont construites aux extrémités Est et Ouest de la cour bordée de galeries supportées par des colonnes de marbre.
La grande mosquée de Sfax
De Mahdia, la promenade, le long du littoral, nous mène à Sfax. Située au cœur de la médina, à proximité des souks.
C’est son magnifique minaret, composé de trois tours superposées, ornées de superbes sculptures, qui permet de la repérer dans l’enchevêtrement des rues étroites de la vieille ville encore enserrée dans ses remparts ocres datant du Xe siècle.
Elle a été fondée en 859 par le Cadi Ali Ben Salem El Jebeniani mais reconstruite à l’époque fatimide (Xe-XIe siècles) et remaniée à l’époque ottomane.
Sur la façade orientale une corniche à modillons borde et relie des portes à arcatures. Son privilège culturel – la prière communautaire du vendredi s’y déroulait ! – son ancienneté, sa remarquable situation, sa valeur architecturale et ses fonctions socio-éducatives lui ont valu la vénération pérenne des sfaxiens.
La Tunisie a tant de choses à raconter, tant de sites, de monuments à faire admirer qu’il nous arrive de trouver qu’il y en a trop.