Dans le cadre de la 4ᵉ édition des Rencontres du théâtre amateur organisée, entre le 9 et le 14 janvier 2024, par le Théâtre de l’Opéra à la cité de la culture à Tunis s’est produite le dimanche 14 janvier la représentation de la pièce Le Cœur Hanté du réalisateur Walid Ayadi. La pièce comporte une douzaine de comédiens qui sont, respectivement, Boulbaba Hedili, Syrine Ben Yahia, Fatma Sfar, Amina Bdiri, Skander Brahem, Taher Mindili, Souhir Miziou, Lamine Hamzaoui, Salima Ayari, Hela Ben Salah, Khaoula Dali et Sofien Bouajila. Dans la pièce, il y a deux familles meublant un environnement miséreux, la famille de Mohsen et la famille de Moncef. Ces deux familles voisines et jumelées sont polarisées, elles s’opposent et se disputent un espace marginalisé dans un quartier populaire de l’endroit le plus peuplé de la contrée dénommé Hoshassia (nom inventé par le metteur en scène Walid Ayadi). Chacune des deux familles présente un candidat aux élections. Les deux vivent dans la pauvreté, l’exiguïté et l’indigence dans un territoire écrasé par les escaliers. Les deux choses qui restent à ces deux micros sociétés sont la promiscuité, c’est-à-dire la reproduction, et l’humour pour exprimer l’absurdité de leur vie et de leur avenir dépourvu de sens. La pièce raconte le poids du quotidien avec humour et légèreté sur un fond d’élections à la magistrature suprême. Dans cette pièce, l’originalité, c’est surtout dans le grand jeu des acteurs et l’esprit d’équipe dans cette performance artistique qui exprime avec rire la tragédie d’une génération sacrifiée.
Un ange prenant pour demeure le toit du jumelage
Embarbouillés par leurs querelles quotidiennes au rythme des excitations journalières, les membres de chaque famille commencent à rencontrer un djinn, en réalité, c’est un ange-gardien. Cet ange vient pour découvrir la misère humaine sur terre et l’environnement irrespirable dans lequel ils vivent désormais. L’ange, joué par la comédienne Amina Bdiri, attiré par le bruit et par l’absence de l’ordre, commence à oublier son origine et s’imprègne de la façon de parler des humains et apprend leurs sauts d’humeur ainsi que leurs vannes et frivolité. En effet, elle adore leur tendance à vivre sans aucune discipline constructive. Peu à peu, l’ange tisse donc des liens et reçoit même des invitations intimes de la part des hommes des deux membres de la famille. Du coup, les femmes deviennent jalouses de cet ange qui vient leur piquer leurs bonhommes. Elles décident donc de le virer de leur univers.
Cet univers est principalement marqué par la routine et la présence de la télévision avec sa culture de masse, à savoir celle des feuilletons turcs, syriens et égyptiens. Entre-temps, les élections approchent, la famille du candidat Mohsen rivalise avec la famille du candidat Moncef. Au final, c’est Moncef qui gagne surtout parce qu’il n’a pas de programme. L’ange s’accroche plus que jamais à cet environnement chaotique, car malgré tout c’est un milieu vivant respirant la vie et le bonheur, même si l’argent manque. La pièce se termine par une fête et un happy-end. À vrai dire, la pièce est un vaudeville fondé sur une comédie légère et des accents rappelant l’âge d’or du comédien Lamine Nahdi dans les années 90. Toutefois, c’est un humour plus recherché cette fois-ci et le texte de la pièce est vraiment bien ficelé du metteur en scène Walid Ayadi. Ce dernier s’inscrit bel et bien dans la ligne artistique de l’espace El Teatro ; le producteur de cette œuvre complètement respectable et à voir absolument. En effet, elle critique de façon très intelligente le populisme ambiant et la folie qui devient la normalité.
Mohamed Ali Elhaou