Le débat national sur la transition énergétique mené depuis juin 2013 par Mehdi Jomâa et Nidhal Ouerfelli, à l’époque ministre de l’Industrie et secrétaire d’État chargé de l’énergie et des mines, s’est achevé récemment. Le conseil national a remis au gouvernement de Mehdi Jomâa huit recommandations sur dix sujets évoqués. Par contre, le rapport ne mentionne pas le sort réservé à ces recommandations.
Rappelons que la finalité de ce débat national est d’instaurer une stratégie énergétique à l’horizon de 2030 date à laquelle nous devrions réaliser l’autosuffisance d’énergie et garantir l’approvisionnement du pays en ressources énergétiques. La Tunisie devrait satisfaire une demande croissante en énergie, notamment l’électricité dont le taux de croissance annuel est estimé à 7%. En 2013, la Tunisie a enregistré un déficit structurel au niveau de la balance énergétique, de 1,9 million de TEP, soit plus de 20%.
L’indépendance énergétique du pays a régressé en 2012 pour se situer à 80% contre 87% en 2011. Il y a un déclin naturel des gisements du pays. Donc nous importons 60% de notre consommation en énergie. Cette énergie coûte 20% du budget de l’État, soit 5.200 millions de dinars. Vingt-sept rencontres-débats ont été organisées avec 2.000 experts, représentants des entreprises publiques, des universitaires, des représentants du ministère, des représentants de la société civile et des représentants des institutions professionnelles (UGTT, UTICA..). Sur les 150 questions posées et les 550 propositions, 50% concernent les énergies alternatives et l’efficacité énergétique. Quelles sont les marges de manœuvre de la Tunisie en termes d’énergies ? Rationalisation de la consommation de l’énergie, l’énergie renouvelable et l’énergie non conventionnelle.
La rationalisation de la consommation
Selon les experts, la grande marge de manœuvre se trouve dans l’efficacité de l’énergie et dans l’économie de l’énergie. L’intensité énergétique est l’indicateur qui peut mesurer la performance d’un pays. Plus l’intensité est faible plus l’économie énergétique d’un tel pays est efficace et performante. Selon le ministère de l’Industrie et de l’énergie, sur 20 ans en Tunisie l’intensité énergétique a baissé de 25%. La Tunisie a le choix entre deux scénarii. Elle devra choisir entre la politique actuelle avec 19 Mtep de demande en énergie en 2030 ou la politique volontariste qui abaissera la demande à 12,5 Mtep, soit 34% de moins. Pour cela, un plan d’action a été mis en place par le ministère, il concernera les secteurs les plus énergivores à savoir le transport, l’industrie et le bâtiment. Ce programme va permettre à la Tunisie d’arriver à 16 milliards de dinars d’importations évitées, à 8 milliards de dinars de subventions évitées et à une réduction d’émission de GES de 44Mtep. Pour y parvenir il faut, restructurer les ressources, régulariser l’efficacité énergétique et l’intégration de la dimension sociale. Investir dans l’homme énergie est une priorité pour inculquer les connaissances dans l’énergie. L’ANME a d’ailleurs formé 300 hommes-énergie. Selon le rapport du dialogue national, les participants ont proposé d’intensifier les campagnes de sensibilisation pour la maîtrise de la consommation énergétique, réaffirmer la nécessité de maîtriser la consommation énergétique des bâtiments administratifs (ministères, offices publics, entreprises) et revoir l’utilisation des véhicules administratifs, les avantages accordés aux responsables en bons de carburant, et imposer un meilleur suivi de la consommation des produits pétroliers dans le transport public. Par contre, aucune recommandation n’a été conclue dans ce rapport.
L’énergie renouvelable
L’objectif de l’Agence nationale de la maîtrise d’énergie (ANME) est de produire plus de 30% de l’électricité à partir des énergies renouvelables à l’horizon 2030. Les investissements sont plus étrangers que locaux, car cette industrie demande des investissements énormes. 43% du fonds de l’énergie est consacré aux énergies renouvelables, notamment photovoltaïques. Le dialogue national sur l’énergie recommande la mise en place de partenariats entre les associations de développement et l’ANME dans les domaines d’efficacité énergétique et des énergies alternatives afin d’entamer la transition énergétique. Parmi les recommandations un projet de loi sur les énergies renouvelables, sans aucune précision. Il faut rappeler qu’il existe actuellement un projet de loi qui attend l’adoption de l’ANC. Il s’agit de produire et de commercialiser de l’électricité à travers les particuliers par le biais des énergies renouvelables soit le vent, le soleil ou les déchets. Le projet a mis en place des incitations pour investir dans de tels projets.
Le gaz de schiste
Le gaz de schiste, l’une des raisons de ce débat national sur l’énergie, figurait parmi les dossiers brûlants, notamment dans les régions concernées à savoir Kairouan, Monastir et le sud. Mais le rapport du ministère sur ce même dialogue dit le contraire. Selon ce rapport, les participants ont recommandé d’évaluer les réserves nationales en gaz de schiste et de préparer les études d’impact environnemental, d’arriver à un consensus sur une stratégie nationale concernant l’exploitation (ou non-exploitation) du gaz de schiste, dans le cadre d’un dialogue national sérieux. Les participants ont demandé de faire une étude sur la rentabilité économique du gaz de schiste en tenant compte du cycle d’utilisation de l’eau et de la préservation de l’environnement. Ce qui repousse encore la prise de décision. Pourquoi ne pas s’appuyer sur des études déjà réalisées ?
N.J
Ce qui reste des recommandations
Étude prospective et comparative des différentes sources d’énergie-fossile pour le futur mix énergétique
Révision du code des hydrocarbures
Étude de faisabilité pour l’utilisation du charbon et du GNL
Interconnexion électrique avec l’Europe
Restructuration du système d’importation des hydrocarbures et produits pétroliersÉlaboration d’un projet de loi d’orientation pour la politique énergétique du pays pour l’horizon 2030