Le développement régional, mythe ou réalité ?

La multiplication des mouvements de protestation dans les régions du Sud et de l’extrême Sud qui ont engendré des affrontements dramatiques entre manifestants et forces de l’ordre traduisent certes l’instrumentalisation politique par certains partis de l’opposition de la détresse des sans-emploi, mais aussi l’immobilisme, le déficit d’action et le manque d’initiative de la part des pouvoirs publics en matière de création d’emplois et d’impulsion du développement dans les régions déshéritées. A l’évidence, la revendication majeure de la Révolution : “des emplois et du développement dans les régions” a été oubliée.
Il suffit de constater que le projet d’implantation d’une zone franche dans la région de Ben Guerdane dont l’étude est prête depuis quatre ans avec un coût d’investissement modeste à la charge des pouvoirs publics et des ambitions certaines d’animation de la vie économique, de réduction de la contrebande et de la création d’emplois dans la région, n’a pas avancé d’un iota depuis deux ans.
Alors que le terrain est disponible, car appartenant à l’Etat.
L’Administration et les politiques sont peu motivés pour voler au secours des régions pauvres : il y a donc une passivité coupable à la faveur d’une responsabilité diffuse entre les uns et les autres sous le sceau de l’instabilité des gouvernements.
L’impulsion du développement régional implique plusieurs préalables qui ne sont pas encore réunis aujourd’hui.
D’abord, un nouveau découpage économique des régions avec instauration de distincts : 5 ou 6 pour toute la République, regroupant selon les cas 3 à 5 gouvernorats, chacun sur la base du voisinage et de la complémentarité avec accès à la mer pour chaque district. Le but consiste à concevoir des projets de développement, consentir des investissements et leur ménager des conditions de succès. Pour y parvenir, il est indispensable de disposer d’un cadre et d’une entité viable sur le plan économique faite d’une superficie territoriale, minimale, d’atouts naturels, d’une population optimale de potentialités de croissance et de ressources économiques existantes.
Mais aussi une armature urbaine suffisante pour véhiculer le progrès, d’infrastructures de base, de cadres et de compétences humaines qui revendiquent la promotion de leur district sur tous les plans et s’approprient le processus de développement tout en s’identifiant à lui.
Il faut pour chaque district, que les milliers de personnes qui ont décidé de s’installer sur place avec leurs familles pour la vie, revendiquent et assument l’avenir de leur région et donc s’impliquent dans le processus de développement de la région, oit en créant des entreprises économiques, ou en assurant des fonctions de cadres administratifs régionaux, soit encore en endossant des fonctions électives destinées à porter à bout de bras la promotion de la région.
Ce n’est pas suffisant que la Constitution ait adopté le système de la décentralisation du pouvoir dans les régions, encore faut-il y ait une loi pour octroyer aux assemblées régionales élues leur autonomie administrative et financière avec la délimitation de leurs compétences dans tous les domaines : éducation, santé publique, infrastructures de base, fiscalité régionale, gestion des ressources naturelles, promotion de projets économiques.
Ces assemblées qui représentent le pouvoir législatif dans les districts ont besoin de sa structurer pour assurer l’exécution des projets et la gestion des administrations dans les régions.
Le développement régional implique des instruments de financement appropriés : fonds d’investissement, banques régionales, institutions de micro finance,…
Chaque district doit certes avoir son propre budget avec des ressources appropriées sur le plan de la fiscalité régionale, mais aussi bénéficier de subventions de la part du pouvoir central pour assumer ses propres charges financières.
Cependant, chaque district doit assumer son propre auto-développement fondé sur ses propres spécificités.
Il est essentiel qu’il y ait une volonté réelle et une détermination farouche de la part des pouvoirs publics centraux de développer les régions pour que des avancées réelles soient enregistrées dans ce domaine.
Cela ne semble pas encore évident à ce jour, six ans après le 14 janvier 2011, car aucun des sept gouvernements qui se sont succédé, n’a progressé dans la construction par exemple des corridors transversaux routiers destinés à désenclaver les régions intérieures de l’Ouest en assurant des liaisons rapides avec les zones littorales.
Nous sommes encore aux études et pas encore à la recherche de financements ou des appels d’offres.
Il y a lieu de remarquer que les avantages fiscaux et financiers prévus dans les décrets annexes du nouveau code de l’investissement au titre du développement régional ne sont pas suffisants pour créer le déclic dans la tête des investisseurs afin de les inciter à se déplacer et à prendre plusieurs risques autres que le risque économique.
Le discrimination positive admise par la Constitution au profit des régions intérieures mérite des incitations encore plus motivantes pour devenir une réalité concrète et produire des impacts tout à fait positifs et sensibles.
En tout état de cause, l’Etat doit donner l’exemple pour créer un effet d’entrainement auprès des investisseurs privés et s’engager dans la réalisation de grands projets dans les régions : engendrer la confiance.
Cependant, chaque district doit avoir sa propre stratégie de développement basée sur deux ou trois secteurs d’activité-phares ou pôles de croissance majeurs, inspirés par des ressources naturelles locales soit par des traditions ancestrales ou ses propres spécificités.
Il doit avoir sa propre vocation, faire sa propre promotion et sa communication à l’international, pour attirer les investisseurs extérieurs et susciter la coopération décentralisée avec d’autres régions dans le monde.

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