Le diktat ou le chaos

La crise de  l’enseignement secondaire qui a pris,  ces dernières semaines,  une grave tournure  par la faute d’un syndicat n’ayant pas trouvé mieux depuis trois ans que de troquer l’avenir des élèves contre  des augmentations salariales abusives pour ne pas dire  illégitimes, révèle le cercle vicieux dans lequel  le système d’enseignement public est devenu prisonnier.  Un système qui tourne le dos à toute réforme profonde, qu’exigent  sa mise à niveau et l’amélioration de ses performances,  et qui ne finit pas de donner des sueurs froides à des  milliers de Tunisiens  qui ont perdu leurs repères.  Tout en constatant les dégâts et la désaffection continue  de l’école publique,  les structures syndicales du secteur  se complaisent dans une fuite en avant assassine,  se laissant entraîner dans des actions douteuses qui pourraient détruire ce qui reste encore intact de cette institution, jadis fierté de la Tunisie et symbole vivant de son pari gagné sur ses ressources humaines.
En prenant chaque année les élèves comme otages de  leurs revendications,  si légitimes soient-elles, les enseignants  du secondaire et leur syndicat ont perdu tout crédit,  trahissant du coup  la noblesse de la mission qui leur est dévolue.  Quelle légitimité peuvent-ils avoir, quand ils utilisent chaque année le même stratagème, usant les nerfs des élèves et de leurs parents et mettant tout le pays devant un grand dilemme ? Quelle réponse  pourraient  trouver  leurs demandes quand,  à chaque coup, ils cherchent, non pas à entamer à travers leurs structures représentatives des négociations,  mais à imposer la politique du fait accompli, le diktat ou le chaos ?
Le Secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire qui a raté l’année dernière,  in extremis son coup, tente cette année de prendre sa revanche et de faire subir à tout le pays le supplice de son irresponsabilité, de sa maladive obstination et de son aveuglement.
Comment expliquer le revirement complice de l’UGTT dont  le bureau exécutif a exprimé au départ  son opposition aux dérives incontrôlables et répétées d’un responsable sectoriel  insoumis et incorrigible ?
Que comprendre  de l’attitude de la Centrale syndicale qui  ne se résout pas à afficher  une attitude claire, s’abstient à  mettre de l’ordre dans ses structures qui agissent dans l’anarchie la plus totale, en  cherchant  à pousser le gouvernement dans ses derniers retranchements après l’échec de ses négociations salariales dans la fonction publique ?
Au regard de la situation difficile que connaît le pays sur le plan économique, dont le corollaire n’est autre que la crise des finances publiques, la baisse de la productivité, le niveau alarmant des dettes  des entreprises publiques, outre le risque d’écroulement du système de sécurité sociale, l’on se demande comment  le pays  pourrait réparer par une baguette magique ce qui n’a pu être fait depuis plus de 50 ans.
Le silence complice de la société civile,  qui ne daigne pas affirmer,  haut et fort, sa réprobation de  ces pratiques suicidaires qui se situent aux antipodes des pratiques  syndicales, interloque. Elle prend des scrupules pour dénoncer de  mauvais marchandages  et  une instrumentalisation d’un secteur  sensible à des desseins peu avoués. Peut-on justifier l’injustifiable ou soutenir des mouvements qui conduisent à la perte de l’école publique et des valeurs qui l’ont fondée ? Dans le tumulte qui se poursuit, la voix de ceux qui dénoncent des pratiques qui souillent l’action syndicale reste inaudible, voire même trop discrète.
Le même sentiment se ressent au niveau de la réaction du  gouvernement. Ce dernier apparaît, encore une fois,  peu solidaire, dans la mesure où l’on a l’impression que cette crise oppose un syndicat va-t-en-guerre au ministre de l’Education,  lâché et laissé à son propre sort.
L’image qui domine, ne serait-ce qu’à travers les médias,  c’est qu’il assume seul une lourde responsabilité, qu’il fait face à une vindicte pour son refus d’accorder des augmentations salariales fantaisistes, alors que   ses collègues ne semblent pas être concernés par un  dossier qui met en avant la question épineuse des équilibres financiers du pays et le difficile arbitrage  entre ressources et leur affectation
Enfin, le président de la République observe un silence assourdissant,  comme si cette affaire ne constituait  pas une menace pour  la sécurité et la stabilité du pays dont il assume la charge. Depuis  un certain temps, on a également l’impression que le gardien de la Constitution trouve un malin plaisir dans la recrudescence des conflits sociaux et dans la pression  qui vient de toutes parts, subie par le gouvernement. Son désintérêt  pour  ce qui se passe actuellement dans le pays est curieusement contrebalancé par la multiplication des concertations qu’il est en train de faire avec les différents acteurs politiques, ce qui  laisse croire qu’il met en avant  son avenir politique  au détriment de toute autre chose ou  qu’il cherche à prendre sa revanche sur un Chef de gouvernement qui a osé lui tenir tête.

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