Le droit et la force de la loi

Il reste à peine deux semaines avant la tenue à Tunis de la conférence internationale sur l’investissement et l’atmosphère tendue est annonciatrice de tous les dangers. Le projet de loi de Finances 2017 continue d’alimenter les polémiques et les critiques, mais très peu d’appels à un dialogue serein et responsable se font entendre. Alors que tout le monde prétend connaitre les difficultés que rencontre le pays et les périls auxquels il est exposé, on préfère faire la fuite en avant et jeter toute la responsabilité sur le  gouvernement sommé de trouver des solutions, même si l’on convient que ces dernières ne peuvent être que le fruit du consensus et du compromis. Peut-on logiquement réclamer des augmentations salariales, quand les finances publiques sont à sec, que chaque mois le versement des salaires et des pensions de retraite est problématique et que le pays trouve toutes les peines du monde pour mobiliser des sources de financement extérieur pour son budget de 2017 ?
L’UGTT, ne l’entend pas de cette  oreille. Pour imposer sa loi, il retourne à la politique du bras de fer, tente de faire une démonstration de sa force dans les régions tout en brandissant l’arme de la grève générale.
Quand il s’agit d’augmentations salariales, la Centrale syndicale dont la date de son congrès pointe à l’horizon, n’entend céder d’aucun pouce, les difficultés du pays, il n’en a cure. C’est aux autres de payer, de faire le sacrifice, comme si pour sauver le pays, il ne fallait pas l’implication  de tous ?
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Chez nous, on ne finit pas de diaboliser les chefs d’entreprises et les hommes d’affaires et de les faire apparaître sous l’image de parias,  qui se nourrissent du sang et de la sueur de leurs employés, volent l’Etat et bafouent lois et règlement.
Même s’il faut reconnaître que dans chaque corps de métier ou corporation existe des brebis galeuses, il n’en demeure pas moins que dans notre société l’enrichissement, même s’il est légitime, est perçu négativement et « la propriété comme le vol » !
Alors qu’on ne finit pas de rechercher les voies et moyens pour stimuler l’investissement, créer des entreprises, encourager l’initiative, l’innovation et soutenir l’effort de création d’emploi, on continue de stigmatiser les entrepreneurs et de les prendre pour la source de tous les malheurs dont souffrent les Tunisiens.
On daigne oublier que sans  leurs efforts, leur propension à courir des risques  et leur esprit d’entreprise, il serait illusoire  de créer  de la richesse, de l’emploi ou  de soutenir le développement des régions.
Toute la question qui se pose actuellement à trait à la  schizophrénie qui commence à se diffuser dangereusement dans notre  société, qui se manifeste par une forte exigence en matière de développement, une phobie  du gain et de la réussite et une réclamation d’un plus grand retour de l’Etat dans la sphère productive. pris par une sorte de  myopie, certains semblent encore être prisonniers de modèles  qui ont été balayés par l’histoire  et qui tentent vaille que vaille les reproduire  en Tunisie plus de 27 ans après la chute du mur de Berlin.
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Face à l’incapacité manifeste qui habite la plupart de nos dirigeants politiques à conférer à la loi sa force et sa primauté, à donner à la vieille antienne qui consiste à restaurer le prestige de l’Etat et lui donner son vrai sens, on est parfois surpris agréablement par des personnes qui osent emprunter des chemins abruptes.  Parce qu’elles croient à des principes intangibles et sont résolues à donner à la notion de l’Etat de droit un contenu réel, ces personnes sortent des sentiers battus et prennent des risques pour que la construction de la jeune démocratie se poursuive et que ses bases ne restent pas éternellement fragiles.
On  voit, enfin, un responsable qui ose appliquer la loi, qui ne fait pas de calculs quand il s’agit de prendre des mesures impopulaires mais justifiées. Une personne qui n’a pas peur et assume pleinement les responsabilités qui lui sont confiées.
Des quartiers populaires aux quartiers huppés de Tunis, il a agi sans gants, sans parcimonie mais  avec courage. On parle du  gouverneur de Tunis,  Omar Mansour qui, dans un passé récent a administré  la preuve de sa compétence  à l’Ariana, et tel un homme libre, a surpris, suscité respect tout en devenant une cible privilégiée de certains barons de la contrebande et du commerce illicite dans la capitale.
Il a pris de grands risques  en s’attaquant frontalement à la gabegie qui règne à Tunis, dont les   rues commerçantes les plus célèbres  offrent,  depuis des années,  une image piteuse, investies par des commerçants à la sauvette  proposant une marchandise provenant de la contrebande et créant une sorte de fait accompli dans une ville qui semble être abandonnée à son triste sort.
Aujourd’hui, il va falloir sauver le soldat Omar Mansour qui a perturbé des intérêts occultes, montré les chemins du possible et réconcilié beaucoup de Tunisiens avec des principes qui se situent au cœur de tout Etat de droit et de toute construction démocratique pérenne.
Sous d’autres cieux, on déroule sous leurs pieds  le tapis rouge pour gagner leur confiance et on ne lésine sur aucun moyen pour les inciter à investir et à créer de la richesse.

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