Dès l’apparition d’une phase de stagflation, les économistes se retournent vers le moment Volcker et les politiques qu’il a mises en place pour faire face au danger inflationniste. Paul Volcker a été nommé à la tête de la Réserve fédérale par le Président Carter en 1979. Les Etats-Unis et l’économie mondiale en général connaissaient alors une importante stagflation que les politiques monétaires et budgétaires n’avaient pas réussi à juguler. Au moment de sa nomination, Volcker a décidé de mettre en place une politique monétaire radicale pour faire face à l’inflation et il a augmenté les taux directeurs de la Réserve fédérale de 19,5% à partir du début de l’année 1980.
Ce choix de politique monétaire a eu des effets majeurs sur l’économie américaine qui a connu deux périodes de récession lors de la première moitié de l’année 1980 et de juillet 1981 à novembre 1982. Cette récession a eu des effets importants sur le chômage avec des niveaux historiques qui ont atteint 10,8% et rappelé chez les Américains les années noires de la crise de 1929.
Mais cette politique radicale a permis à Volcker de faire face à l’inflation qui a connu une baisse marquée passant de 14,8% au mois de mai 1980 à 2,5% au mois de juillet 1983.
Depuis cette expérience, les économistes et les responsables en charge des politiques économiques se tournent vers le moment Volcker à chaque fois que l’inflation connaît des envolées brusques.
D’ailleurs, la plupart des banques centrales dans le monde ont entamé la sortie des politiques expansionnistes mises en place depuis 2008 et ont commencé à mettre en place des politiques plus restrictives. C’est la Réserve fédérale qui a entamé ce changement de cap avec une première augmentation de ses taux directeurs au mois de mars 2022 qui sera poursuivie de manière progressive. La Banque centrale européenne va suivre le même chemin et opérer la première augmentation de ses taux directeurs depuis 2011 au mois de juillet 2022. Elle met en place toutefois une politique de soutien aux pays les plus endettés de la zone, particulièrement l’Italie, pour éviter que cette hausse des taux et le resserrement de sa politique monétaire ne se traduisent par un défaut souverain.
Le changement de cap des politiques monétaires ne s’est pas limité aux pays développés, mais a constitué l’option suivie par la plupart des Banques centrales dans le monde. Le FMI a indiqué que 75 Banques centrales dans le monde ont opéré un relèvement de leurs taux d’intérêt directeurs. Cette augmentation a été plus marquée dans les pays en développement dans la mesure où l’inflation est plus forte et l’augmentation des taux d’intérêts dans les pays développés a été à l’origine d’une importante sortie de capitaux.
L’apparition de la stagflation a été à l’origine d’un changement de cap majeur dans les politiques monétaires avec la sortie des politiques monétaires expansionnistes et leur resserrement suite à un relèvement des taux d’intérêt. Mais, ce changement n’a pas pris un caractère radical comme c’était le cas lors du moment Volcker, il a été marqué par un grand réalisme et pragmatisme par le biais d’une augmentation progressive des taux.
En dépit de leur pragmatisme, ces choix de politique monétaire ont rencontré beaucoup de critique quant à leur capacité à faire face à ces tensions stagflationnistes. Beaucoup d’économistes et d’experts ont souligné que ce changement de cap ne participera pas à lutter contre l’inflation mondiale dans la mesure où les causes fondamentales se trouvent dans l’augmentation des prix des matière premières du fait de la guerre et de la montée des tensions mondiales. Les politiques de l’offre ont également contribué à ces tensions et à la montée de la stagflation. Dans cette perspective, les nouvelles politiques monétaires et le relèvement des taux directeurs des Banques centrales ne seront pas d’un grand secours dans la lutte contre l’inflation, mais pourraient même avoir des effets inverses du fait de leurs conséquences négatives sur l’investissement et par conséquent sur l’offre.
Il faut également mentionner les effets négatifs du durcissement des politiques monétaires sur l’endettement et particulièrement celle des pays en développement.
Par ailleurs, plusieurs études ont montré que le relèvement des taux d’intérêt a été à l’origine d’une importante sortie de capitaux des pays en développement en direction des pays développés qui ont dépassé en moyenne au cours du mois de juin 2022 la somme de 10 milliards de $ et qui représente la moyenne la plus élevée depuis 2015.
Les inquiétudes de ce changement des politiques monétaires ont également touché les marchés financiers et beaucoup d’analystes s’attendent à des turbulences plus marquées et à une instabilité forte sur les marchés internationaux.
Les tensions stagflationnistes ont ouvert une nouvelle ère d’inquiétudes et de peurs que les politiques de resserrement des choix monétaires ne font que renforcer.
22