Le retour a été annoncé en grande pompe à la mi-novembre, mais le projet vient de heurter un mur. La Haute Commission électorale libyenne a décidé mercredi de rejeter la candidature de Seif al-Islam Kadhafi en vue du scrutin présidentiel du 24 décembre prochain, et ce, en invoquant les accusations criminelles qui pèsent contre lui.
Le fils du dictateur déchu Mouammar Kadhafi espérait que ces élections, planifiées avec l’aide de l’ONU pour faire sortir le pays d’une décennie de chaos, lui permettraient de succéder à son père pour ramener l’unité dans un pays profondément divisé.
M. Kadhafi fait face à un mandat d’arrêt international délivré par la Cour pénale internationale (CPI), qui l’accuse de « crime contre l’humanité » pour sa participation active aux répressions conduites par le régime du colonel Kadhafi contre le Printemps libyen, en 2011.
Le nom du fils de l’ex-dictateur a été inscrit mercredi sur la liste des 25 candidats qui n’ont pas été retenus par la commission électorale du pays. L’instance qui encadre la tenue du prochain scrutin a indiqué que selon la loi électorale, tout candidat « ne doit pas avoir été condamné pour un crime déshonorant » et doit présenter un extrait de casier judiciaire vierge. Au total, 98 personnes se sont portées candidates pour cette présidentielle, premier scrutin au suffrage universel pour l’élection du président dans ce pays depuis l’indépendance en 1951 et le coup d’État de 1969, qui a conduit Kadhafi père au pouvoir.
Jeudi, Seif al-Islam Kadhafi n’a pas pu faire appel de la décision de la commission devant le tribunal de Sebha, au sud du pays, en raison de l’attaque du bâtiment par un groupe armé d’origine inconnue, qui a forcé sa fermeture, quelques heures avant la séance d’appel. Les candidats rejetés ont 48 heures pour faire appel de cette décision devant les tribunaux. Le gouvernement libyen a qualifié l’attaque « d’odieuse », tandis que l’avocat de M. Kadhafi a parlé d’une « entrave au processus électoral ».
Âgé de 49 ans, Seif al-Islam Kadhafi présente une candidature compliquée en raison de sa condamnation à mort en 2015 par un tribunal spécial de Tripoli pour la répression sanglante de l’insurrection de 2011 par le régime, en plus des accusations portées contre lui par la CPI. Une loi d’amnistie votée par le Parlement réfugié à Tobrouk, dans une Libye toujours divisée entre la région Cyrénaïque, à l’est, dominée par les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, et la Tripolitaine, à l’ouest, a toutefois commué cette sentence en assignation à résidence.
Le maréchal Haftar fait partie d’ailleurs des candidatures en vue pour ce scrutin, aux côtés de l’influent ex-ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha et du chef du gouvernement intérimaire, Abdelhamid Dbeibah, dont les candidatures ont été approuvées par la commission électorale.
Parmi les anciens du régime de Mouammar Kadhafi, on trouve aussi son ex-secrétaire et argentier, Bachir Saleh, et un de ses anciens porte-parole, Khaled Kaïm.
*Élections cruciales et incertaines
Le rejet de la candidature prévisible de cet autre Kadhafi est annoncé alors que les élections font toujours face à une certaine incertitude. Une fragilité entretenue cette semaine par la démission surprise de l’émissaire de l’ONU pour la Libye, le Slovaque Jan Kubis, et ce, à moins d’un mois de cette élection présidentielle cruciale pour le pays.
Mardi, il n’a pas donné de raisons claires sur ce départ soudain aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Son départ est effectif le 10 décembre, mais M. Kubis a indiqué qu’il était prêt à rester en poste jusqu’au début de l’année prochaine et jusqu’à la tenue du scrutin présidentiel et législatif, prévu un mois plus tard.
Mercredi, les 15 membres du Conseil de sécurité ont exhorté « toutes les parties prenantes libyennes à s’engager à accepter les résultats des élections et à respecter les droits de leurs opposants politiques avant, pendant et après les élections ». Ils ont également rappelé « que les personnes ou entités qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité de la Libye » ou qui nuisent et entravent la transition politique, « y compris en obstruant ou en sapant les élections, peuvent être visées par des sanctions ».
L’ambassadeur libyen à l’ONU, Taher El-Sonni, a déclaré que son pays était reconnaissant pour « toutes les initiatives internationales chargées de bonnes intentions », mais a également rappelé la « responsabilité morale » de plusieurs pays membres du Conseil de sécurité dans le chaos libyen des 10 dernières années. Il a également appelé au respect des Libyens voulant se « sortir de la crise par eux-mêmes ».
(Le Devoir, avec AFP)