La semaine écoulée a vu la résolution de deux problèmes en suspens, ce qui va faciliter la suite des opérations de préparation des élections : les recours de quelques députés contre la loi électorale ont été rejetés et la loi a été remise à la présidence de la République pour promulgation. Par ailleurs l’ANC a validé la composition de l’Instance Vérité et Dignité, dont les quinze membres sont maintenant à l’abri des protestations de certains amis membres de la société civile… on lui souhaite de se mettre au travail sans haine, mais avec honnêteté et clairvoyance.
Le congrès économique national devrait débuter le 28 courant, mais déjà le Front populaire a décidé de le boycotter. Je pense qu’il s’agit là d’une mesure démagogique, pour ne pas être obligés d’accepter les mesures d’augmentations prévues des denrées de base (même si elles sont démenties) ainsi que de l’énergie (gaz, électricité, essence). Ces augmentations découleront de la diminution prévue des subventions de la Caisse de compensation qui profitent à trop de gens qui n’en ont pas besoin et qui gagneraient à être remplacées par une aide directe aux foyers les plus défavorisés. Ces mesures seront forcément impopulaires et le FP, en n’y participant pas, espère gagner des voix aux élections. Quant à Mohamed Hamdi, Secrétaire général de l’Alliance démocratique, il a déclaré à Gafsa que “l’issue des mesures économiques proposées par Mehdi Jomâa pourrait entrainer une deuxième révolte populaire” et que “le gouvernement penche vers une solution de facilité en envisageant de suspendre la compensation.”
* Une fièvre électorale prématurée. Alors que de nombreuses voix s’élèvent, souvent calculs à l’appui, pour prédire que les résultats des élections législatives et présidentielles ne pourront pas être publiés avant le début de 2015, on constate quand même une hâte des partis politiques à se préparer à prendre part à la compétition. Al Joumhouri a quitté l’Union pour la Tunisie tandis que les Verts ne font plus partie du Front populaire.
Chez Nidaa Tounes, des luttes internes ont éclaté au grand jour. Après la démission de Tahar Ben Hassine, qui n’a pas réussi à créer “un courant” au sein du parti, et d’Abdelaziz Mzoughi, connu pour être un électron libre qui ne se plie pas à la discipline de parti, on a noté les propos tenus par Ridha Belhaj qui s’est dit hostile à la tenue d’un congrès qu’il a qualifié de “non conforme aux statuts du parti”. Ce à quoi Lazhar Akremi a répliqué que “ceux qui appréhendent la tenue d’un congrès sont ceux qui ont peur d’être écartés une fois la démocratie adoptée au sein du parti “(d’après Business news). Ces gesticulations ainsi qu’un certain malaise résultant de la cooptation dans les sphères dirigeantes du fils du chef du parti, Hafedh Caïd Essebsi, ont amené Si El Béji à trancher et à annoncer officiellement la tenue d’un congrès constitutif le 15 juin et, sans attendre ce congrès, à annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Je pense que l’officialisation des structures et des responsabilités dans un parti devenu très important est une bonne chose dans la mesure où les adhérents seront renforcés dans leur militantisme et dans leur conviction d’appartenir à un parti démocratique.
Dans le reste du paysage politique, Mohamed Abbou, président du Courant démocratique, a déclaré à Djerba qu’il en se présentera pas à l’élection présidentielle, tandis qu’Enma Karaoui, présidente du Mouvement démocratique pour la réforme et la construction sera, elle, sur les rangs.
* L’armée tunisienne compte de nouveaux martyrs après l’explosion d’une nouvelle mine le 23 mai dans le djebel Chaambi, qui a ajouté deux morts et quatre blessés à la — trop — longue liste des soldats victimes du terrorisme. Pourtant les unités sécuritaires sont “sur les dents” et les unités spéciales de la Garde nationale ont réussi à arrêter huit terroristes en provenance de Syrie où ils auraient reçu un entrainement militaire au maniement d’armes et des explosifs. Le jour même, un avis de recherche a été émis par le ministère de l’Intérieur contre 19 personnes soupçonnées de terrorisme (dont deux ont été arrêtées dès le 24.)
Si, malgré les mines du Chaambi, la situation à la frontière algérienne est stabilisée grâce à la zone militaire fermée du côté tunisien et par le véritable barrage que représente l’armée algérienne de son côté de la frontière, il n’en est pas de même, loin s’en faut, du côté de la frontière tuniso-libyenne, alors que la situation militaire s’est aggravée ces jours-ci. Les combats font rage entre des diverses milices islamistes, surarmées, les unes obéissant à Tripoli et les autres à Benghazi, même si l’ancien général Khalifa Hafter a regroupé les “forces spéciales” pour coordonner la lutte contre ces mêmes milices. Il n’y a qu’à voir aux informations des chaînes de télévision l’incessant défilé de voitures civiles sur la frontière tuniso-libyenne. La population fuit les combats et vient grossir la colonie libyenne en Tunisie qui compterait déjà plus d’un million et demi de personnes. Il est indispensable que les forces sécuritaires et la douane tunisienne exercent une vigilance de tous les instants pour éviter l’entrée d’armes.
Le peuple tunisien a toujours rempli son devoir d’assistance aux civils depuis le plus fort des combats avant la chute de Gueddafi, mais il faut à tout prix éviter que les désaccords de nos voisins ne s’exportent chez nous. À ce sujet, il est important que les partis politiques tunisiens ne s’immiscent pas dans les affaires Libyennes, car nous avons suffisamment de tracas avec les nôtres.
Pour en terminer avec la situation sécuritaire, le quotidien La Presse du 25 mai nous informe que d’après des chercheurs américains s’exprimant dans The Washington Institute le 9 mai, la mouvance Ansar Charia, interdite dans notre pays, aurait changé de nom et s’appellerait maintenant “Chabab Attawhid” (la Jeunesse de l’unicité) et serait à nouveau à l’œuvre en Libye et en Tunisie, ainsi que l’aurait confirmé le Professeur Allani à Tunis.
Enfin, aujourd’hui dimanche 25 mai, l’arrestation de trois terroristes en possession de grandes quantités d’armes, dans une zone située entre Ben Guerdane et Médenine a été à la source d’une importante réunion tenue à la caserne de la Garde nationale de l’Aouina, au cours de laquelle Mehdi Jomâa a souligné que le but des terroristes est de frapper l’économie du pays et que leurs plans sont connus.
Raouf Bahri