Selon les dernières perspectives économiques publiées par le FMI en avril 2025, l’économie tunisienne traverse une période de relative stabilité, mais reste marquée par une incertitude persistante.
Par Mohamed ben naceur
Le pays devrait connaître une croissance modérée dans les années à venir, mais l’institution de Bretton Woods souligne l’urgence de réformes structurelles pour consolider la stabilité économique et stimuler une dynamique de croissance plus robuste et durable.
Croissance modérée : un bilan contrasté
Le FMI prévoit une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 1,4% pour la Tunisie en 2025 et 2026. Bien qu’étant relativement stable, cette prévision reste en deçà des ambitions du gouvernement tunisien, qui vise une croissance de 3,2% pour 2025. Cette divergence met en évidence l’écart significatif entre les objectifs politiques et les réalités économiques, soulignant l’ampleur des défis à relever pour atteindre un sentier de croissance plus élevée.
En 2024, les données de l’Institut national de la statistique (INS) indiquent une croissance de 1,4% pour l’ensemble de l’année, avec une légère amélioration à 1,6% au premier trimestre de 2025 en glissement annuel. Cependant, cette croissance est principalement tirée par le secteur agricole, dont la valeur ajoutée a connu une progression notable, notamment grâce à des conditions climatiques favorables. À l’inverse, les autres secteurs clés de l’économie, tels que l’industrie et les services, continuent de faire face à des pressions, ce qui pèse sur la performance globale de l’économie.
Déficits et dettes : des défis persistants
Au-delà de la croissance, le FMI attire l’attention sur l’aggravation attendue du déficit du compte courant, qui devrait passer de 1,7% du PIB en 2024 à 2,7% en 2025, avant d’atteindre 3% en 2026. Cette tendance est particulièrement préoccupante, malgré la hausse des transferts de fonds des travailleurs expatriés (TRE), car elle reflète un déséquilibre persistant des échanges extérieurs. Ce déficit accru met en lumière la vulnérabilité de l’économie tunisienne aux chocs externes et souligne la nécessité d’une politique commerciale plus proactive.
La situation de la dette publique est également alarmante. Depuis 2013, la dette nationale est passée de 45% du PIB à un niveau estimé à 81% du PIB en 2024. Le service de cette dette représente désormais 14% du PIB en 2024, un fardeau considérable pour les finances publiques. Face à cette situation, les autorités tunisiennes ont entrepris une consolidation budgétaire progressive, visant à réduire le déficit public primaire. Cependant, cette politique a un coût élevé en termes de croissance et d’emploi, et le recours continu à l’endettement extérieur pour le remboursement des dettes passées reste une réalité incontournable.
Les réformes : une urgence incontournable
Les experts nationaux et les institutions internationales, dont le FMI, ne cessent de réitérer la nécessité de réformes structurelles profondes pour transformer l’économie tunisienne. Parmi les recommandations clés figurent :
1- Maîtrise de la masse salariale dans la fonction publique : la fonction publique représente un poste de dépense majeur, pesant lourdement sur le budget de l’État. La fin du mécanisme de sous-traitance risque d’aggraver cette situation, accentuant la nécessité de rationaliser les effectifs et d’améliorer l’efficacité des services publics.
2- Réduction et ciblage des subventions : les subventions énergétiques et autres dépenses non ciblées représentent une charge importante pour les finances publiques. Leur réduction et leur redéploiement vers les populations les plus vulnérables sont indispensables pour rationaliser les dépenses et améliorer l’efficacité budgétaire.
3- Réforme du système de retraite : le système de retraite tunisien est confronté à des défis de viabilité à long terme. Une réforme est indispensable pour garantir la pérennité des pensions et éviter un alourdissement futur des charges publiques.
4- Correction de l’inadéquation des compétences : le marché du travail tunisien souffre d’une inadéquation entre les compétences disponibles et les besoins économiques. Des mesures visant à améliorer la formation professionnelle et à adapter l’offre de formation aux demandes du marché sont cruciales pour stimuler la productivité et créer des opportunités d’emploi.
5- Simplification des procédures administratives : réduire les obstacles bureaucratiques pour faciliter la création d’entreprises et l’embauche.
Un avenir incertain sans réformes
En somme, si l’économie tunisienne affiche une certaine résilience face aux défis actuels, les perspectives du FMI mettent en lumière une économie qui, sans un effort soutenu de réformes structurelles, risque de stagner. La croissance modérée observée est insuffisante pour réduire le chômage, améliorer les conditions de vie des Tunisiens et assurer une stabilité budgétaire durable.
L’avenir économique du pays dépendra de sa capacité à transformer les recommandations de réformes en actions concrètes. Les réformes doivent viser à stimuler la productivité, à réduire les dépenses publiques inutiles et à créer un environnement favorable aux investissements privés. Seule une approche globale et ambitieuse permettra à la Tunisie de bâtir une croissance économique plus durable, inclusive et résiliente.
La Tunisie se trouve à un tournant crucial de son histoire économique. Les perspectives du FMI soulignent à la fois les défis persistants et les opportunités qui se présentent. La croissance modérée actuelle, alimentée par le secteur agricole, ne suffit pas à répondre aux aspirations des Tunisiens. La dette publique croissante et les déficits persistants du compte courant sont des signaux d’alarme qui nécessitent une action rapide et
terminée.
Enfin, la Tunisie doit également se tourner vers l’innovation, l’investissement privé et l’ouverture sur l’extérieur pour stimuler une dynamique de croissance plus robuste. L’engagement des autorités politiques, des acteurs économiques et de la société civile sera essentiel pour relever ces défis et bâtir un avenir économique prometteur pour tous les Tunisiens.