Le rapport du FMI, publié à la suite de la cinquième revue et distribué il y a quelques jours, marque un changement de ton et une sortie de la réserve qui a toujours marqué les rapports de cette institution avec les pays membres. Par le passé, les rapports de l’institution de Bretton Woods ont mis l’accent sur l’amélioration de la situation économique et la nécessité de poursuivre nos efforts dans ce domaine. Or, ce rapport rompt avec le discours convenu et la prudence toute diplomatique pour mettre l’accent sur les dangers futurs et les nuages qui commencent à assombrir l’horizon de notre économie.
Parallèlement au changement de ton dans ce rapport, l’autre caractéristique concerne le décalage de plus en plus marqué entre les propos du FMI et ceux du gouvernement qui ne cessent de se rattacher à une storytelling qui met l’accent sur le redressement de l’économie et une sortie du tunnel annoncée mais régulièrement reportée.
Mais, quelle est la lecture du FMI de l’état de notre économie ? L’institution de Washington met l’accent sur deux aspects importants. Le premier concerne les éléments d’amélioration et de progrès. Le FMI souligne la légère baisse de l’inflation qui a dépassé les 7% au cours de l’année passée et qui est revenue en dessous de ce seuil depuis le début de cette année. Le FMI, en accord avec le discours officiel, indique que cette amélioration est le résultat de la sortie de la politique monétaire expansionniste et de l’avènement, depuis quelques mois, d’une option restrictive. Mais les deux discours oublient de mentionner l’impact de cette politique sur l’investissement et la croissance.
Le second aspect concerne la réduction du déficit budgétaire. Mais, si cette évolution est positive dans la mesure où elle contribue à alléger notre endettement, elle s’accompagne de signes inquiétants avec notamment l’accumulation de beaucoup de retard dans le respect des obligations de l’Etat, particulièrement vis-à-vis des entreprises dont une grande partie se trouve dans des situations difficiles.
Face à ses maigres résultats positifs, le FMI souligne alors les dangers et les périls auxquels doit faire face notre économie face à des jours qui s’annoncent difficiles. L’institution souligne trois développements majeurs qui sont au cœur de ces dangers et qui vont entraîner un approfondissement de la crise économique. Le premier est relatif à la hausse des prix du pétrole du fait des tensions dans le Golfe arabe entre les Etats-Unis et l’Iran. Cette hausse va entraîner une augmentation de notre déficit commercial et peser sur nos finances publiques du fait des subventions accordées à l’énergie.
Le second motif d’inquiétude est lié à la fragilité de la croissance et de ses révisions à la baisse chez nos principaux partenaires commerciaux particulièrement en Europe, freinant nos performances en matière d’exportation.
Le troisième motif est l’amélioration toute relative du comportement du dinar vis-à-vis des grandes devises étrangères, notamment l’euro et le dollar. Cette amélioration n’est pas liée au résultat d’évolutions internes mais plutôt à des options expansionnistes des politiques monétaires européennes et américaines et à l’augmentation de nos réserves du fait de nos emprunts.
Ces évolutions sont à l’origine des dangers et des périls qui vont assombrir le ciel de notre économie au cours des prochains jours. Ainsi, le Fonds a largement révisé à la baisse les prévisions de croissance de notre économie qui ne seront plus de 3% comme l’avait annoncé le gouvernement au moment de la présentation de la loi de Finances 2019 et qui, désormais, ne devraient pas dépasser les 2%.
Mais, une question se pose à la lumière de cette analyse qui concerne la responsabilité des politiques conseillées par l’institution de Washington et mises en œuvre par le gouvernement dans la détérioration de la situation économique de notre pays. A ce propos et en dépit de l’approfondissement de la crise, le FMI appelle le gouvernement et la Banque centrale à poursuivre les mêmes politiques, particulièrement dans la poursuite des politiques monétaires restrictives et une plus grande flexibilité sur le marché des changes.
Nous avons souligné à plusieurs reprises les conséquences néfastes de ces politiques sur notre économie et particulièrement sur l’investissement et la croissance. Ainsi, la poursuite de la politique monétaire restrictive va approfondir la crise de l’investissement et l’attentisme des investisseurs. D’ailleurs, nous commençons à en ressentir les effets avec la chute de la croissance depuis le début de l’année.
Pour ce qui est de la flexibilité du change, il faut noter qu’elle n’a pas réussi à atteindre les objectifs annoncés, à savoir la hausse des exportations et l’amélioration de notre déficit commercial. Au contraire, elle a contribué à la spirale inflationniste et augmenté les coûts de l’investissement.
Ainsi, si nous partageons le constat du FMI sur l’accroissement des dangers et des périls, nous sommes persuadés que certaines de ses politiques ont contribué à cette détérioration de la situation économique.
Mais, in fine, le plus grand motif d’inquiétude de mon point de vue est l’absence d’une vision globale et claire des politiques économiques qui assombrit l’horizon et rend la marche vers la stabilisation et la croissance beaucoup plus périlleuse.