L’hôtel El Mouradi à Gammarth a accueilli les 23 et 24 avril la deuxième édition du Forum France/Afrique des Transitions Ecologiques et Energétiques. Organisé par Business France, cet évènement a été l’occasion pour les entreprises tunisiennes de discuter des solutions innovantes avec leurs homologues français et africains.
Mercredi 23 avril, neuf heures du matin. Le soleil se fraye un chemin à travers les larges baies vitrées et épouse la forme voûtée des murs blanc cassé de l’hôtel Mouradi. Les talons frappent le sol marbré dans un empressement général. Tout le monde accourait pour entendre la séance inaugurale. Une cinquantaine de mètres et un petit escalier plus loin, c’est une salle plus sombre qui accueille les participants. Une rangée de chaises, sciemment placées, fait face à une estrade garnie de quelques fauteuils ainsi qu’un pupitre, et surplombée par un écran géant retransmettant les discours.
« Un forum opérationnel »
« Je veux saluer les 120 représentants d’entreprises, de clusters et d’acteurs spécialisés français, mobilisés par la Team France Export. Vous avez fait le déplacement en Tunisie pour rencontrer les acteurs africains et ils sont au rendez-vous : 600 entreprises et acteurs tunisiens sont déjà inscrits, et des responsables de 7 autres pays d’Afrique [NDLR ; Sénégal, Côte d’Ivoire, Maroc, Mauritanie, Guinée, Algérie et Lybie] sont présents », introduit Anne Guéguen, ambassadrice de France en Tunisie, rappelant par ce biais l’objectif de ce forum : promouvoir les échanges et partages de solution entre les entreprises françaises et africaines.
Par la suite, la diplomate insiste sur « l‘excellence et la densité de notre relation économique, qui s’illustre par les positions croisées de premier investisseur en Tunisie pour la France et de premier investisseur Africain en France pour la Tunisie, ainsi que le volumes de nos échanges : 11,5 milliards € de biens et services. Ces chiffres sont très importants et représentent un socle commun solide dans la durée pour renforcer et développer les stratégies de codéveloppement entrepreneurial entre les deux rives notamment au service de la transition écologique et énergétique. » Une façon de rappeler que la France est le premier client de la Tunisie, et reçoit le quart des exportations du pays du jasmin.
« Le Forum Afrique-France représente une occasion unique pour nous de renforcer nos liens de coopération et de créer des synergies dans les secteurs clés tels que la numérisation des infrastructures énergétiques, l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux nationaux et la gestion intelligente de l’énergie », ajoute par sa part Fatma Thabet, ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie
Mais nul ne décrit mieux ce forum que ses organisateurs ; « Pour nous c’est un moyen d’accélérer les transitions qui sont nécessaires pour les populations et pour les entreprises. Donc c’est simple, ce n’est pas un forum de grands discours, ça va être vraiment un forum opérationnel et après la phase d’inauguration, vous avez tout un site avec des conférences, des ateliers, du B2B, du Networking, pour que les entrepreneurs se rendent compte et pour que les entrepreneurs construisent des projets, qu’ils puissent trouver des financements et qu’ils les mettent à l’œuvre. Et c’est comme ça qu’on va accélérer les transitions qui sont nécessaires entre l’Europe et l’Afrique, et c’est notre ambition. », conclut Michel Bauza, Directeur Business France Afrique du Nord.
Des conférences sur des thèmes essentiels
Après une introduction sous la forme d’un panorama des transitions écologiques en Afrique du Nord et de l’Ouest, le programme est lancé ; trois séquences de conférence et d’échanges réparties sur deux jours. La première couvre la question de l’eau et de l’assainissement, et les suivantes mettent en perspective les sujets de l’efficacité énergétique, ainsi que de la ville durable. Des enjeux essentiels pour les pays africains, et en particulier pour la Tunisie. Faut-il rappeler que, selon l’Unicef, la verte est le 17ème pays le plus vulnérable au stress hydrique, et reste très exposé aux risques de sécheresse (lien article).
Les défis sont nombreux, et la nécessité de l’innovation se fait sentir, comme le rappelle Abderraouf Nouicer, PDG de SONEDE International, qui intervient sur plus de 20 pays africains différents ; « Notre stratégie s’est axée autour des stations de dessalement, notamment à Djerba ou Gabès. Mais l’un des principaux problèmes se trouve dans la consommation énergétique, qui recouvre les deux tiers du coût de production. Ainsi, nous sommes toujours à la recherche d’innovation, pour réduire les coûts. » Les demandes croissantes en énergie sont un poids économique pour la Tunisie. D’autant qu’elles accélèrent la dépendance aux importations, comme l’indique l’Observatoire National de l’Energie et des Mines dans son bulletin de la conjoncture énergétique relatif au mois de février 2025, en affirmant que les achats de gaz algérien ont connu une hausse de 17% entre février 2024 et 2025.
Une raison de plus d’échanger avec des représentants d’Etats qui connaissent les mêmes problématiques, à l’instar du Sénégal, qui subit également des épisodes de sécheresse. Mais aussi avec des pays qui enregistrent une pluviométrie importante, mais où l’accès à l’eau reste un chantier important, comme la Côte d’Ivoire. Sur cette question ou sur les autres, ce forum a voulu servir de plateformes d’échange d’expériences diverses.
Des entreprises innovantes
En dehors des tables rondes, le forum porte bien son nom. Assis, debout, autour d’une table, en marchant, les participants échangent, discutent, proposent. Les conversations se croisent, et les rendez-vous s’enchaînent. Qu’elles soient françaises, tunisiennes ou créées dans l’un des neuf autres pays africains représentés, les différentes entreprises ont toutes une bonne raison de venir à Gammarth durant ces deux journées.
Pour Proverdy, start-up incubée à La Marsa, c’est une occasion en or pour présenter ses services, que Souha Bejaoui, co-fondatrice et PDG, a résumé pour Réalités Online : « On propose une méthode de calcul du bilan carbone qui fait intervenir l’intelligence artificielle. Actuellement, on dispose de deux modules, le premier permettant de renseigner l’empreinte carbone de l’entreprise dans sa globalité, et le second se focalisant sur un seul produit, en prenant en compte l’intégralité du cycle de la vie. » Une offre qu’elle espère pourvoyeuse de clients : « Ce forum nous offre deux grandes opportunités. D’abord, il nous donne l’occasion de se connecter, de rencontrer d’autres entreprises, d’autres start-up, pour explorer des synergies potentielles. Mais aussi de débloquer des clients, soit en les rencontrant pour la première fois, soit en renouant des liens précédemment établis. Pour notre part, nous allons avoir un rendez-vous avec une entreprise française pour discuter de la manière dont nous pouvons travailler ensemble », poursuit-elle.
Pour d’autres, l’attrait réside plus dans la possibilité d’échanger avec les grandes instances internationales, à l’instar de l’AFD. C’est de la société Africa Sun, qui est basée à la fois en France, à Aurillac, mais également au Burkina Faso, avec un siège social à Ouagadougou qu’il s’agit. « La société couvre deux domaines de compétences : la construction modulaire, d’urgence, et leur autonomisation, avec l’énergie solaire. On intervient majoritairement en Afrique de l’Ouest et de l’Est. Pour ma part, au regard du taux d’ensoleillement, je ne comprends pas comment la Tunisie n’est pas essentiellement équipée en solaire. », explique Dominique Vernière, son PDG. Et malgré cette dernière remarque, son objectif n’est pas de s’implanter directement en Tunisie, mais plutôt de « prendre le pouls du métier, de comprendre la situation économique. Mais surtout de rencontrer les grandes instances internationales, et de former des partenariats, financiers ou techniques. »
Pour ce qui est de Yassine Rezgui, fondateur de Rybsen en 2015, l’enjeu est tout autre. Cette start-up tunisienne, qui s’est développée autour d’une solution pour réduire la consommation en eau dans le secteur de l’imprimerie, a participé au « green award », concernant la thématique de l’eau. Une victoire serait synonyme d’une abondante publicité de la part de Business France, et d’un accompagnement pour le développement de l’entreprise. « Notre idée à nous, c’est de réutiliser l’eau que l’entrepreneur a utilisé, dans une optique d’économie circulaire », confie-t-il à Réalités Online, à la suite de son pitch.