Le FTDES dénonce la logique contradictoire de Salvini

Le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, effectue ce jeudi 27 septembre 2018, une visite officielle en Tunisie. Une visite qui s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales tuniso-italiennes. La question de l’émigration clandestine est parmi les sujets les plus épineux sur lesquels devrait porter cette visite.
Dans ce contexte, le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux a adressé une lettre ouverte au ministre italien de l’intérieur dans laquelle le FTDES a dénoncé la position extrême anti-migratoire adoptée par le ministre italien et ses alliés.
Dans une déclaration accordée à Réalités Online ce jeudi, le président du Forum Messaoud Romdhani a considéré que le décret-loi qui vient d’être adopté par le conseil des ministres italiens lié à la sécurité et contre la migration pourrait provoquer la hausse du nombre de personnes poussées à vivre dans une situation irrégulière sur le sol italien en limitant l’accès à la protection légale.
Messaoud Romdhani a appelé les autorités italiennes et à leur tête le ministre de l’intérieur, à revoir leur façon de traiter la question de l’immigration ajoutant que les migrants tunisiens se trouvant sur le sol italien ont le droit à l’asile. Il a dans ce contexte appelé les autorités italiennes à respecter les conventions et lois internationales liées à la question de l’immigration et à cesser d’adopter une politique hostile aux droits des migrants.
Romdhani a dénoncé les mesures opprimantes adoptées par les autorités italiennes à l’encontre des navires de sauvetage rappelant l’incident de l’arrestation de 6 marins tunisiens et leur mise en détention pendant une période dépassant les 20 jours rien que pour avoir aidé des migrants irréguliers à atteindre les côtes italiennes.
Quant à la question de l’éventuelle installation de centres d’accueil de migrants dans les pays du Nord de l’Afrique, Messaoud Romdhani a affirmé qu’il n’est pas question que la Tunisie soit une plateforme d’accueil de migrants.
Rappelons qu’un mouvement de protestation a été observé ce jeudi devant le siège du ministère de l’intérieur en signe de protestation contre la visite du ministre italien en Tunisie. Ce mouvement a été organisé en réponse à l’appel du FTDES.

Ci-dessous la lettre ouverte intégrale adressée par le FTDES au ministre italien de l’intérieur:

Le 26 septembre 2018, à Tunis.

En ces temps de prolongement des conséquences de la crise internationale, votre arrivée au pouvoir ainsi que vos interventions médiatiques inquiètent en Europe et dans les pays de la rive sud de la Méditerranée que vous dénigrez. Votre positionnement extrême anti-migratoire de dénonciation d’une invasion s’inscrit dans un triple paradoxe.

Premièrement, alors que depuis l’année 2017 et le pacte de Marco Minniti avec les autorités libyennes les arrivées sur les côtes italiennes ont chuté de près de 80% (au 23 septembre 2018, l’OIM comptabilisait 21 204 arrivées en Italie contre 119 369 en 2017. Vous prétendez que l’Union Européenne fait face à une invasion alors qu’elle accueille nettement moins de réfugiés et d’immigrants que de nombreux autres pays dans le monde et notamment du sud.

Pourtant, deuxièmement, « les grands-parents émigrant italiens » comme vous les avez nommés furent très nombreux à quitter leur pays durant le XXème siècle pour rechercher un pays d’accueil où ils pourraient construire un avenir meilleur : ils étaient alors eux aussi dans des situations irrégulières, sans visa de travail et connurent également des discriminations. Aux Etats-Unis entre 1860 et 1920, ils furent environ 4,5 millions à y émigrer. A ce jour, bien que dans votre manière de voir européo-centrée les migrations concernent uniquement les personnes partant d’Afrique et du Moyen-Orient vers le continent européen, vous pourrez rencontrer jusqu’à 8 645 immigrés italiens en Tunisie et de nombreux autres européens, qui y ont trouvé une opportunité, un travail, une occasion de s’enrichir culturellement ; et tant mieux. Les déplacements migratoires ont toujours existé que ce soit à l’échelle interrégionale d’un pays, entre pays d’un même continent ou entre différents continents. Ceux-ci ne disparaîtront pas, au contraire beaucoup laisse à penser qu’ils vont augmenter pour différentes raisons (guerres, montées des eaux, survivre à la misère).

Troisièmement, l’ultime paradoxe est cette loi qui a été votée à votre initiative ce lundi 24 septembre, ne changeant que très peu la réalité des choses à part peut-être en augmentant le nombre de personnes poussées à vivre dans une situation irrégulière sur le sol italien en limitant l’accès à la protection légal. Vous souhaitez augmenter les expulsions vers la Tunisie notamment mais votre pays manque de main d’œuvre pour certaines activités. Tandis que la négociation d’accord pour faciliter la venue de travailleurs saisonniers avec la Tunisie permettrait par exemple de régler à la fois les questions d’exploitations de travailleurs par des réseaux de traite en Italie et de limiter en même temps les décès en mer et les départs irréguliers depuis la Tunisie, puisque ces migrations seraient dès lors régulières.

Enfin, la criminalisation du sauvetage en mer que ce soit pour des ONG comme dans les cas de l’Aquarius qui s’est vu retiré son pavillon panaméen après des pressions gouvernementales, ou pour les pêcheurs tunisiens récemment libérés sur décision du Tribunal d’Agrigento vendredi dernier, les effets sont désastreux voir criminels. En effet, ces statistiques montrent que si les départs depuis la Libye ont diminué, le nombre de morts noyés en pleine mer Méditerranée centrale, lui, n’a fait qu’augmenter ces derniers mois, atteignant 1 personne sur 18 parties, contre 1 personne sur 42 en 2017.

Le président du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux

Messaoud Romdhani

Related posts

Sfax : Un homme meurt dans un accident de moto

Akouda : Victime d’un braquage, un jeune succombe à ses blessures

Drame au large de Sfax : 29 migrants secourus et 8 corps repêchés