Le G8 et la valse des promesses non tenues !

Le Président tunisien Béji Caïd Essebsi a pris part, à la tête d’une forte délégation tunisienne, au Sommet du G8 les 12 et 13 juin à Berlin en Allemagne. Dans ce cadre, la Tunisie participera à une session spéciale « Compact with Africa » ou « Partenariat avec l’Afrique » qui cherche à promouvoir la coopération et le développement avec les pays africains. L’Allemagne a indiqué son intention d’inviter notre pays à ce Sommet lors de la visite officielle de la chancelière dans notre pays en février dernier.
Il faut dire que le G8 comme le G7 ont toujours invité des pays en développement et plus particulièrement les pays les moins avancés en Afrique à prendre part à leur travaux et chaque pays hôte a régulièrement l’habitude de lancer une initiative spécifique pour apporter son soutien à ces pays : une manière pour affirmer l’engagement de la communauté internationale à venir en aide au monde en développement et en faire un élément essentiel de la gouvernance globale.
Notre pays n’est pas un habitué de ces joutes internationales. En effet, il a commencé à y prendre part après les révolutions du printemps arabe. Ainsi, la présidence française du G8 tenu à Deauville en 2011 avait invité la Tunisie avec cinq autres pays : l’Egypte, le Maroc, le Yémen, la Jordanie et la Libye. L’occasion était alors donnée à la commnauté internationale pour affirmer son soutien et son appui à cette rupture majeure dans la tradition politique arabe et le crépuscule de l’autoritarisme et l’ouverture des régimes politiques arabes à la démocratie, la pluralité et les Droits de l’Homme.
En plus de son soutien politique, le Sommet du G8 s’est engagé à soutenir économiquement et financièrement les pays du printemps arabe pour les aider à mettre en place un nouveau mode de développement, capable de prendre en compte la frustration sociale et de mettre fin à la marginalité qui étaient au centre des révoltes. L’euphorie était à son comble et l’invitation a été faite pour préparer de grands projets de développement dont les principaux objectifs étaient l’inclusion sociale et la durabilité.
Notre pays, comme les autres, s’est alors engagé dans ce processus et nous avons ainsi pu en un temps record préparer avec l’aide d’experts nationaux et internationaux le Plan Jasmin qui devait relancer notre économie et ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et de développement. Ce projet avait été présenté dans différentes réunions internationales et avait reçu la bénédiction de la communauté internationale pour sa pertinence, mais aussi pour ses prétentions financières qui étaient somme toute assez raisonnables.
Mais, en dépit du soutien politique à notre transition démocratique et l’affirmation, après les dérives du printemps arabe en Syrie, en Libye ou au Yémen, que notre expérience était sur la bonne voie et serait peut-être l’une des rares réussites, force est de constater que les promesses sont restées lettre morte. Qu’a-t-on récolté des différents sommets et des réunions et des engagements pris en faveur du printemps arabe ? Peu ou prou, tellement l’appui financier est resté modeste et les conditionnalités pour son obtention complexes et difficiles à mettre en place dans un contexte politique marqué par la fragilité des institutions de la démocratie naissante.
Certes, l’histoire et l’économie n’ont pas été du côté du printemps arabe dans la mesure où nos révolutions ont pris part dans un contexte international marqué par les effets d’une crise financière sans précédent qui a failli emporter avec elle le système économique global. Et, au moment où nos jeunes manifestaient dans les rues pour dénoncer l’autoritarisme et exiger plus d’inclusion sociale et une nouvelle utopie démocratique, les pays développés étaient confrontés à la gestion d’une crise sans précédent. Une gestion marquée par le saut de l’orthodoxie et des politiques économiques conventionnelles qui ont fait de l’austérité le moyen de faire face aux dérives financières du passé. Mais, une gestion qui n’a seulement n’a pas réussi à sortir le monde de « croissance médiocre » dans laquelle il s’est retrouvé, mais a contribué largement à assombrir l’horizon et éloigner l’espérance contribuant ainsi à renforcer le populisme et le spectre du rejet de l’autre.
En même temps, nous restons persuadés que la transition économique et la mise en place des réformes sont du ressort de nos gouvernements et de nos responsables politiques. Et, l’attention s’est portée depuis 2011 sur la relance de l’économie et la mise en place des réformes nécessaires afin de structurer une nouvelle dynamique de croissance et un nouveau modèle de développement. Mais, ce sont des processus complexes et difficiles dans un contexte de transition marqué par la fragilité des institutions et les difficultés de construire les consensus politiques et économiques.
Mais, en dépit de ces contraintes, nous gardons de ces grandes réunions internationales le goût amer des promesses non tenues et des engagements difficilement concrétisés. Ainsi nous nous sommes retrouvés à affronter les plus grandes crises économiques et financières de notre histoire contemporaine, des crises qui ont eu des effets sur notre stabilité politique et la réussite de notre transition démocratique.
L’invitation de notre pays au Sommet du G8 vient affirmer de nouveau l’importance accordée par la communauté internationale à notre transition démocratique et à sa réussite. Cependant, nous espérons que les promesses tenues sauront trouver leurs voies dans des projets et des initiatives concrètes qui nous aideront à traverser cette crise et nous permettront de nourrir une nouvelle expérience historique, démocratique et solidaire.

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