Une lumière scintille au bout du tunnel! Présidé par Mme Bouden, et avec 9 femmes ayant rang de ministre, le 11e gouvernement tunisien, investi depuis une semaine, «séduit» les bailleurs de fonds internationaux. Plusieurs signes avant-coureurs et positifs entrouvrent les portes de la négociation entre la Tunisie et les prêteurs internationaux. Les choses bougent, avec une énergie positive, pour décoincer les négociations multilatérales et bilatérales pour de nouveaux prêts conditionnels. Pour éviter le pire au pays, berceau et seul survivant du Printemps arabe!
Ce n’est pas du «pinkewashing », bien plus, les femmes tunisiennes sont dignes de confiance, et on peut compter sur elles pour faire bouger les lignes! Des lignes figées depuis 2012! Indices…
Le courant passe mieux!
«On ne laissera pas tomber la Tunisie», disent ouvertement plusieurs amis traditionnels de la Tunisie. Et cela se confirme dans plusieurs couloirs et réceptions des instances internationales tenues à Washington, ces derniers jours.
Mais, on le devine dans les tractations au sujet de la Tunisie, les agendas des prêteurs ne sont pas si simples à décoder : chacun son agenda!
Lors des récentes rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale, la crise économique en Tunisie a fait l’objet de plusieurs échanges et réunions impliquant les grands de la finance internationale. Des pays amis, des pays influents, du G7, du G20, et pas seulement!
Avec, le «on ne laissera pas tomber la Tunisie» viennent juste après, des propos clairs la «Tunisie doit évaluer les méfaits de gouvernance de la décennie post-2011»! Signifiant sans détour que la Tunisie démocratique ne peut pas continuer à compter sur la dette…et ses citoyens doivent se retrousser les manches pour amorcer les vraies réformes économiques, avec des garanties de tenir des engagements.
Un haut placé au FMI, me confiait sous le couvert de l’anonymat : «…on attend juste des signes de redressement, de réveil du bon sens…une stabilité gouvernementale et des vis-à-vis crédibles avec qui on peut négocier, franchement, avec des engagements…sans faire de faux bonds quelques jours après».
Money talks
Plusieurs agences de presse soufflent discrètement l’amorce des discussions multilatérales et bilatérales, à propos et avec la Tunisie.
Dans ces discussions, sont impliqués et par des canaux divers : le FMI, la Banque mondiale, des capitales en Europe, des pays riches du Moyen-Orient, même la Chine et le Japon seraient de la partie.
Des négociations sont déjà à l’œuvre, sur trois fronts différents et à propos de divers enjeux complémentaires, favorisant davantage d’aides et de solidarités.
Le FMI et la Banque mondiale restent campés sur leur position.
Ils s’attendent à ce que le gouvernement Bouden aille de l’avant et plus vite pour capitaliser sur la vague d’enthousiasme populaire qui soutient sa nomination, et la nomination d’une génération de ministres, jeunes, ayant prouvé leur talent, sans être obligés de jouer le jeu des quotas des partis politiques.
Ils s’attendent à ce que ce 11e gouvernement échafaude un programme de sauvetage et de relance de l’économie, afin de susciter un espoir mobilisateur et porteur de vents de changements dans les politiques publiques !
Bref, il faut, comme on le dit dans le langage diplomatique «s’inscrire dans l’énergie positive et mobiliser ceux qui sont du côté des solutions, plutôt que ceux du côté des problèmes… ».
On souhaite éviter la reproduction des querelles intestinales et des tiraillements improductifs, expérimentés durant les 10 dernières, et ayant produit le capharnaüm socio-économique et l’impasse budgétaire qui étouffent la Tunisie.
On espère voir venir de vraies réformes, avec un modus operandi chiffrable et faisable dans la cohérence des mesures fiscales, monétaires et institutionnelles.
En ligne de mire : un prêt de l’ordre de 3 milliards de $US, avec des mesures assorties de conditions abordables, strictes dans le suivi de leur échéancier et planification.
Des mesures devant réduire progressivement la masse salariale de l’équivalent de 2 milliards de dinars (réduire le gaspillage et les emplois fictifs), réduire aussi les subventions injustifiées aux Sociétés d’État et une réduction drastique des subventions publiques pour les carburants qui profitent indument aux plus nantis.
On souhaite mettre un cran d’arrêt à l’endettement et au détournement des recettes fiscales vers des salaires improductifs et de la consommation en général (plutôt que l’investissement).
Recentrage des pendules géopolitiques
Au moins trois pays de la Zone Mena, sont dans la boucle et directement impliqués dans les négociations avec la Tunisie pour apporter des appuis financiers et politiques.
Ces négociations bilatérales valorisent des promesses de «soutien» immédiat, avec des aides-projet et des aides-budget (pour le Trésor public).
Ces négociations tablent évidemment sur le déblocage des ententes multilatérales, passant nécessairement par un feu vert du FMI. Dans ces négociations très actives on cite l’Égypte, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis…et même l’Algérie voisine.
Ces pays sont très favorables au gouvernement Bouden, très enthousiastes aux ajustements engagés depuis le 25 juillet! Mais, on n’obtient rien pour rien …et pour arracher des dents cariées, il faut s’assoir sur la chaise du dentiste et accepter la douleur qui va avec.
Contre des réformes on promet plusieurs carottes : des financements, mixant des prêts avec des taux d’intérêt très abordables, des garanties de prêts et de subventions consistantes.
En revanche, on demande à la Tunisie de rompre avec le cercle vicieux de l’instabilité gouvernementale, avec une neutralisation élégante de l’islam politique et des comportements a-économique des partis politiques peu sensibles aux enjeux du pouvoir d’achat, du retour de la croissance économique, du sens du travail… et de la productivité.
Ici, au moins 8 milliards de dinars (3 milliards de $US) seraient en négociation dans le moyen terme, par ces États et des fonds d’investissement liés, pour notamment faire du gagnant-gagnant. Des investisseurs privés provenant de ces pays sont partants pour mettre l’épaule à la roue et profiter de la relance économique d’une Tunisie au creux de la vague, mise à genoux par dix ans de mal-gouvernance et où tout investissement devient rentable… le dinar ayant perdu la moitié de sa valeur face au dollar depuis 2016.
L’Europe ne veut pas perdre pied
Sur un 3e front, l’Europe ne veut pas perdre sa place de parrain de la Tunisie dans les négociations à l’œuvre.
Tant bien que mal, l’Union européenne veut garder le pied à l’étrier… et se cramponner dans cette mouvance de «sauvetage» de la démocratie tunisienne.
Aussi pour damer le pion à la Turquie et pourquoi pas aux États-Unis, dont la situation est ambivalente face aux mesures engagées le 25 juillet, et largement défavorables à l’Islam politique.
La France, l’Allemagne, l’Italie, les USA… et leurs émissaires de haut rang font la navette: pas une seule semaine, les visites des émissaires européens et américains au palais de Carthage ne se comptent plus. Tout un chacun a sa liste de réformes à proposer!
Ces pays s’accrochent pour se positionner dans la tectonique qui ébranle le Maghreb, et où la Tunisie est forcément omniprésente dans ces mutations des enjeux géostratégiques.
La Tunisie, petit pays, est bien positionnée (coincée) entre deux pays immenses et qui regorgent de ressources naturelles stratégiques pour la croissance économique des pays occidentaux.
Une position névralgique, incontournable dans les enjeux impliquant l’accès, non seulement aux chaines d’approvisionnement en ressources naturelles, très convoitées par la Chine entre autres!
En Libye, le FMI prévoit un taux de croissance à trois chiffres, entre 120 et 130% pour les deux années à venir. Ce pays ruiné est en guerre civile depuis 2011, et tout son avenir se négociera, entre autres, avec une Tunisie stable et ouverte aux transits et aux affaires.
Des ressources naturelles dont l’exploitation devient plus que rentable, alors que les prix du baril du pétrole et du gaz flambent comme jamais.
L’aide miroitée à la Tunisie par les principaux pays européens est aussi calculée au regard des enjeux historiques et économiques avec l’Algérie voisine, un pays qui reste après la Russie, le principal exportateur de gaz en Europe.
En balance, des aides contre des compromis et de nouvelles ententes commerciales et de libre-échange avec l’Europe (ALECA), ainsi que les impératifs exigeant de la Tunisie un meilleur contrôle des flux de migration clandestine passant par la Tunisie…Sans oublier les risques de terrorisme islamique qui s’est incrusté en Tunisie avec la gouvernance des partis religieux et ultrareligieux, depuis 2011.
Les négociations avec ces différents partenaires sont stratégiques pour tout un chacun.
La Tunisie doit tirer son épingle du jeu
Et les négociateurs désignés par le gouvernement Bouden doivent maitriser la Théorie des Jeux, discipline enseignée dans la discipline de l’économie politique.
Ces négociateurs sont appelés à être agiles, proactifs pour mêler les cartes pour le meilleur de l’avenir de la Tunisie et de ses citoyens.
La grande inconnue concernera surtout la marge de manœuvre dont pourra jouir le gouvernement Bouden. Ce dernier est capable de relever les défis, en mobilisant les compétences confirmées notamment dans les domaines des politiques monétaires, des politiques budgétaires et des politiques économiques de manière générale. Ce gouvernement et ses ministres doivent montrer leur efficacité opérationnelle, rapidement et sur tous les fronts.
Un expert tunisien opérant à Washington me disait dans la confidence : le défi de la Tunisie lors de ces négociations tient plus à la capacité des preneurs de décision qu’aux négociateurs délégués pour calibrer et finaliser des réformes incontournables et urgentes ».
Cet habitué des rouages du FMI ajoute «les preneurs de décision et les parties prenantes agissant en Tunisie doivent ramasser tout leur courage pour s’entendre et pour convenir ensemble sur les réformes douloureuses et salvatrices…»!
Les technocrates, les hauts fonctionnaires et les forces tranquilles du gouvernement Bouden doivent aller de l’avant et privilégier le changement et la rupture avec du statu quo qui n’a que trop duré…pour ruiner les espoirs de la Tunisie de la transition démocratique.
Et il n’est jamais trop tard pour que la Tunisie se relève, se tienne debout…pour se remette en marche vers le progrès et la prospérité de ses citoyennes et citoyens.
*Universitaire au Canada