Le week-end dernier et les premiers jours de cette semaine ont été féconds pour le gouvernement, à plusieurs points de vue. Un certain nombre de ministres ont suivi les instructions du chef du gouvernement qui a demandé aux différents responsables : “Quittez vos bureaux”, tandis que lui-même a rendu une visite inopinée à l’aéroport Tunis-Carthage, où il s’est enquis des dispositifs sécuritaires et a donné un certain nombre de conseils pour faciliter la circulation des voyageurs et de leurs bagages.
Le ministre de l’Intérieur a visité le gouvernorat de Kasserine, l’un des plus exposés au terrorisme. Satisfait de la coordination entre les militaires et les sécuritaires, il a annoncé l’envoi de renforts (blindés, moyens et équipements complémentaires). Le ministre de l’Education a visité une école primaire à Menzel Bourguiba, il s’est indigné “de l’état misérable de nos écoles” et a promis un programme d’urgence pour la restauration et l’entretien des bâtiments scolaires. Le ministre des Affaires étrangères a annoncé la création de deux consulats de Tunisie en Libye pour s’occuper de nos ressortissants et suivre les évènements qui se déroulent dans ce pays voisin. Ils seront installés à Tripoli et à Tobrouk. Espérons qu’ils seront bien sécurisés par nos soins pour ne pas connaître le sort des deux journalistes Nadhir Ktari et Soufiane Chourabi, enlevés depuis cinq mois. D’autres ministres se sont déplacés eux aussi.
Pour se mettre en règle avec la loi, 27 ministres et secrétaires d’État sur 41 ont procédé à la déclaration de leurs biens au moment de leurs prises de fonctions. Enfin, la décision a été prise de tenir des Conseils ministériels dans les différents gouvernements à tour de rôle, en suivant les programmes de développement à l’intérieur des régions dans un souci d’équité.
Enfin, pour essayer de résoudre la crise qui couve depuis la formation du gouvernement de Habib Essid, les négociations entre l’UGTT et le gouvernement ont commencé depuis mardi 24 février, on s’intéressera d’abord au secteur public (750.000 salariés).
Saïd Aïdi, ministre de la Santé, à la suite d’une visite inopinée à Kasserine, a décidé de limoger le Directeur régional de la Santé de ce gouvernorat (d’après “Akhbar Al Jomhoria”).
“Tunisie Numérique” a annoncé qu’une réunion du nouveau parti de Moncef Marzouki, “la Mouvance du peuple des citoyens” s’est tenue le 22 courant dans un salon de thé du Parc des Oiseaux, à Sousse, sous la présidence d’Adnane Mansar, le plus proche collaborateur de l’ex-président. Une cinquantaine de personnes ont assisté à ce meeting de démarrage, mais malgré cette discrétion, le propriétaire des lieux a été avisé par la police que toute réunion non autorisée ne peut se tenir dans un endroit public. Au fait, on n’a pas entendu dire que ce nouveau parti avait reçu des autorités l’autorisation de se mettre en campagne. Ses partisans pensent-ils qu’ils n’ont pas besoin de l’aval des autorités. De toute façon, ils devront attendre les élections municipales pour avoir la chance de représenter une partie du “Peuple” en question dans un organisme officiel. On “s’inquiète” pour Imed Daïmi et les rares rescapés du CPR. Que vont-ils faire si leur père spirituel lance une nouvelle formation politique ? Se fondront-ils en elle ? Dilemme
Dans “La Presse” du 25 courant, le journaliste M’Hamed Jaïbi publie son “Commentaire” sous le titre “Une Assemblée sans opposition”, dans lequel il regrette “le caractère à la fois insignifiant et inadéquat” de cette opposition. D’abord, ce n’est pas très gentil pour les 33 membres qui la composent (18 appartenant au Front populaire et 15 à divers partis qui eux, sont insignifiants) et qui, en ce moment, font justement entendre leurs voix pour s’accorder sur le nom de celui qui va les représenter. On sait que la présidence de “la Commission des Finances de l’ARP est réservée à l’opposition d’après le règlement intérieur de l’Assemblée, un vote a déjà eu lieu (voir mon papier de la semaine dernière), qui a donné 9 voix à Iyad Dahmani contre 2 seulement à Mongi Rahoui, les deux étant d’ailleurs des héros du sit-in du Bardo, et c’est dommage de les voir se déchirer au lieu de s’entendre pour les combats futurs entre l’opposition et la majorité ! Malgré cela, le Front populaire a refusé d’accepter le résultat de ce vote et la décision est restée en suspens, Nidaa Tounes et Afek souhaitent donner la présidence au FP tandis qu’Ennahdha et l’UPL n’avaient pas encore arrêté leur position à la date du 26/2.
Une nouvelle séance plénière s’est donc tenue vendredi 27 courant, mais n’a pas fait avancer la situation, en effet, après une journée de discussions stériles où l’on a eu encore bien de la peine pour se mettre d’accord sur “ce qu’est l’opposition”, Mohamed Ennaceur décide de mettre aux voix, deux motions qui donnent la présidence de la Commission des Finances à Mongi Rahoui, mais on s’aperçoit d’une erreur d’un député de Afek Tounes, qui annule, une fois de plus, le choix de Mongi Rahoui. Le Président de l’ARP, excédé, décide la tenue d’une nouvelle séance plénière sur ce sujet, la semaine prochaine. Ainsi passe le temps et l’Assemblée n’a pas encore décidé de la date de la discussion de la loi sur le terrorisme, comme si ce n’était pas l’essentiel ! Et pourtant…
… Où en est la sécurité du pays ? Chaque jour, les divers responsables —Armée, Police, Garde Nationale, Douane— rassurent en nous affirmant que la frontière Sud est sécurisée et infranchissable… Et tout à coup les journaux en ligne et autres médias nous apprennent que 40, ou 50, ou 100 camions (on n’a pas eu le loisir de les compter !) de transport sont passés en force à travers le poste de contrôle de Ras Jedir, agressant au passage des douaniers de garde, impuissants à arrêter ce flot. Et si, au lieu de camions de contrebandiers, cela avait été 100, 50 ou même seulement 40 pick-up de Daech, armés de mitrailleuses, comme ceux qui paradent dans les rues de certaines villes libyennes, qui aurait pu les arrêter ? Combien de temps leur faudrait-il pour atteindre les villes et villages du Sud tunisien, déjà bien malmenés par les manifestations et les sit-in incessants… et troublés certainement aussi par les meeting prévus ce week-end par la Mouvance du peuple des citoyens de Moncef Marzouki, des réunions tenues sans autorisation préalable (comme s’en vante Adnane Mansar), plusieurs villes du sud sont prévues pour être visitées, comme si c’était le moment !
On a signalé ce matin (samedi) qu’un avion de Fajr Libya a été abattu à quelques kilomètres de la frontière par l’armée libyenne. Et si Daech se procure un avion (c’est facile avec la pagaille qui règne en Libye), que feront nos sécuritaires ? Sont-ils préparés pour abattre un avion ennemi ?
Beaucoup de questions qui demandent des réponses urgentes et des décisions bien plus importantes que ce qui se discute à l’ARP actuellement et qui traine.
Raouf Bahri