On serait dupe d’accepter ce que nous propose M. Taieb Baccouche concernant la libération des diplomates tunisiens kidnappés à Tripoli en rapport avec la libération du Leader de « Fajr Libya » Walid Leglib. M. Baccouche voudrait nous faire croire que les deux affaires n’ont aucun rapport, bien qu’elles aient eu lieu le même jour. Les kidnappeurs revendiquaient la libération de leur chef, que la justice tunisienne avait refusé une première fois de relaxer. Il est à noter que le kidnapping a eu lieu immédiatement après cette décision du tribunal tunisien.
M. le ministre des affaires étrangères veut donc sauver la face en prétendant que la libération de Leglib concerne la justice. Par contre la libération des diplomates serait le fruit de négociations que son équipe a réussi à mener à bien. C’est ce qu’on comprend de sa déclaration accordée aux médias tunisiens après avoir reçu les bienheureux rescapés et sauvés par « ses soins ».
L’observatoire Tunisien de l’Indépendance de la Justice vient de lever le voile sur cette « affaire de justice », qui est un secret de polichinelle, en publiant un communiqué expliquant les coulisses d’un jugement sur commande.
En fait, l’Observatoire explique que la décision d’extradition et de le remettre au gouvernement de Tripoli– non reconnu officiellement en Tunisie – a été prise dans des circonstances bizarres. Le 17 juin, la chambre d’accusation de la cour d’appel s’est réunie durant la nuit pour prendre cette décision. Ce que l’Observatoire a considéré comme illégal et comme une atteinte à l’indépendance de la justice.
Immédiatement après la libération des otages tunisiens, le gouvernement a annoncé la fermeture de son consulat à Tripoli, qu’il s’est tant obstiné à ouvrir en prétextant la realpolitik, et les rapports exceptionnels de la Tunisie avec la voisine de l’Est.
Un triple coup encaissé par un gouvernement déjà vulnérable et affaibli par le manque d’expérience de ses membres :
- Le prestige de l’État, tant clamé, a été bafoué à deux reprises. Tout d’abord en permettant le kidnapping du personnel d’un consulat mal gardé. En s’abaissant, ensuite, au chantage d’une bande armée.
- La fermeture du consulat tunisien à Tripoli moins de 4 mois après son ouverture, sous prétexte que le coté libyen (gouvernement de Tripoli) n’a pas assuré sa sécurité, inscrit le ridicule au niveau de politique d’État. Il aurait fallu s’assurer de cette condition bien avant la décision d’ouverture, surtout qu’il y a des précédents en matière de kidnapping de diplomates et de chantage pour la libération de terroristes (l’affaire des deux diplomates tunisiens Gontassi et Bechikh contre la libération des terroristes Hafedh Edhabâ et Imed Ellawej) ;
- Plier la justice à une volonté politique nuit gravement à tout processus de fondement d’une réelle démocratie. L’indépendance de la justice est une revendication que les forces démocratiques ont longuement défendu depuis l’époque de Ben Ali. Aujourd’hui, il serait difficile de faire confiance à une justice commandée et aliénée au pouvoir politique.
Il serait amusant et amer à la fois d’effectuer un parallélisme métaphorique entre le « Bourgeois gentilhomme » de Molières, symbole d’un néophyte arrivé dans les hautes sphères du pouvoir, marqué par son ridicule, et un Gouvernement gentilhomme inexpérimenté et ridicule qui essaye de manœuvrer un navire de 12 millions de voyageurs dans des eaux troubles. Cette image nous inspire une autre : un Gentilhomme confronté à un clochard, mais avec quelles armes ?