Le Haut tell, la région des mille promenades

A la limite du plateau du Sraa Ouertane, au milieu du Haut Tell : le pays du blé de Lorbeus/Laribus antique, de Tajerouine la berbère et de Dahmani hilalienne, une petite gare coloniale toute blanche, au toit de tuiles rouges, matérialise la station de «Fej Tameur» : le col des dattes, insolite en ces lieux, à une vingtaine de kilomètres au sud du Kef. C’est sans doute par ici que passaient les caravanes du sud qui se rendaient au Kef et toute la région invite encore à la promenade.

 

L’accueil

Sur la pente, juste au-dessus de la gare, une modeste maison au milieu de très jeunes plantations d’oliviers, garde le nom du clan local : Dar Manaï. Sa propriétaire l’aménage en ce moment pour en faire un gîte rural confortable et agréable. Par ailleurs, l’association «Terre verte» qu’elle préside se dévoue sans compter pour venir en aide aux enfants déshérités de la région. Les dons de vêtements, de fournitures scolaires, de denrées alimentaires alternent avec les fêtes des écoles et les Aïd. La rentrée des classes, cette année, sera marquée par une distribution de matériel scolaire, des cartables en particulier et une petite fête réunira les enseignants, les élèves et leurs parents ainsi que les généreux donateurs. L’association «Tunisie for all» s’est associée à cette fête.

Ici, comme dans tout le gouvernorat d’El Kef, les tourismes alternatifs : vert, culturel, cynégétique et sportif pourraient, devraient, se développer dans le cadre d’un environnement «riche» et encore protégé servant d’écrin à de nombreux sites intéressants.

 

Jérissa

Les deux collines de Jérissa, creusées jusqu’au cœur violet foncé, intriguent. Le calcaire «récifal» – venu du fond des mers ! – datant de l’ère secondaire est une originalité. C’est le principal minerai de fer. On en extrait encore près de 150 000 tonnes par an, mais la production s’amenuise.

Le bourg de Jérissa est tout aussi curieux. Créé en 1907 pour loger le personnel de la mine, il a été construit selon les critères d’un urbanisme industriel européen du début du XXe siècle. C’est donc une cité «fossile» aux maisons alignées, regroupées en quartiers, dotées d’un petit jardin et couvertes de tuiles, mais le bourg est habité et vivant. Il est regrettable que la belle demeure de l’ex-directeur soit fermée depuis des années. Elle pourrait être transformée en «hôtel de charme» présentant aussi l’histoire de la mine, par exemple. Du haut des collines de Jérissa, on domine les vestiges de l’ancienne voie romaine reliant Carthage à Ammaedara/Haïdra et on découvre les hauteurs de M’deïna la numide située à quelques kilomètres.

 

M’deïna

M’deïna : la «petite ville» en arabe, recouvre le site antique d’Althiburos, au nom berbère. Elle a été peuplée dès la préhistoire. Des fouilles récentes semblent pouvoir prouver qu’une agglomération a existé dès 800 av. J.-C., peut-être avant Carthage ! On y pratiquait peut-être déjà la métallurgie du fer ! Les nombreux mégalithes voisins attestent qu’elle a été un bourg numide important du royaume de Massinissa. Les bâtiments prestigieux et les magnifiques demeures ornées de splendides mosaïques prouvent qu’elle a été une cité très prospère à l’époque romaine. Elle semble avoir été supplantée par Lorbeus/Al Orbous après la conquête arabe.

Les irréductibles

En se tournant vers l’ouest, on découvre, un peu masqués par les fumées d’une énorme cimenterie, les crêtes dentelées du Jebel Slata, creusé de nombreuses galeries de mine et les collines entourant Tajerouine. C’est par là qu’on passera pour rejoindre Jezza dont la lame du Kef Sloughi nous sépare, au nord.

Jezza, mystérieuse, foyer actif de militantisme nationaliste durant les luttes pour l’Indépendance, conserve les vestiges de deux citadelles d’époque byzantine. Quel dommage que son site ne soit pas du tout mis en valeur ! Il est rongé, comme celui de M’deïna, par un oued qui le traverse. Pourtant, c’est peut être un des hauts lieux de la résistance berbère à l’impérialisme romain. Le grand chef rebelle Tacfarinas, qui a résisté sept ans : de 17 à 24 de notre ère aux légions de Tibère, aurait trouvé la mort en combattant là, dans un bourg qui s’appelait peut-être Aubuzza.

A l’ouest, la lame mauve de la Kalaat Esnan émerge de houle bleutée des jebels qui l’entourent. Elle aussi, dernière citadelle du roi Jugurtha, illustre cet esprit de résistance qui semble être une caractéristique régionale. De la révolte des H’nencha, à celle d’Ali Ben Gh’dhahom, aux insurrections contre les coloniaux jusqu’aux rebellions actuelles, Thala, la ville des palais de Jugurtha, est de tous les conflits.

 

Les sites antiques

Nous pensons qu’il est inutile de présenter ici le Kef, l’antique capitale de la Numidie, une ville musée à qui un développement touristique fournirait une aide économique précieuse.

Mais Haïdra/Ammaedara mérite absolument une visite. Indépendamment de sa citadelle, de sa porte fortifiée, de ses églises et de ses mausolées, des fouilles récentes ont permis de découvrir d’autres centres d’intérêt.

On peut même, en partant de la porte monumentale fortifiée, remonter, en suivant les bornes milliaires romaines, en marchant sur les pavés de la voie romaine qui allait de Carthage jusqu’à Tébessa/Théveste, remonter donc jusqu’aux collines qui bordent l’ouest du bourg de Kalaat Khadhra. On pourrait la suivre jusqu’à Jérissa, même jusqu’à Lorbeus et plus loin encore jusqu’au pied du Jebel Kebouch ou jusqu’à Mustis/El Krib où le consul Marius a installé les vétérans de sa tribu après sa victoire sur Jugurtha.

Il nous faudrait un autre article, au moins, pour vous emmener promener là, tout près, vers les monuments mégalithiques qui parsèment les collines autour du hameau de Baraket, sur la route menant à Aïn Kseïba où l’on extrait actuellement l’eau «Safia». Elle jaillissait, auparavant, d’un captage romain, à El Ksour qui garde dans son voisinage la grande Koubba de Sidi Ahmed El Khadhra près de laquelle s’étend une grande nécropole à dolmens. Irez-vous jusqu’à Zouarine voir les centaines de tumulus berbères qui tapissent les pentes du Jebel Nadhour, ou à Zanfour/Assuras, bourg fondé par les vétérans de Marius ? Mais vous ne pouvez pas manquer les dolmens à portique, uniques au monde, d’Ellès.

Arrêtez-vous là, sinon vous allez entreprendre le «rallye des mégalithes» qui vous prendra, au moins, tout un week-end ! On pourrait aussi aller voir le «Kbour Klib», sans doute non seulement monument commémoratif de la bataille de Zama, qui s’est déroulée à proximité, mais aussi sûrement un des très rares vestiges, avec le temple de Chemtou, de l’architecture monumentale berbère préromaine.

Vous avez constaté que le souvenir des nomades du Jérid nous a entraîné fort loin. La région de Fej Tameur et Jérissa peut être appelée la région des mille promenades.

Par Alix Martin

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