Le Japon mise sur la Tunisie pour répandre le programme Kaizen en Afrique

Sous le patronage du chef du gouvernement, le ministère l’Industrie, des mines et de l’énergie et en collaboration avec l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et l’Agence de développement de l’Union africaine (AUDA-NEPAD), la Tunisie accueille les lundi 28 et mardi 29 octobre 2024, la conférence annuelle Kaizen Afrique 2024 (AKAC) qui s’inscrit sous l’enseigne « Le rôle de Kaizen dans la promotion des transitions numériques innovantes et du développement économique ».

Il est de prime abord à savoir que le programme « Kaizen » (un mot japonais qui signifie « amélioration ») s’articule sur une philosophie de gestion économique laquelle vise l’amélioration de la productivité et de la qualité ainsi que la réduction des coûts de toute entreprise. Et ce, à travers un ensemble d’actions continues et en se basant sur un ensemble de valeurs développées par les entreprises manufacturières japonaises.

 

Donnant le coup d’envoi, Anis Morai, maître de cérémonie, et après avoir souhaité la bienvenue à la présence a brièvement noté que pour sa version actuelle, la conférence a pour principal objectif de mettre le rôle de l’approche Kaizen dans l’innovation et l’économie numérique, en tant que vecteur de croissance économique sous les feux de la rampe en prenant l’exemple tunisien pour modèle à même d’inspirer le reste des pays Africains.

 

 

C’est ensuite le directeur général de la Division du développement économique à la JICA, Takao Shimokawa, qui a pris la parole notant que la JICA vise de généraliser l’approche Kaizen sur toute l’Afrique.

« Dois-je dire que dans le cadre de cette conférence annuelle, il s’agit de la deuxième fois où nous nous réunissons à Tunis. Et ceci ne peut que témoigner de la réussite de l’expérience tunisienne à adopter la politique Kaizen. Cette année nous comptons déjà plus de 70 formateurs agréés et 21 pays participants où ce programme est adopté sur quatre continents de la planète. D’ailleurs, la Tunisie partage avec des pays voisins comme l’Algérie et la Libye le savoir-faire, les connaissances et les expériences qu’elle a acquis grâce à l’approche Kaizen. Car, la Tunisie, est le premier pays de l’Afrique à qui la JICA a fourni une coopération technique pour la diffusion et la pratique de Kaizen (depuis 2006), ce qui a contribué au développement industriel. Au cours des deux dernières phases Kaizen, 8 centres de transfert technologique ont été créés. En effet, une coopération avec le ministère de l’Industrie, des mines et de l’énergie est de mise à travers les huit centres techniques précités. Et l’approche a été mis en œuvre grâce à la coopération avec le gouvernement ce qui a permis l’expansion de la technologie où Kaizen a été introduit par des formateurs spécialisés dans environ 150 entreprises tunisiennes lesquelles ont utilisé les méthodes Kaizen durant les deux premières phases du projet. Aujourd’hui, nous aspirons à ce qu’on étudie ces expériences tunisiennes réussies pour les développer davantage au niveau africain. Et ce, pour voir les entreprises africaines prospérer de façon durable. Nous aspirons durant la prochaine phase de toucher quelques 3000 entreprises d’ici 2030 et d’attirer jeunes et femmes », a exprimé M. Shimokawa.

Dans cet ordre d’idées, M. Amine Idriss Adoum, directeur de l’Economie, de l’infrastructure et du commerce au sein de l’Agence de développement, de l’union Africaine (AUDA-NEPAD) a loué l’approche Kaizen laquelle renforce la performance industrielle ce qui renforcera la stature d’une Afrique industrialisée et connectée. « Depuis le lancement de ce programme en 2017, Kaizen, avec la JICA ont touché des milliers d’entreprises de par le monde dont 27 sont installées dans mon pays. Ceci a haussé la productivité à raison de 64% et a réduit les délais de plus d’un tiers et réduit le coût de 21%. Aujourd’hui, le fait d’investir dans une industrie qui adopte le programme Kaizen produits des biens compétitifs et de qualité. L’Ethiopie a réussi, grâce au programme, à réduire ses déchets industriels de 41%, à créer des postes d’emploi et avoir des produits de qualité, ce qui est un pas immense et un modèle à reproduire. A présent, nous devons investir dans l’infrastructure car tout peut être amélioré en Afrique et les performances de notre écosystème entrepreneurial peut être renforcé grâce à l’évolution, notamment du digital, du numérique, de l’intelligence artificielle, à l’utilisation des drones…D’ailleurs le secteur agricole a été optimisé grâce à ce programme qui nous offre des solutions adaptables à un monde qui change qui se numérise et qui s’oriente de plus en plus vers la technologie ».

L’expérience Kaizen en Tunisie

Depuis 2006, soit il y a dix-huit ans, la JICA a assisté les autorités tunisiennes pour l’introduction de Kaizen pour l’amélioration de la qualité et de la productivité chez nous. La première phase de ce projet de coopération technique lancé en 2009 a duré quatre années. Il a été adopté par le Centre technique des industries mécaniques et électriques (CETIME), le Centre Technique du packaging et de l’Emballage (PACKTECK) et l’Unité de Gestion du Programme National de promotion de la qualité (UGPQ). Au cours de cette première phase, 20 personnes ont été formées pour assister quelques 64 entreprises tunisiennes.
La deuxième phase de ce projet a été mise en œuvre entre 2016 et 2021, et a concerné le secteur des industries mécaniques et électriques, celui de l’industrie textile et l’industrie chimique. Dès lors, 86 personnes ont reçu une formation sur l’approche Kaizen dans l’industrie et 99 entreprises industrielles ont pu profiter de l’assistance offerte par le programme.
La réussite de l’expérience tunisienne dans l’implémentation du programme Kaizen s’est élargie pour les pays africains où une session de formation a été organisée avec la participation du Maroc, l’Algérie, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Burkina Faso et la Libye.

Un vrai partenariat Tunisie-Japon

A ce titre, l’ambassadeur du Japon en Tunisie, M. Takeshi Osuga, a manifesté sa fierté de voir ce projet aboutir d’autant plus que c’est la deuxième fois que la Tunisie accueille un évènement d’aussi grande envergure notant que ceci ne peut que confirmer l’engagement et l’attachement de la Tunisie au concept Kaizen. « La première réunion en Tunisie a eu lieu en aout 2022 avec la présence de 48 pays. Le Japon est reconnaissant envers la Tunisie, son sérieux et sa contribution à répandre le programme. Cela dit, durant la période post Covid, nous avons compris l’importance du partenariat, du transfert technologique, du développement des ressources humaines et du développement de la qualité et voulons que ces partenariats soient inclusifs et durables. Kaizen a prouvé son efficacité et la mise en œuvre de cette politique de coopération technique en Tunisie a fait que 163 entreprises réalisent des gains. Les entreprises manufacturières ont créé des postes d’emploi et généré de l’argent en devise. Et il va sans dire que de son côté, la Tunisie élargit le champ de Kaizen au-delà du secteur industriel pour toucher par exemple le secteur hospitalier et améliorer sa gestion.
D’ailleurs, la JICA a conceptualisé l’approche Kaizen pour y inclure la gestion d’entreprise et l’accès monétaire afin de l’adapter aux divers secteurs notamment publics, y compris au sein des hôpitaux. Par ailleurs, neuf entreprises tunisiennes ont d’ailleurs remporté les « prix Kaizen Afrique » depuis le lancement de l’AKAC. Ce qui témoigne du niveau d’expertise assimilé par la Tunisie. Et deux entreprises sont parmi les finalistes pour le prix en cours. Dans la troisième phase, entamé en août 2024, ce programme prévoit d’intégrer Kaizen dans le programme de formation des entreprises de service de développement. Cela dit, le projet vise à répandre Kaizen dans toute la Tunisie et de toucher différents secteurs, notamment celui de la formation professionnelle. Il tend également à renforcer le système de diffusion dans les pays maghrébins voisins et aspire à l’utilisation de la technologie numérique. La Tunisie joue le rôle de plaque tournante et je suis fière qu’on accueille ici depuis la Tunisie d’autres pays d’Afrique ».

 

Création d’une structure Kaizen permanente en Tunisie

C’est à travers l’allocution de Mme la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’énergie, Fatma Thabet Chiboub que la séance inaugurale a été clôturée. Lors de son intervention, la ministre tunisienne a loué le rôle de Kaizen dans la transition numérique et dans le développement d’une Afrique prospère et qui se met à la page pour constituer une destination de choix aussi bien de par ses ressources naturelles que ses ressources humaines et qui de plus est, connectée et portée sur la technologie. « Le Japon est un partenaire essentiel pour l’Afrique d’autant plus qu’il met à la disposition des pays africains tout son savoir-faire pour promouvoir la transition économique et technologique. Et à mon sens, la TICAD de 2022 a été un véritable tournant favorable dans les relations entre le Japon et l’Afrique car le Japon a prouvé sa promotion du développement africain durable porté sur l’innovation. C’était un rendez-vous de choix qui nous a permis des résultats probants. Le monde change à un grand rythme et nous devons tous être au parfum du changement. La Tunisie est prête à développer des partenariats technologiques à mettre en place l’intelligence artificielle car grâce à la jeunesse, tous les secteurs sont en train de se développer. Cela dit, la Tunisie a choisi d’intégrer Kaizen dans multiples secteurs grâce à son partenaire le Japon. Des experts Kaizen ont été formés en Tunisie et une amélioration de l’ordre de 60% a été enregistrée. Sept entreprises tunisiennes ont été honorées. Mon département a toutes les raisons de reconnaître le programme Kaizen qui pour sa troisième phase 2024-2028 ira vers la création d’une structure permanente en coopération avec le Japon. Et ce, pour l’amélioration des entreprises tunisiennes et celles africaines à travers Kaizen. L’objectif est l’augmentation des industries manufacturiers et de réussir la transition numérique, technologique, économique et écologique chez nous en Tunisie tout comme en Afrique. Kaizen Afrique est un choix délibéré et cette conférence est une occasion pour que la Tunisie joue un rôle conducteur entre les pays demandeur et les entreprises tunisiennes qui ont mené à bien l’expérience Kaizen. Et dois-je conclure en assurant que je suis convaincue que nous allons valoriser ces expériences en faisant avancer le processus Kaizen pour le généraliser dans tous les pays africains ».

Historique
Il est à rappeler que l’Initiative Kaizen pour l’Afrique (AKI), âgée déjà d’une décennie a été lancée par la JICA et l’AUDA-NEPAD en 2017 pour s’étaler jusqu’en 2027. Et ce, suite à l’annonce faite lors de la sixième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD-VI) et qui a eu lieu en 2016. L’objectif du Ticad-VI était de promouvoir l’Initiative Kaizen dans l’ensemble des pays de l’Afrique, d’où la naissance d’AKAC qui se tient chaque année dans l’un des pays africains et qui se solde en décernant des prix à des entreprises qui utilisent à bien la méthode Kaizen.
C’est dans cette dynamique de réussite des deux premières phases que la JICA et le ministère de l’Industrie, des mines et de l’environnement ont lancé la troisième phase du projet Kaizen en Tunisie. L’objectif est d’élargir Kaizen en Tunisie et d’exporter l’expérience dans le reste des pays africains. Il s’agit également de soutenir l’institutionnalisation des activités Kaizen et d’impliquer le secteur de la formation professionnelle dans la dissémination de ce concept, axé sur productivité et la qualité, au profit des apprenants avant qu’ils n’intègrent les entreprises industrielles.
En 2021, cinq groupes de travail ont été créés pour travailler sur cinq questions transversales, à savoir la mise en place d’indicateurs de performance pour mesurer l’impact de Kaizen, le développement d’un programme d’études standard basé sur le Kaizen Handkbook, (2018), l’établissement d’un cadre de certification pour les consultants Kaizen, la formulation de recommandations pour l’institutionnalisation de l’AKAC et l’AKA en Afrique et le développement de directives pour les critères de mise en place des centres d’excellence potentiels en Afrique. Après la fin de mission de ces cinq groupes de travail en 2023, un groupe de travail Interfonctionnel a été mis en place pour suivre les résultats de leurs activités. La Tunisie a été sélectionnée parmi les quatre pays représentés dans ce groupe de travail, témoignant de l’importance de l’expérience tunisienne et son rôle pilote dans le processus de dissémination de Kaizen en Afrique, en plus de représentants de Maurice, d’Ethiopie et d’Afrique du Sud et un représentant de l’Association de Productivité.

Africa-Kaizen Initiative
Suite à l’AKAC 2024, un séminaire de renforcement des capacités du réseau de l’Initiative Kaizen pour l’Afrique (AKI) sera organisé du 30 octobre au 1er novembre 2024, avec la participation de 62 représentants de 17 pays africains y compris la Tunisie ainsi que des experts japonais. L’Initiative Kaizen pour l’Afrique (AKI) a été lancée en avril 2017 suite à un accord entre la JICA et l’AUDA-NEPAD pour s’étendre jusqu’à 2027. L’objectif est d’accélérer le processus d’industrialisation en Afrique à travers l’amélioration de la qualité et de la productivité, et élargir les opportunités de créations d’emploi dans le continent africain.

Le programme Kaizen réunit plus de 150 participants de plus de 23 pays, dont plus de 70 internationaux, à savoir : Afrique du Sud, Argentine, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Colombie, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Ghana, Japon, Pays-Bas, Kenya, Malawi, Malaisie, Namibie, Nigeria, Sénégal, Serbie, Tanzanie, Tunisie, Zambie et Zimbabwe, en plus des participants en ligne, de l’Indonésie et de Thaïlande.

Abir CHEMLI

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