Le jour d’après

Manque de maturité de la classe politique qui,  incapable d’encadrer la population,  n’a fait qu’attiser le feu de la discorde et de l’anarchie dans un pays qui croule sous des difficultés  n’ayant fait que gagner en complexité et en profondeur. Et ce,  faute de vision claire et de volonté partagée qui auraient pu susciter une  mobilisation de toutes les énergies pour  permettre au pays d’opter pour des choix difficiles mais salvateurs,  que de chercher tout le temps à gérer au plus pressé, en laissant  la situation pourrir.
Manifestement, la  grave situation que traverse  actuellement la Tunisie,  traduit une faillite collective. Une inconscience générale qui a basculé  le pays dans la violence,  la destruction,  le pillage et une inquiétude latente.  Aucune partie ne peut prétendre être étrangère à ce dérapage et ne peut nier sa responsabilité dans ce périlleux saut dans l’inconnu.
Aujourd’hui, les instigateurs du feu ont vite fait volte-face, s’improvisant sauveurs et voulant jouer un rôle contre-nature qu’ils ne peuvent ni  assumer ni bien le coordonner. En répétant à satiété des slogans creux et versant dans un populisme assassin,  ils ont cherché plutôt une échappatoire à  une responsabilité qu’ils n’ont jamais pu assumer  pleinement, se contentant de plaider  l’irrationnel et de vouloir  justifier l’injustifiable.
A  chaque épreuve difficile  que traverse le pays, l’idée, faisant  des partis politiques une  véritable plaie de la jeune démocratie tunisienne, ne fait que se renforcer et s’ancrer dans l’imaginaire des Tunisiens. En effet, leur multiplication  anarchique depuis sept ans, les a poussés à se fourvoyer dans des combats dont ils maîtrisent mal les ficelles, dans des discours populistes et des choix hasardeux.
La preuve, depuis plus d’une semaine, ils ont appelé à tue-tête les Tunisiens à manifester et à faire tomber la loi de Finances,  mais se sont abstenus de condamner les dérapages nocturnes qui ont mis  en lumière leur incapacité à assumer leur responsabilité et à être en cohérence avec le discours qu’ils ont,  tout le temps,  essayé de développer. Ils répètent machinalement les droits qu’a conférés la nouvelle Constitution, mais oublient les devoirs qui en découlent.   Ils votent une loi et appellent  à son annulation, sous prétexte que de nombreux députés ont mal saisi sa philosophie.
Ils oublient que si l’anarchie s’installe,  ce sont eux  qui en payeraient les premiers les frais.
Cet amateurisme s’applique également à l’action gouvernementale, avec une équipe aux commandes  peu homogène, peu alerte et qui a fini par  perdre toute emprise sur les événements. Le gouvernement d’union nationale apparaît souvent incapable de gérer les situations de crise, d’anticiper et de convaincre. Alors que durant plus d’une semaine, les appels aux  manifestations n’ont cessé de se multiplier, y compris sur les plateaux de télévision. On  a eu  l’impression que le gouvernement est resté de marbre, incapable de réagir ou de prendre l’initiative à son compte. Alors qu’il avait la possibilité de tirer le tapis sous les pieds d’une opposition farouche et d’acteurs sociaux montés contre la loi de Finances, le gouvernement a été impuissant à   développer un contre-discours, à avancer un argumentaire solide qui aurait pu convaincre  ceux qui ont été  gagnés par le doute, ou tout simplement dire la vérité aux Tunisiens sur l’impossibilité d’agir autrement dans le contexte actuel.
La société civile, pour sa part, a montré au grand jour son manque de discernement  et son inaptitude à faire le distinguo entre son rôle légitime de contre-pouvoir  et l’impératif de ne pas mettre en balance la stabilité du pays et sa sécurité.
En effet, à trop vouloir chercher à  attiser le feu, toutes ces parties  n’ont pas pris la mesure du danger qui nous guette et  de l’impossibilité de maîtriser les flammes nourries par des pyromanes  de tout bord.
Au cours des nuits tendues que  le pays a vécues,  les manifestants pacifiques ont été doublés par des casseurs,  pilleurs et cellules terroristes dormantes qui ont cherché à  verser le pays dans le doute et l’anarchie.
Prise de court par la tournure  des événements et la gravité des dérapages observés, la majorité des acteurs  a préféré poursuivre sa fuite en avant, et non tirer les enseignements. Au lieu d’éteindre le feu, d’unir leurs  forces pour comprendre les causes profondes de ce séisme et trouver des pistes de  solutions, ils nous ont gratifiés d’une guerre d’accusations et de dérobades indignes. Pour cacher leur faillite, nos acteurs politiques ont préféré les polémiques infructueuses et un discours  complètement décalé. Parce qu’ils appréhendent les  prochaines échéances, la peur au ventre, ils ont fait profil bas, adoptant comme à l’accoutumée la politique de l’autruche.  Celle qui ne leur offre pas la possibilité de voir la réalité en face. Les conférences de presse improvisées, les déclarations de presse bidon, leurs jérémiades sur les échecs du gouvernement d’union nationale et leur désir  de provoquer une crise gouvernementale, n’en sont que la preuve de leur incompétence. Le couac, c’est que ces acteurs, qui excellent dans l’art de la stigmatisation de l’autre et du dénigrement,  ne possèdent ni vision ni programme à présenter aux Tunisiens.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana