Le logement social provoque une vaste polémique

Les modalités de réalisation de l’ambitieux programme de logements sociaux par l’Etat, qui porte sur 30.000 logements, provoquent une grande polémique entre le ministère de l’Equipement et le Conseil de l’ordre des architectes tunisiens.

Cette polémique s’étend à la société civile et plusieurs associations ont été amenées à se prononcer sur certains aspects négatifs relatifs à la mise à exécution de ce programme dont les objectifs nobles, à savoir favoriser l’accès à la propriété d’un logement décent pour les catégories défavorisées de la population ne doivent pas être occultés.

En quoi consiste le programme et quels sont les aspects qui en sont la pomme de discorde ?

A l’origine, il s’agissait de faire disparaître les logements rudimentaires sur la base d’un recensement après les révélations faites lors des inondations et chutes de neige de cet hiver : 10.000 logements ont été prévus sur tout le pays à titre de remplacement et sur la base de la gratuité après enquête sur les ressources financières des ayants droit.

La réalisation de ce programme sera confiée sur appel d’offres à de petites entreprises locales de bâtiment dans le but de dynamiser l’économie régionale et de créer un maximum d’emplois sur place au profit de la main-d’œuvre disponible.

Le principe étant de permettre aux bénéficiaires, à partir d’un minimum de superficie couverte, de réaliser une extension ultérieure par la suite.

Le 2ème programme qui portait sur 30.000 logements au départ a été ramené à 20.000 et le délai de réalisation prévu initialement sur deux ans n’a plus été fixé de façon précise.

Il est clair que ce projet gigantesque implique des délais beaucoup plus longs inhérents aux multiples dispositions techniques, foncières, administratives et financières à prendre pour le réaliser avec succès soit dans le meilleur des cas quatre à cinq ans selon les experts du secteur.

Il y a d’abord une difficulté majeure d’ordre foncier : trouver de vastes terrains disponibles appartenant aux  domaines de l’Etat, situés à proximité des villes et des villages afin de les consacrer à la construction des nouveaux logements afin de favoriser l’aménagement des viabilités : alimentation en eau, raccordement électrique, assainissement.

Il y a ensuite les études techniques relatives aux infrastructures : lotissement, aménagement de routes, canalisations d’assainissement, à financer par l’Etat…

Il faut ensuite préparer les plans des logements en vue de l’obtention des permis de bâtir. Il est essentiel aussi de trouver les financements nécessaires pour procéder au lancement des appels d’offres en vue d’entreprendre les travaux de construction.

Toutes ces formalités exigent du temps, les délais sont incompressibles pour certaines opérations. Certains critères ont été déjà retenus : le coût de construction d’un logement ne doit pas dépasser 35.000D, un crédit de 100MD a été budgété pour 2012, tandis que le coût global du programme a été estimé à 1,40 milliard de dinars.

Les choix et les préoccupations du ministère de l’Equipement sont les suivants : le lancement d’un appel d’offres international et la formule retenue, celle des «clés en main», sont destinés à agir autant sur la compression des prix que sur celle des délais.

Le choix de l’industrialisation du processus de construction va dans le même sens, mais cela impliquerait l’importation de panneaux préfabriqués de l’étranger, à monter sur place dans les chantiers par de gros engins de travaux publics. Il y a eu dans le passé des expériences en matière d’industrialisation du bâtiment qui n’ont pas toujours été réussies : logements construits par El Iskan à Ben Arous, logements construits à El Mourouj selon la méthode italienne de béton injecté Tambourini. Alors que pour la Cité d’olympique de Radès, il n’y a pas eu de problème majeur.    

Les griefs des architectes et de la société civile sont multiples et leurs protestations sont nombreuses contre les principes retenus par le ministère de l’Equipement et de l’Habitat.

Tout d’abord, ils reprochent à l’autorité de tutelle de ne les avoir associés ni au processus de conception et de définition du programme ni aux modalités de sa réalisation, alors que ce sont les hommes de l’art et qu’ils ont leur mot à dire en la matière.

Cette remarque est aussi valable pour les bureaux d’études et les ingénieurs-conseils.

Ensuite, ils contestent la fiabilité technique du préfabriqué ainsi que la réussite de la formule «clés en main» et affirment que cette solution n’est pas conforme aux intérêts de l’économie nationale et ne respecte pas l’authenticité du patrimoine culturel du pays.

En effet, ils considèrent que l’un des objectifs de ce programme consiste à créer le maximum d’emplois pour la main-d’œuvre tunisienne dans le secteur du bâtiment et à dynamiser le tissu des entreprises de bâtiment locales.

Les architectes tunisiens doivent trouver leur compte dans ce vaste programme, car ils sont les seuls à pouvoir adapter les plans des logements au mode de vie et aux usages et traditions de chaque région plutôt que l’adoption d’un plan standard valable pour toutes les régions du pays. Ils ont organisé un sit-in devant le ministère le 29 août et ont soulevé le problème devant l’ANC.

Par Ridha Lahmar

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