Le mauvais coup a raté enfin, ou presque…

Mehdi Jomâa avait demandé le huis clos “pour des raisons de sécurité”, selon Karima Souid, chargée de l’Information à l’ANC, pour la séance de comparution d’Amel Karboul et de Ridha Sfar, ayant eu “le tort” de permettre à des touristes israéliens de quitter leur bateau de croisière à la Goulette pour visiter la capitale. Un crime pour les députés de Wafa, du CPR, du courant El Mahabba et quelques autres.Soit 80 qui ont signé une pétition pour faire comparaître les deux “traitres” devant leurs pairs, avec le secret espoir d’affaiblir le gouvernement (neutre et résultant d’un consensus de la société civile) et, qui sait ? De peut-être le faire tomber, car il commence à devenir gênant avec ses débuts de réformes, son “mauvais exemple” de diminution des salaires des ministres et des hauts fonctionnaires, ses suppressions de bons d’essence et de voitures aux fonctionnaires — qui ne se gênent pas pour voyager le dimanche — et autres prébendes qui grèvent le budget de l’État.

Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je pense que la sage mesure préconisée par le chef du gouvernement et qui a été refusée par vote au début de la journée, voulait éviter le spectacle offert par la séance de l’Assemblée, aussi bien à la population tunisienne qu’à l’étranger, avec ce déferlement de hargne et de haine — d’une minorité certes — à l’encontre des Israéliens… et soyons francs, des Juifs en général. Parce qu’on ne fera jamais croire à quiconque ayant un peu de bon sens que l’accueil de quelques touristes d’un pays avec lequel, certes, la Tunisie a rompu ses relations diplomatiques, équivaut à une reconnaissance officielle de ce pays et à l’abandon du soutien de la Tunisie à la cause palestinienne, chère à tous les Tunisiens, de quelque bord politique qu’ils soient. La vérité est que ce procédé de délivrer des laisser-passer provisoire à des citoyens du pays exécré a toujours existé, aussi bien sous les régimes précédents que depuis le 14 janvier 2011. Mais l’année 2014 a ceci de spécial qu’elle va voir se tenir des élections très importantes qui vont donner à la Tunisie un nouveau président et un Parlement, non provisoire cette fois et qui va diriger le pays pendant cinq ans. Alors, quelle meilleure occasion pour certains ténors de l’ANC pour et crier plus fort que les autres et tenter de faire croire aux futurs électeurs que ce gouvernement — si difficilement installé, après deux tentatives qui ont échoué, grâce à la Feuille de route du Dialogue national — devrait être affaibli par des “affaires” de ce genre.

Amel Karboul, la ministre du Tourisme, contestée par certains tout d’abord parce que c’est une femme moderne et efficace, et Ridha Sfar, vieux routier de la Sécurité publique et aide efficace du ministre de l’Intérieur, ont subi stoïquement les assauts de ceux qui regrettent les ministères précédents et qui, soyons-en sûrs, attendront d’autres occasions de s’attaquer à Mehdi Jomâa et à son équipe. Les deux “accusés” ont répondu posément, en leur âme et conscience et sans s’excuser, car ils ont pour eux leur bonne foi et l’intérêt du pays. À la fin d’une journée d’escarmouches, la bombe de la pétition des 80 a fait “pschitt” et la motion de défiance a été retirée, mais — et ceci explique le “presque” dans le titre de mon papier —, un communiqué a été voté qui stipule “l’entrée de touristes détenteurs de passeports israéliens est contraire à la politique tunisienne de soutien continu à la cause palestinienne.”

Ce communiqué va être interprété par nos partenaires étrangers comme une preuve de “racisme” de la part des autorités tunisiennes — à tort, bien sûr, mais allez faire comprendre la nuance à tout un chacun. Le résultat, prévu hélas, c’est que plusieurs compagnies maritimes ont décidé d’annuler les escales en Tunisie de leurs bateaux de croisière, des centaines de milliers d’euros manqueront aux Budget de l’État, mais qu’importe… l’essentiel pour ceux qui ont signé la pétition est justement d’affaiblir cet État où ils ne sont plus les maîtres. Tant pis si, comme le titre La presse du 14 mai au sujet des avoirs en devises, “le déni se poursuit.”

*Le djebel Châambi et ses voisins sont toujours le sanctuaire des djihadistes, protégés par les mines qu’ils ont placées et par un relief et des grottes qui ne permettent pas à l’armée et la Garde nationale d’y évoluer par la crainte, justifiée, de pertes humaines trop importantes. Toute la Tunisie a les yeux dirigés vers cet “abcès de fixation” qu’on n’arrive pas à éradiquer. Il faut espérer que le matériel sophistiqué qui a été promis à Mehdi Jomâa lors de ses visites dans les pays “frères et amis”, notamment, des hélicoptères et des drones, permettra d’attaquer les positions des terroristes avec le minimum de pertes en évitant le contact direct, trop cher en hommes (“le bien le plus précieux”) et de les anéantir ou de les chasser vers l’Algérie où l’armée algérienne les attend et a déjà donné des résultats certains.

La visite au Chaambi du président de la République, le 7 mai dernier, lui a donné l’occasion, après s’être adressé à nos troupes pour les encourager, de lancer un appel aux terroristes pour qu’ils se rendent, tout en précisant qu’il s’adresse “à ceux qui n’ont pas de sang sur les mains”. Et comment les connaît-on ? Peut-on penser que ceux qui ont tiré à la kalachnikov sur les Gardes nationaux ont fait des encoches/souvenirs sur la crosse de leur arme, que ceux qui ont égorgé nos jeunes soldats les ont faites sur le manche de leurs poignards. On a trop le souvenir des terroristes arrêtés à Soliman en 2007, à Bir Ali Ben Khalifa en 2012, et libérés à l’occasion de la Révolution de 2011 ou des nombreuses libérations à l’occasion des fêtes — et dont Moncef Marzouki n’est pas avare !—, et que l’on retrouve lors des arrestations actuelles effectuées par les forces de l’ordre. Ces gens-là ne sont pas des “enfants égarés” comme les avait qualifiées Rached Ghannouchi il y a deux ans, ni “des imbéciles” comme il les a appelés la semaine dernière, ce sont des partisans de régimes totalitaires, qu’ils se réfèrent à AQMI ou à Ansar Al Chariaâ. Leur but est la prise du pouvoir pour installer un régime tel que celui des talibans, de l’Iran ou de l’Arabie saoudite, dont la grande majorité du peuple tunisien ne veut pas. On doit donc les combattre jusqu’au bout.

 

* Bientôt les “Cent jours” du gouvernement Mehdi Jomâa, le 14 mai exactement et le chef du gouvernement s’adressera à la nation pour exposer son bilan. Le délai de grâce est terminé. Beaucoup a été fait, mais encore plus reste à faire. Les ministres sont maintenant en pleine activité, même si le démarrage a été lent pour certains, la Troïka ayant fait tout son possible pour leur laisser une Administration lestée de poids lourds et de freins. Malgré cela, la loi électorale a été votée — même si le Massar a déposé un recours à l’encontre de trois articles (parité verticale, vote des militaires et des policiers, découpage électoral) et sans doute que d’autres points devront être précisés. Mais l’ISIE commence à s’installer (même si le rythme est trop lent), ainsi que la HAICA, l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois est prête à entrer en action… Mehdi Jomâa nous dira ce qu’il a fait.

À nous de lui rappeler ce qui reste à accomplir, ce que les journalistes n’oublieront pas de faire lors de la séance de questions à la conférence de presse, poursuivre la révision des nominations basées sur la préférence partisane à tous les niveaux de l’Administration centrale, notamment au ministère de l’Intérieur, dans les services de Sécurité, dans l’administration régionale et locale, poursuite les révisions des nominations aux postes de délégués, de omdas, des responsables municipaux au niveau de l’établissement des listes électorales. Un budget doit être mis à la disposition des municipalités pour le choix des bureaux de vote et leur équipement en matériel et en personnel.

Enfin, last and not least, la dissolution des milices, notamment les Ligues de protection de la Révolution, condition essentielle pour le bon déroulement des opérations de vote, et ce, depuis la campagne électorale qui ne doit pas être perturbée jusqu’au jour du scrutin. J’y reviendrai, mais la transformation des 14 mois de prison d’Imed Dghij, chef de la Ligue du Kram, en 3 mois, avec libération prévue le 26 mai, n’est pas un bon présage…  

Raouf Bahri

 

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