Le mea culpa de Macron sur la Libye : sincérité ou opportunisme ?

Le président Emmanuel Macron parle à la presse en présence du président du Conseil présidentiel libyen, Mohammed El-Menfi, et de son vice-président, Moussa Al-Koni, après leur entretien au palais de l’Élysée, le 23 mars 2021, à Paris

Le 23 mars, alors qu’il recevait le nouveau président libyen, Mohammed El-Menfi, Emmanuel Macron a reconnu que la France avait une “dette” envers le pays à la suite de l’intervention armée de 2011. Mais est-ce là un aveu honnête, ou faut-il y voir la défense d’intérêts secrets, s’interroge L’Observateur Paalga ?
“Nous avons une dette à l’égard de la Libye et des Libyens”. C’est ce que le président français, Emmanuel Macron, a affirmé mardi dernier à l’issue d’une audience accordée au président du Conseil présidentiel libyen, Mohammed El-Menfi.
En disant cela, le locataire de l’Élysée reconnaît la responsabilité de l’Hexagone dans le chaos qui s’est installé dans le pays après l’intervention occidentale et particulièrement française qui, en 2011, avait débouché sur l’assassinat du colonel Kadhafi [au pouvoir depuis 1969 dans le pays, il avait été renversé par son peuple et l’intervention armée occidentale]. Au nom du “respect des droits de l’homme”, Nicolas Sarkozy avait alors sauté pieds joints dans le conflit interlibyen, même si tout semble indiquer qu’il avait des raisons personnelles d’en vouloir au Guide, après lui avoir goulûment léché la main.
Une décennie plus tard, le pays est toujours un grand bazar où sévissent une multitude de milices et de groupes armés. Une instabilité qui a du reste franchi les frontières pour submerger la bande sahélo-saharienne qui, du fait de l’explosion de l’État libyen, se trouve désormais en proie à une insécurité endémique.
En fait, ce n’est pas la première fois que Jupiter reconnaît une certaine responsabilité française dans l’imbroglio libyen : déjà à Alger en 2017, pendant une conférence de presse donnée quelques mois après son élection, il reconnaissait que “l’intervention occidentale en Libye était une erreur”. Confession similaire en 2018, cette fois à Tunis, où il avait qualifié ladite opération militaire de “grave erreur”.
L’acte de contrition présidentiel n’est donc pas nouveau en soi. Fait notable cependant, il intervient au moment où, après dix ans de confrontations armées entre le gouvernement d’union nationale de Fayez Al-Sarraj et les troupes du maréchal Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, une transition pacifique est en train de se mettre en place avec un gouvernement unifié qui a obtenu le 10 mars dernier la confiance du Parlement. Un nouvel exécutif bien décidé à remplir sa mission principale qui demeure l’organisation d’élections d’ici au 24 décembre 2021. C’est d’ailleurs cette embellie politique qui a décidé Paris à rouvrir à Tripoli son ambassade fermée depuis 2014.
*Opportunisme politique ?
On peut néanmoins se demander si c’est par simple bienveillance qu’Emmanuel Macron promet un soutien complet aux nouvelles autorités, lui qui dans un passé encore récent jouait un jeu trouble en soutenant, en toute discrétion bien sûr, l’ambitieux maréchal.
En vérité, en se rapprochant des nouvelles autorités de Tripoli, Paris pousse ses propres pions sur l’échiquier d’une Libye en cours de reconstruction dans l’espoir d’y jouer les premiers rôles, particulièrement pour les nombreux marchés qui se profilent à l’horizon. C’est donc une guerre à fleuret moucheté qui se joue entre Français, Italiens, Russes et Turcs. Alors les immenses réserves libyennes d’or noir valent bien un mea culpa présidentiel.
(Courrier International)

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